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Viande de cheval : comment elle a atterri dans votre assiette

Des abattoirs roumains aux enseignes françaises en passant par un trader chypriote, retour en étapes sur un circuit complexe. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un employé de la société Spanghero travaille sur une chaîne de production de steaks hachés, le 23 juin 2011 à Castelnaudary (Aude).  (REMY GABALDA / AFP)

Combien de kilomètres entre l'animal et l'assiette ? L'affaire de la viande de cheval retrouvée dans des lasagnes de la marque Findus pose la question de la traçabilité et met en lumière les méandres du parcours de distribution. "Je découvre la complexité des circuits", a reconnu le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, au micro de RTL. Pour faire le point sur la question, il a décidé de convoquer les professionnels de la filière, lundi 11 février, avec Guillaume Garot, ministre de l'Agroalimentaire.

Dominique Langlois, président de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), expliquait la veille à nos confrères de France 2 : "On peut toujours réduire la chaîne intermédiaire, mais c'est vrai que ça existe (...). Sur l'exportation, nous avons également des intermédiaires." Qui sont-ils et quel est leur rôle dans la chaîne de fabrication ? Francetv info revient en quelques étapes sur le circuit de la viande retrouvée dans les plats cuisinés Findus. 

Etape 1 : un abattoir roumain encore non identifié

Le nom de l'abattoir impliqué dans cette affaire est encore inconnu. Sorin Minea, président de l'association Romalimenta, qui regroupe les patrons roumains de l'alimentaire, explique que trois grands abattoirs traitent de la viande de cheval en Roumanie et en exportent l'essentiel, notamment vers la France et l'Italie. Mais toujours sous l'étiquette "cheval".

Des contrôles existent dans ces abattoirs. "J'ai du mal à croire qu'un abattoir roumain ait pu livrer du cheval sous l'étiquette de bœuf", ajoute le président des syndicats de l'industrie alimentaire (FSIA), Dragos Frumosu. Le Premier ministre roumain, Victor Ponta, a déclaré lundi, après enquête, qu'"aucune irrégularité n'a été commise par une société roumaine ou sur le territoire roumain". Selon lui, la compagnie française impliquée, Spanghero, "n'a eu aucun contrat direct avec des sociétés roumaines".

Etape 2 : des traders européens font leurs courses

Des traders entrent alors en piste pour vendre au meilleur prix des "minerais de viande", vendus sous vide ou congelés. D'après l'enquête menée par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, un trader basé aux Pays-Bas s'est fourni auprès de l'abattoir et de l'atelier de découpe roumains. Une opération réalisée pour le compte d'un autre trader, cette fois chypriote.

Selon le ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon, cette architecture "relève avant tout d'une logique financière qui aurait rapporté plus de 300 000 euros". Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services et ex-ministre de l'Agriculture, a livré la même analyse sur Europe 1 : "Derrière tout cela, il y a de la spéculation, (...) il y a de l'argent." Il a rappelé que la viande de cheval coûte 30% moins cher que la viande de bœuf.

Etape 3 : Spanghero réceptionne la viande dans l'Aude

Le trader chypriote vend ensuite la viande à la coopérative basque Lur Berri, maison mère de la société Spanghero depuis 2009. "Une partie de notre activité est d'être des intermédiaires", explique Barthélémy Aguerre, vice-président de la coopérative. A ce niveau, c'est donc la loi de l'offre et de la demande qui prime. "Il y a plus d'une centaine d'abattoirs en Europe. Nous achetons à celui qui fait la meilleure offre et nous revendons aux industriels." La société Spanghero, basée à Castelnaudary (Aude), reçoit ainsi des "pièces découpées dans la masse" qu'elle ne "déballe pas" mais qui sont "étiquetées bœuf", précise Barthélémy Aguerre. 

Etape 4 : Comigel fabrique les lasagnes au Luxembourg

La viande prend ensuite la direction de Capellen (Luxembourg). Elle y est transformée en lasagnes par la société Tavola, filiale de la société française Comigel basée à Metz (Moselle). Depuis le début de l'affaire, le PDG de Comigel, Erick Lehagre, explique qu'il était persuadé d'acheter à Spanghero de la viande de bœuf, exclusivement française.

Sur le site luxembourgeois, 200 employés fabriquent chaque année 16 000 tonnes de plats, à destination de seize pays d'Europe. La société compte de nombreux clients, dont les marques Aldi et Findus. Tavola fournit également des distributeurs, tels qu'Auchan, Casino, Carrefour, Système U ou Picard.

Etape 5 : Findus commercialise les plats

Le groupe agroalimentaire international est leader du surgelé en grande et moyenne surface. Il confectionne lui-même certains produits, comme le poisson pané. Mais il confie la préparation d'autres plats à des sous-traitants, tels que Comigel. C'est notamment le cas des lasagnes "à la viande de bœuf". Le groupe Findus a clairement visé Spanghero, samedi : "Comment est-il possible qu'en 2013 un transformateur de viande du Sud-Ouest ait pu commercialiser de la viande de cheval avec une estampille vétérinaire française 'viande de bœuf'" ?

Etape 6 : les enseignes les distribuent

Presque toutes les principales enseignes ont retiré de leurs rayons les plats surgelés de marque Findus, première société concernée, ou de marque de distributeurs. Il s'agit de lasagnes, cannellonis ou spaghettis bolognaisemoussaka, hachis parmentier, vendus dans les magasins Auchan, Casino, Carrefour, Système U, Cora, Monoprix, Picard.

Pour l'instant, seuls trois pays ont procédé à des retraits de produits : la France, le Royaume-Uni et la Suède. L'enquête des autorités françaises n'a pas encore permis de savoir où tous les produits frauduleux ont été vendus.

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