Procès de Nordahl Lelandais : le père de Maëlys est "en quête de réponses" mais "ne se fait pas beaucoup d'illusions", explique son avocat
Plus de quatre ans après la mort de Maëlys, dont le corps a été retrouvé six mois après sa disparition sur les indications de son meurtrier, Nordahl Lelandais, le mobile du crime reste obscur.
Condamné en mai 2021 à vingt ans de réclusion pour le meurtre du caporal Arthur Noyer, Nordahl Lelandais est jugé par la cour d'assises de l'Isère à partir du 31 janvier 2022 pour celui de Maëlys disparue en août 2017. Le tueur n'a avoué le meurtre de la petite fille qu'une fois confondu par une tache de sang retrouvée dans le coffre de sa voiture. Aujourd'hui encore, il parle de mort accidentelle et nie la péméditation.
La question de savoir si Maëlys a subi des violences sexuelles reste également sans réponse. La découverte de son corps, six mois après sa disparition, a été trop tardive pour que les experts scientifiques puissent estimer si l'enfant avait été violée ou non. Le chef d'accusation n'a donc pas été retenu. Joachim De Araujo, le père de la petite fille, âgée de 8 ans lors de sa disparition, "est en quête de réponses" mais "ne se fait pas beaucoup d'illusions", a indiqué lundi sur franceinfo Me Laurent Boguet, son avocat.
franceinfo : Comment votre client aborde-t-il ce procès aujourd'hui ?
Laurent Boguet : Avec une véritable impatience et malgré tout avec une nécessaire appréhension puisqu'il va être confronté au bourreau de cette petite fille et à celui qui a anéanti son existence purement et simplement. Pas de colère. J'ai presque envie de dire qu'il a presque dépassé ce stade, il est en fait dans une grande souffrance. Il est en quête de réponses mais il ne se fait pas d'illusions. En revanche, il entend effectivement se tourner vers la justice, répondre aux questions qui lui seront, à lui, adressées et faire en sorte qu'un verdict soit prononcé. Un verdict de culpabilité avec un châtiment à la hauteur du drame que nous avons connu.
Nordahl Lelandais a mis six mois, après sa mise en examen, pour reconnaître qu'il avait tué la fillette. Il affirme toujours que c'était un accident, que la mort de Maëlys n'était absolument pas préméditée. Est-ce possible pour vous ?
Non, c'est une thèse qui est parfaitement inaudible. On ne peut pas enlever en pleine liesse de mariage une petite fille de 8 ans, la soustraire à la surveillance de ses parents, l'emmener dans sa voiture et puis la déposer dans un coin sombre sans qu'il y ait à un moment donné une démarche parfaitement réfléchie, j'ai même envie de dire extrêmement déterminée. Et puis la suite, effectivement, commande de considérer que Nordahl Lelandais, qui est à la manœuvre pour satisfaire ses pulsions, sait parfaitement ce qu'il fait puisqu'il va s'employer avec beaucoup de volonté, avec beaucoup de constance, à dissimuler les traces de son forfait. Il niera ensuite et confronté enfin à des évidences scientifiques incontournables, nous aurons droit à des reconnaissances véritablement consenties a minima.
La question d'un éventuel mobile sexuel a été écartée. Il ne sera pas poursuivi pour cela aujourd'hui, uniquement pour meurtre, séquestration et enlèvement. Il n'y a pas eu de preuve d'un mobile sexuel. Est-ce que cet aspect doit être abordé par le tribunal ?
Nécessairement dans la mesure où nous savons que la personnalité de Nordahl Lelandais est tout entièrement construite autour d'une sexualité exigeante, polymorphe au niveau du choix des objets. La fréquentation de sites pédopornographiques, le fait qu'il soit parallèlement renvoyé pour s'être livré à des agressions sexuelles sur des petites gamines, sa filleule et sa petite cousine, de 4 et 6 ans, quelques jours avant la disparition de Maëlys, interrogent nécessairement. Et pour ce qui concerne Joachim De Araujo, il ne croit pas sérieusement que Nordahl Lelandais ait emmené sa fille simplement pour lui montrer ses deux chiens. Évidemment, la question du mobile sexuel sera posée parce qu'elle est centrale pour appréhender les raisons du passage à l'acte de Nordahl Lelandais.
Pour vous, Nordahl Lelandais est un manipulateur ?
Oui comme très souvent dans ce type de profil, nous avons à faire à quelqu'un qui, systématiquement, s'inscrit dans la dénégation absolue. Il pousse même des cris d'effroi lorsqu'on le désigne comme potentiel responsable de la disparition de Maëlys. Ce n'est que lorsqu'il est confronté à la découverte du sang et l'ADN de sa jeune victime, à la fois à l'intérieur de l'habitacle et plus sûrement dans le coffre de son véhicule, qu'il ne pourra pas faire autrement que de reconnaître son application. Donc il manipule à longueur de temps. La question ensuite, sur le plan psychiatrique, est de savoir s'il se contente de manipuler les interlocuteurs et s'il n'est pas en train de se manipuler un peu lui-même parce qu'il a du mal à assumer la dangerosité criminelle de ces déviances.
Savez-vous pourquoi cette affaire a suscité et suscite aujourd'hui encore autant d'émotion dans l'opinion publique ? Est-ce que c'est parce qu'elle touche à une fillette ? Ou parce que Nordahl Lelandais apparaissait au début comme un homme "au-dessus de tout soupçon" ? Pourquoi cette affaire a eu un tel retentissement ?
Pour les raisons que vous venez d'indiquer. Au confluent de tous ces éléments il y a un trouble majeur, imprescriptible à l'ordre public. Il n'est pas dans l'ordre naturel des choses d'imaginer avoir à enterrer un jour sa descendance, surtout lorsqu'elle trouve la mort dans ces conditions. Ça provoque un émoi terrible parce que chacun peut imaginer, en tant que père, en tant que membre d'un entourage où figure une petite fillette, que c'est absolument prohibé sur le plan moral et sur le plan juridique. Donc, il y a quelque chose d'effroyable dans le résultat des errances de Nordahl Lelandais. Le profil de l'intéressé qui, quatre mois auparavant, avait provoqué la mort d'Arthur Noyer, un jeune homme de 25 ans, signe une dangerosité exceptionnelle et un peu hors du commun. Donc il est tout à fait naturel qu'au-delà de la justice, l'opinion publique se préoccupe de ce qui pourrait représenter de près ou de loin, à tout le moins, un violeur en série et peut-être quelqu'un qui est attaché compulsivement à la commission de meurtre.
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