Ce que l'on sait du suicide d'un éboueur dans le Calvados au lendemain de son licenciement
Un conducteur de bennes à ordures s'est suicidé, vendredi 5 juin, après avoir été licencié par son entreprise pour consommation d'alcool au travail. La société évoque "une tragédie" et souligne son "intransigeance sur les comportements de ses chauffeurs".
Il travaillait depuis plus de vingt ans dans des sociétés de collecte de déchets. Un chauffeur de benne à ordures ménagères, âgé de 46 ans, s'est donné la mort, vendredi 5 juin, dans le Calvados. La société qui l'employait depuis cinq ans, la Coved (Collecte valorisation énergie déchets), venait de le licencier pour avoir bu de l'alcool durant une tournée de ramassage.
Contactée par franceinfo, l'entreprise reconnaît "une tragédie". Par ailleurs, elle rappelle "sa responsabilité" et son "intransigeance sur les comportements de ses chauffeurs", notamment concernant leur consommation d'alcool.
Il s'est suicidé le lendemain de son licenciement
Lors d'une tournée de ramassage, dans le secteur du Fresne-Camilly, près de Caen, le salarié, qui conduisait la benne, et son collègue, ont accepté deux bières offertes par un client, a relaté Ahmed Benani, élu CFDT de l'entreprise, à France Bleu. Le riverain souhaitait remercier les deux agents pour leur travail durant le confinement, d'après RTL.
Un peu plus tard, des habitants et des agents techniques d'une commune située sur le parcours des éboueurs ont signalé leur "attitude dangereuse et inappropriée", indique l'entreprise dans un communiqué adressé à franceinfo. La police est intervenue alors à la demande des services techniques de cette commune, toujours selon la société. Soumis à un contrôle d'alcoolémie, le chauffeur présentait un taux de 0,19 gramme par litre de sang, a précisé Yannick Martin, syndicaliste CGT, à Ouest-France.
La Coved explique que les deux employés ont été par la suite convoqués à un entretien disciplinaire, au cours duquel ils ont reconnu avoir consommé de l'alcool. Ils ont ensuite été licenciés pour faute grave. Un renvoi que le conducteur de la benne a appris, jeudi 4 juin, dans une lettre recommandée.
Le lendemain, au petit matin, il a revêtu sa tenue professionnelle et ses chaussures de sécurité, avant de "se donne[r] la mort dans le garage de ses parents", avec un fusil de chasse, a raconté Ahmed Benani à France Bleu. "La gendarmerie a retrouvé la lettre de licenciement à ses pieds", s'est ému Yannick Martin sur RTL.
Les syndicats pointent un manque de dialogue social dans l'entreprise
"En 26 ans de carrière, il a été mis à pied une fois pour un changement de nom sur un planning", a relevé Yannick Martin, interrogé par France Bleu. Le management de l'entreprise et les conditions sociales sont critiqués par les représentants syndicaux. De plus, ceux-ci déclarent de ne pas comprendre pourquoi la société a laissé leur collègue finir sa tournée et reconduire le camion au dépôt le jour de l'incident qui a causé son licenciement. "S'il était vraiment dangereux, il ne fallait pas le laisser reprendre le volant", s'est étonné Ahmed Benani au micro de France Bleu. "Ce n'est qu'à l'issue de quatre heures d'immobilisation que la police a redonné les clés du véhicule et a autorisé le chauffeur à repartir", après un nouveau test, "cette fois en dessous des limites autorisées", a rétorqué l'entreprise à franceinfo.
"Ils auraient pu mettre en place un suivi, un accompagnement, au lieu de le licencier tout de suite", a avancé Yannick Martin auprès de France Bleu. Les syndicats ont par ailleurs saisi l'inspection du travail. L'entreprise estime, elle, devoir faire preuve "d'intransigeance" sur la consommation d'alcool de ses employés.
L'alcool au volant, c'est une ligne absolument rouge dans l'entreprise
La Covedà franceinfo
La société emploie 33 salariés, répartis sur le site du Fresne-Camilly et à Giberville, à une vingtaine de kilomètres de là, rappelle Ouest-France. Ces dernières années, l'entreprise a connu plusieurs départs. "Quatre licenciements en quatre ans et, récemment, trois démissions au secrétariat", a affirmé Yannick Martin au journal local. Le maire du Fresne-Camilly, Jacques Landemaine, se souvient également d'un conflit social, survenu en 2017. "Il y a eu des problèmes dans cette société. Il y a trois ans, il y a eu un mouvement social qui avait duré plus d'un mois sur notre commune", a-t-il indiqué au micro de BFMTV-RMC, jeudi. Interrogée par franceinfo à ce sujet, l'entreprise n'a pas fait de commentaire.
La Coved précise toutefois qu'un comité social et économique (CSE) extraordinaire se réunira le 15 juin "pour examiner les conséquences de cette dramatique affaire". Un accompagnement psychologique a également été mis en place sur le site où travaillait cet employé, a appris franceinfo.
La famille envisage de porter plainte
"Mes parents sont dévastés. C'est mon père qui a découvert le corps", a témoigné le frère du défunt, lui-même éboueur, auprès de France Bleu. Sa famille pense désormais à porter plainte.
Tout en reconnaissant l'erreur de son frère, il estime que la Coved aurait"pu lui laisser une deuxième chance", alors qu'un tel incident "n'était jamais arrivé en 26 ans de carrière". Il met également en avant les efforts de l'employé pendant le confinement.
Mon frère a travaillé sans relâche pendant toute cette période, on était les héros du quotidien. Là c'est le monde qui s'écroule
Le frère de l'agent décédéà France Bleu
Un sentiment partagé du côté des syndicats. "Ils sont où les héros du quotidien dont on parlait, qu'on applaudissait, [et] tous les messages qu'on nous a mis sur nos poubelles ? Tous les messages qu'on a gardés d'ailleurs, car nous [étions] très touchés par cela. Mais la direction s'en fout de ça, le boulot était fait, mais on n'est pas des héros du quotidien pour eux. On est là pour faire ça, basta", s'est emporté Yannick Martin sur RTL.
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