Trafic de viande : à quoi servent les chevaux de laboratoire qui ont fini à la boucherie ?
Quelque 21 personnes ont été interpellées dans un vaste trafic de viande équine, lundi 16 décembre. Certains animaux sont passés par les laboratoires de Sanofi Pasteur, où ils servent à produire des sérums thérapeutiques. Une telle viande ne peut être vendue à des fins alimentaires.
Du cheval de laboratoire a-t-il atterri dans les assiettes ? Au total, 21 personnes – dont des vétérinaires – ont été interpellées lundi 16 décembre, dans le cadre d'une enquête menée dans le négoce de viande en gros, dans onze départements du sud de la France. Plusieurs lots incriminés seraient issus de chevaux passés par le laboratoire Sanofi Pasteur d'Alba-la-Romaine (Ardèche). Le groupe pharmaceutique réfute tout dysfonctionnement et s'apprête à "collaborer à l'enquête". Mais à quoi lui servent ces animaux ?
Les chevaux, usines à anticorps
Quelque 200 chevaux – essentiellement des trotteurs français – vivent sur le site d'Alba-la-Romaine, qui s'étend sur 140 hectares. Sanofi Pasteur n'effectue pas de tests sur les chevaux mais les utilise pour concevoir "des produits biologiques", explique Alain Bernal, porte-parole de Sanofi Pasteur, contacté par francetv info. "Les chevaux servent à produire des médicaments qui sauvent des vies, comme des sérums antitétaniques, antirabiques et antivenimeux."
Les animaux sont achetés à des éleveurs, puis on leur injecte des antigènes. Ces molécules entraînent une réponse immunitaire et la production d'anticorps en quantité. Il suffit ensuite de prélever du sang pour les extraire et les purifier, afin de confectionner lesdits sérums.
Pour produire ces anticorps, "les chevaux doivent toujours être en pleine forme. Et pour cela, ils sont strictement suivis par des vétérinaires". Les animaux sont également équipés d'une puce électronique et disposent d'un carnet de santé. "Dans notre métier, tout est contrôlé avec des agréments sanitaires et certifications", selon Alain Bernal, qui ajoute que ces chevaux sont "suivis au-delà de la normale". Rien n'indique toutefois qu'une telle viande soit sans risque pour la santé.
D'autres animaux sont parfois utilisés, signalent ces "Bonnes pratiques de fabrication", compilées en 2009 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Les singes permettent de produire un vaccin contre la poliomyélite et les chèvres contre le venin de serpent. Quant aux lapins, souris et hamsters, ils vous permettront de lutter efficacement contre la rage.
Des animaux revendus après trois ans
Rien que sur les trois dernières années, quelque 200 animaux ont ainsi transité par les laboratoires Sanofi Pasteur avant d'être "réformés", c'est-à-dire réintroduits dans le circuit traditionnel. "Nous gardons les chevaux environ trois ans avant de les vendre à des particuliers, des écoles vétérinaires ou des éleveurs", précise Alain Bernal, le porte-parole de Sanofi. La raison est simple. "Au-delà, les animaux produisent moins d'anticorps", explique un responsable du laboratoire ardéchois à nos confrères de France 2.
Ces reventes sont légales, puisque les fiches médicales précisent que l'abattage est "interdit pour la consommation humaine." Mais dans ce cas précis, les maquignons – marchands de chevaux – auraient racheté chaque animal pour 10 euros aux laboratoires ardéchois de Sanofi, précisent nos confrères de France 3.
Par la suite, ces mêmes marchands auraient revendu les bêtes à un négociant de Narbonne, soupçonné par les enquêteurs d'être l'organisateur du trafic. "On ne suit pas le devenir de tous les chevaux, on fait confiance à ceux qui nous les achètent", soupire Alain Bernal. "Si les faits sont avérés, nous irons en justice."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.