Catastrophe de Puisseguin : le mystère de l'embrasement du bus
Les circonstances de l’accident de la route au bilan le plus dramatique depuis 33 ans ne sont toujours pas précisées. L’enquête devra déterminer la position des deux véhicules entrés en collision vendredi. Elle va aussi s’attacher à vérifier si la route était correctement sécurisée et pourquoi l’incendie, responsable du très lourd bilan, s’est si vite déclenché et propagé.
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La route est-elle dangereuse ?
La départementale 17 où l’accident s’est produit mesure cinq mètres de large environ et elle est séparée par une ligne blanche discontinue. La voie est certes étroite et sinueuse mais pas aussi inquiétante pour la circulation que certains tracés de montagne dont on se méfie d’emblée. C’est plutôt une route de campagne ordinaire, "refaite en 2011" a précisé le conseil départemental de Gironde, qui décrit un "état correct et une signalisation conforme" .
Le virage où s’est produit l’accident traverse un secteur très arboré. Et en plein automne, des feuilles mortes jonchent le sol. Le matin, elles peuvent former un tapie mouillé par la rosée. Pour toutes ces raisons, il convient logiquement de rouler doucement, surtout on conduit un véhicule large. La limitation de vitesse sur ce parcours est fixée à 90 kilomètres/heure. "C’est beaucoup trop", protestent depuis vendredi des habitués de la route interrogés par France Info après l’accident.
Ce drame risque de reposer plus globalement la question de l’accès des poids lourds et des autocars aux "petites départementales". Des véhicules qui semblent parfois bien imposants pour emprunter des parcours étroits. Il est là notamment question des bus scolaires qui effectuent le ramassage des élèves quotidiennement partout dans l’hexagone dans des secteurs ruraux.
Le camion était-il en portefeuille ?
La remorque et la cabine du chauffeur n’auraient plus suivi la même trajectoire et auraient formé comme un barrage sur la route en forme de V. Que s'est-il passé pour que ce poids-lourd se retrouve ainsi en travers de la chaussé ? Le conducteur, âgé d’une trentaine d’années et accompagné de son petit garçon de trois ans, était allé livrer du bois. Il revenait dans l'Orne où son entreprise est basée. Le véhicule roulait donc à vide. Un camion sans chargement est plus difficile à manier, mais selon la direction du transporteur, le chauffeur au volant vendredi dernier, était expérimenté. La société ne croit pas à une imprudence de sa part.
Les véhicules étaient-ils en bon état ?
Une défaillance technique peut-elle expliquer une partie du drame ? Le jeune routier était selon ses proches, un "passionné de mécanique, minutieux, sur tous les camions, lumières, pneus, il veillait à tout". La cabine du camion était récente, elle datait d’un an et elle avait été révisée en aout dernier.Le bus où voyageait 41 des victimes était de marque Mercedes Tourismo, un véhicule lui aussi récent. Sa mise en circulation date de 2011. A LIRE AUSSI ►►►Catastrophe de Puisseguin : ce que l'on sait du chauffeur du camion
Pour comprendre ce qui s’est passé, les enquêteurs comptent sur les chronotachygraphes récupérés à bord des deux véhicules. Ces appareils surnommés mouchards gardent en mémoire des indications sur la vitesse, le temps de conduite et le parcours. Mais le colonel Touron qui dirige l’identification criminelle a prévenu que les enregistreurs pourraient ne pas parler, ils ont été fortement endommagés par le feu.
Les experts en mécanique risquent d’être confrontés au même problème. En effet, le système de freinage a semble-t-il brûlé. Dans ces conditions, son examen et son analyse s’annoncent compliqués.
Les mystères d’un embrasement meurtrier
Des habitants, à commencer par le maire de Puisseguin, racontent avoir entendu une forte explosion, suivie de deux petites déflagrations. Les pompiers qui sont intervenus quelques minutes après la collision disent avoir constaté à leur arrivée un brasier énorme, empêchant le moindre sauvetage.
Le moteur du bus est à l’arrière. Il semble donc que l’incendie soit parti du camion, de son réservoir gazole, un carburant pourtant moins inflammable que l’essence.
L'embrasement pourrait aussi trouver son origine dans un court-circuit. On peut penser que le feu en tout cas est passé sous le car dont le plancher s’est effondré. Le car a fait "cheminée". Les experts en pyrotechnie devront confirmer ce scénario.
Depuis le drame de Beaune en 1982 qui avait fait 53 morts, les normes de construction des cars ont été modifiées. L’intérieur est plus résistant au feu. Mais face à des températures extrêmes, une fois que le feu est déclenché, cela ne change finalement pas grand-chose.
Une enquête sur la base de témoignages
Huit rescapés de l’accident pourraient aider les enquêteurs. Et parmi eux, le chauffeur du bus qui a eu le réflexe de déclencher l’ouverture des portes, et le courage d’extraire plusieurs passagers. Ce conducteur s’est déjà entretenu avec les gendarmes, mais il devrait être réentendu bien plus longuement.
Dès ce lundi, le procureur de la République de Libourne va recevoir les familles de victimes au tribunal afin de leur donner des indications sur les avancées de l’enquête. Des investigations qui s’annoncent longues et complexes. Elles seront menées à partir de la captation en trois 3D de la scène qui permettra de modéliser la situation au moment de l’accident. Tous les relevés nécessaires ont été effectués, ce qui doit permettre le relevage des véhicules et probablement le dégagement de la chaussée d’ici ce soir.
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