Peut-on évaluer la dangerosité d'un délinquant ?
Le gouvernement annonce que la question de l'évaluation de la dangerosité des délinquants serait bientôt incluse dans une loi. Mais une véritable évaluation du risque de récidive est-elle possible?
Parmi les questions que pose l'affaire Agnès, le rôle de l'expertise psychiatrique est montré du doigt. Mathieu, le lycéen de 17 ans soupçonné du viol et du meurtre de la collégienne de 13 ans au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) avait été remis en liberté après sa mise en examen pour une première affaire de viol en 2010.
Le gouvernement a donc annoncé lundi 21 novembre un projet de loi qui traiterait entre autre de l'évaluation de la dangerosité d'un délinquant. Mais l'expertise psychiatrique peut-elle vraiment empêcher la récidive ?
• La psychiatrie n'est pas une science exacte
C'est l'argument qu'a opposé le parquet de Clermont-Ferrand pour justifier la remise en liberté de Mathieu. Déjà mis en cause pour un viol commis dans le Gard en 2010, le jeune homme avait été jugé à l'époque "réadaptable, réinsérable et ne présentant pas de dangerosité" par les médecins.
Placé au collège des Cévennes dans l'attente de son procès, il était suivi par un psychiatre du Puy-en-Velay, à quelques kilomètres du Chambon-sur-Lignon. Il suivait également un traitement médical. Evalué, surveillé et traité, il a pourtant récidivé. La preuve qu'aucune expertise psychiatrique ne peut prédire à coup sûr la non-récidive, comme le rappelle le Dr Paul Bensussan, expert psychiatre :
Images Sophie Rodier et Guillaume Michel / France 2
• D'autres méthodes pourraient être utilisées
L'expertise psychiatrique n'a pas le don de prédire la récidive d'un délinquant. Mais en France, tous les outils susceptibles d'affiner le diagnostic ne seraient pas utilisés. C'est ce que pense le Dr Gérard Niveau, psychiatre français installé en Suisse, auteur de l'ouvrage Evaluation de la dangerosité et du risque de récidive (L'Harmattan, 2011). Selon lui, l'expertise française ne repose que sur "une évaluation clinique", qui ne "fait appel qu'à des notions de psychiatrie générale".
Il y oppose les "méthodes standardisées", des outils d'évaluation à plusieurs niveaux, basés sur la prise en compte de l'analyse psychiatrique mais aussi du contexte et de l'environnement du délinquant. "Ces méthodes sont d'autant plus adaptées dans le cas des mineurs délinquants, plus difficiles à évaluer, avance Gérard Niveau. Elles sont très utilisées en Belgique ou au Canada, mais très rarement en France."
Cette préférence pour l'approche psychopathologique serait propre à l'Hexagone, explique-t-il : "Depuis Lacan [psychiatre français éminent, présenté dans cet article par L'Express], l'expertise psychiatrique française a pour tradition de ne jurer que par la psychanalyse. Or, la question de la récidive ne dépend pas uniquement de notions psychopathologiques."
Reste à savoir si le gouvernement compte pousser les psychiatres à faire évoluer leurs méthodes d'expertise. Le projet de loi sur l'évaluation de la dangerosité des délinquants, annoncé le 21 novembre par le garde des Sceaux, pourrait leur en donner l'occasion.
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