Cavale de Mohamed Amra : "Chaque voyou peut comprendre son intérêt personnel à collaborer avec la police et à donner des renseignements", estime l'ancien patron de la PJ parisienne

Quelque 350 enquêteurs traquent le moindre indice permettant de retrouver le commando qui a attaqué le convoi pénitentiaire dans l'Eure, mardi. Selon Christian Flaesch, les forces de l'ordre pourraient bénéficier d'un coup de pouce de la part du milieu du banditisme.
Article rédigé par franceinfo
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La notice rouge diffusée contre Mohamed Amra sur le site d'Interpol, le 15 mai 2024. (INTERPOL / AFP)

Où est passé Mohamed Amra ? Les enquêteurs tentent de retrouver la trace de ce détenu qui s’est évadé mardi 14 mai lors de l’attaque d’un fourgon pénitentiaire au péage d’Incarville, dans l'Eure, qui le ramenait du tribunal de Rouen vers sa prison. Gérald Darmanin a indiqué que 350 enquêteurs sont mobilisés pour rechercher les auteurs de cette attaque qui a coûté la vie à deux agents, et blessé trois autres.

Mercredi, Interpol a diffusé une notice rouge à la demande des autorités françaises. Le but, c’est de le localiser au cas où il serait parvenu à quitter le pays. Car, selon les premiers éléments de l'enquête, il semble que l'homme avait peaufiné son plan : un téléphone avait ainsi été retrouvée dans sa cellule, dont Mohamed Amra avait commencé à scier les barreaux, avant que les surveillants ne s’en aperçoivent lundi dernier, la veille de l’évasion. Reste qu'une cavale coûte cher, selon les spécialistes : il y a notamment le "prix de la discrétion" de complices dévoués et disciplinés.

"Il faudra prendre en compte tous les renseignements"

Selon l'ancien patron de la police judiciaire de Paris, Christian Flaesch, "le milieu du banditisme a bien compris que cette affaire était importante. Et chaque voyou est à même de comprendre, à un moment donné, où son intérêt personnel peut trouver satisfaction à collaborer avec la police et donner des renseignements qui pourront être utiles à la traque d'Amra et de tous ses comparses". 

franceinfo : comment s'organise la traque de Mohamed Amra et de ses complices ?

Christian Flaesch : Tous les moyens qui sont nécessaires sont mis en place ou vont être mis en place s'il en faut plus. Il y a déjà des moyens de police technique et scientifique, et la procureure de Paris a également indiqué que tous les laboratoires de police scientifique de l'Hexagone seraient mobilisés. Chacun peut en effet avoir une spécialité ou avoir plus de disponibilité pour examiner les éléments de police technique et scientifique retrouvés, comme sur la scène de crime, la découverte des véhicules brûlés dans la fuite ou même toute autre perquisition qui a été réalisée ou sera réalisée dans l'avenir. Ces moyens de police technique et scientifique sont fondamentaux. D'autant que ces constatations sont à faire immédiatement. Ensuite, il y a une enquête classique qui se met en place, avec l'environnement numérique qui est extrêmement important. Il s'agit de toutes les traces que vous pouvez laisser numériquement sur les différents points. Et puis, vous avez les examens des caméras de vidéoprotection dans les différents lieux qui peuvent être utiles. Enfin, on a un milieu, celui du banditisme, qui a bien compris que cette affaire était importante. Et chaque voyou est à même de comprendre, à un moment donné, où son intérêt personnel peut trouver satisfaction à collaborer avec la police et donner des renseignements qui pourront être utiles à la traque d'Amra et de tous ses comparses. C'est pour cela que je suis assez optimiste sur le fait que lui et ses comparses seront identifiés et interpellés.

350 enquêteurs sont mobilisés, cela parait énorme. Comment se coordonnent-ils ?

C'est un vrai boulot ! Mais cela s'organise en ateliers sur tous les aspects de l'enquête : la personnalité de Mohamed Amra, mais aussi géographiquement, à la fois du côté de Rouen et de Marseille, puisqu'il était mis en examen sur un certain nombre de faits dans cette région. Il y a un besoin d'avoir des remontées d'informations et une coordination, parce qu'il y aura aussi, sûrement, des renseignements qui seront bidons, farfelus... Il faudra malgré tout les prendre en compte et les trier selon leur niveau d'urgence.

Doit-on parler d'une course contre-la-montre ou, au contraire, il n'y a pas de précipitation à avoir pour les enquêteurs ?

Plus tôt il sera arrêté, mieux ce sera : Mohamed Amra est un voyou qui est dangereux. Il y a toujours des risques qu'il y a eu une autre affaire sanglante derrière. Néanmoins, ça pourra prendre quelques jours, quelques semaines ou quelques mois. Quant à l’hypothèse de la fuite à l'étranger, bien sûr, elle doit être considérée. Il y a des systèmes très simples déjà, de télégrammes, d'attentions aux frontières. Évidemment, on peut imaginer que s'il passe une frontière et seulement des papiers, ce ne sera pas sous son nom, mais sous un nom d'emprunt. Il est bon que les services de police étrangers et judiciaires soient informés du nom, de la photo... Si on a des éléments de police technique, c'est-à-dire des ADN ou des empreintes, c'est nécessaire aussi de les transmettre rapidement. Et il peut y avoir des échanges d'ailleurs aussi : il est peut-être connu dans des fichiers à l'étranger. Ensuite, s'il y a une touche, comme on peut dire, la France dispose d'attachés de sécurité intérieure qui sont des policiers ou des gendarmes dans les ambassades ou des magistrats de liaison dans certains pays. Et donc, s'il y a un élément qui ramène sur un pays, il y aura une demande de coopération judiciaire avec ce pays qui pourra, dans la plupart des cas, être extrêmement efficace.

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