Attentats à Paris : la tentation moins forte de l'alya pour les juifs de France
Deux ans après l'attentat contre un Hyper Cacher à Paris, une cérémonie va rendre hommage aux victimes. L'émotion est toujours très forte, mais les départs vers Israël sont moins fréquents.
Un hommage est organisé à Paris par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), lundi 9 janvier, devant l'Hyper Cacher, deux ans après l'attentat qui avait fait quatre morts. Depuis l'attaque, les juifs de France ont vécu des moments d'inquiétude. Mais le phénomène de l'alya, du départ pour Israël, est aujourd'hui en recul, ainsi qu'en témoignent des Parisiens du 19ème arrondissement.
Jonathan et Joseph restent là ou sont leurs racines
A Paris, autour du métro Riquet, vit une importante communauté juive. Une synagogue, des commerces cascher et l'institution scolaire Beth Haya Mouchka sont implantés dans ce quartier. Jonathan, 33 ans, travaille à l'école publique du secteur et il ne porte aucun signe distinctif. Etre juif en France, où se situent "ses racines" ne lui pose aucun problème. "J’ai toujours vécu en France, mon pays et je m’y sens très bien. J’ai des amis de toutes les confessions et ils savent que je suis juif. Je n’ai pas l’impression qu’Israël soit mon pays", déclare-t-il.
Longue barbe blanche, grand chapeau en feutre sur la tête, Joseph, 60 ans, vit ici depuis 52 ans, et se dit pratiquant. Il n’a jamais songé à quitter Paris pour rejoindre Tel-Aviv ou Jérusalem. Quand le ministre israélien de la Défense a demandé le 26 décembre dernier aux juifs de France de "quitter ce pays qui n’est pas [leur] terre", Joseph n'a pas saisi l’appel. "Je n’ai compris pourquoi il disait cela. Par rapport à quoi ?", s’interroge-t-il. Joseph ajoute qu’il a fait l’armée en France, puis ses études et qu’il "est juif français, tout simplement". Ses vêtements sont-ils remarqués ? Des jeunes parfois le qualifient de "Rabbi Jacob", répond Joseph, qui précise en rire.
Josiane y pense, Ana passe l'acte
Josiane, 70 ans, arrivée de Tunisie en 1959, prend les choses avec moins de sourire. Elle se sent mal depuis 2012, l'année des attentats de Toulouse et Montauban, commis par Mohamed Merah. "Une balle dans la tête d’un bébé et il n’y a même pas eu de manifestation en France". Josiane se demande si "les gens qui se sont réveillés pour Charlie", en aurait fait autant, s'il n'y avait eu que l’Hyper Cacher. Pense-t-elle à quitter la France ? "Ça me serait très difficile, confie Josiane, mais on a un point de chute, au cas où..."
Israël représente davantage qu’un point de chute pour Ana qui est née et qui vit en Seine-Saint-Denis. La jeune femme de 29 ans apprend l’hébreu et partira dans un mois vivre à Ashdod dans le sud d'Israël. Elle va donc faire son alya, parce qu'elle ne sent plus en sécurité en France, alors que pour elle, Israël est "un modèle de sécurité". "Nous avons un tas de terroristes, on nous dit qu’ils sont surveillés. Mais ils étaient surveillés comment quand il y a eu le Bataclan ?" Ana s’interroge aussi sur la sécurité à l'entrée des centres commerciaux, où son sac, dit-elle, est à peine regardé. "L’armée israélienne arrête des terroristes. On sait qu’il y a un problème de sécurité et on l’affronte, alors qu’en France, on ferme les yeux", ajoute Ana, qui a tranché et fait son choix.
Près de 500 000 Français sont de confession juive. L’an passé, 5 000 sont partis vers Israël, soit un tiers de moins qu'en 2015. Il n'y a pas de statistiques, mais on en sait aussi que certains Français ayant rejoint Israël, reviennent finalement, à cause d'une adaptation compliquée.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.