Fusillade à Marseille : "Les trafiquants ont une pratique de l'ultra-violence qui s'est totalement banalisée", estime un spécialiste du banditisme
"Ces trafiquants et ces nouveaux caïds se sentent dans leur bon droit [...] Ils estiment légitime d'aller régler leurs conflits et ont une pratique de l'utlra-violence qui s'est totalement banalisée", explique Frédéric Ploquin, journaliste spécialiste du banditisme, sur franceinfo dimanche 21 mai, après la nouvelle fusillade à Marseille qui a fait trois morts. Depuis le début de l'année, 21 personnes sont mortes à Marseille dans des règlements de comptes principalement liés à des trafics de drogue.
franceinfo : Est-ce qu'il y a une fatalité à Marseille à subir ce genre de faits-divers ?
Frédéric Ploquin : Pour avoir côtoyé certains de ces trafiquants et de ces nouveaux caïds, ils se sentent dans leur bon droit. Quand on parlent avec eux, ils estiment légitime d'aller régler leurs conflits ou d'aller venger untel et ont une pratique de l'utlra-violence qui s'est totalement banalisée, qu'ils estiment juste et légitime et dont ils sont en plus relativement fiers.
"Ils sont capables de vous dire que ce sont des barbares et qu'ils assument. C'est à celui qui sera le plus barbare. Il y a en plus la question des réseaux sociaux qui propagent et amplifient, qui fait une sorte de publicité à cette ultra-violence. Il y a une volonté de montrer qu'on est le plus fort."
Frédéric Ploquin, journalisteà franceinfo
Est-ce que c'est compliqué du point de vue de la police ?
Aujourd'hui, la police judiciaire de Marseille est débordée par ces assassinats. A chaque fois, il faut ouvrir une enquête criminelle qui demande du temps et des constatations et en attendant eux vont beaucoup plus vite. Ils résolvent les enquêtes criminelles à l'instant même où le crime se produit en éliminant celui que la justice aurait aimé voir dans le box des accusés aux assises pour le crime précédent, sauf que c'est trop tard il est déjà mort. Ils vont trop vite. À noter aussi qu'on hérite [dans ces milieux] de la vendetta : le petit-frère ou le cousin de celui qui a été tué va se sentir aspiré par cette spirale et doit entrer en jeu sinon il n'est pas un homme.
Est-ce qu'il existe encore une forme de hiérarchie dans ce que vit Marseille ou d'autres villes ?
Les véritables barons de la drogue sont un peu plus malins que ceux qui s'entretuent sur le terrain puisqu'ils sont loin : Dubaï, Algérie, Sénégal ou encore Maroc. Autrefois, ces grands bandits avaient besoin d'être sur le terrain parce que sinon on ne leur obéissait pas. Aujourd'hui, les 20 plus gros narcotrafiquants français ne vivent plus en France. Sur le terrain, on a donc les équipes qui tiennent les petites PME de la distribution des stupéfiants.
À Marseille, par exemple, on a longtemps considéré que l'on pouvait acheter et gérer la tranquillité publique dans les quartiers nord. Dans les années 1990 et 2000, on a un peu pactisé et on se réveille 20 ans après avec un chaos total. On a cru qu'on pouvait avoir la paix et là-dessus est arrivée une nouvelle génération plus radicale que la précédente et la cocaïne qui hystérise la situation parce qu'elle rapporte plus avec moins de quantités que le cannabis.
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