Mort de Steve Maia Caniço : après la remise du rapport de l'IGPN, plusieurs enquêtes sont toujours en cours
Mardi, Edouard Philippe a annoncé la saisine de l'Inspection générale de l'administration. Mais d'autres enquêtes en cours visent déjà à éclaircir ce qu'il s'est passé sur le quai Wilson le soir de la Fête de la musique.
"Il ne peut être établi de lien entre l'intervention des forces de police et la disparition de Steve Maia Caniço." En présentant les conclusions d'un premier rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), mardi 30 juillet, Edouard Philippe a fait beaucoup de déçus. Le document ne met pas en cause la police et n'explique pas la chute fatale du jeune homme de 24 ans dans la Loire.
Mais l'enquête administrative de l'IGPN n'est pas, loin de là, la seule procédure qui était susceptible d'apporter des réponses à ces questions. Outre la saisine de l'Inspection générale de l'administration (IGA), annoncée mardi par le Premier ministre, de multiples autres enquêtes sont toujours en cours.
Une enquête administrative de l'IGA
L'Inspection générale de l'administration (IGA), instance rattachée au ministère de l'Intérieur, remplit des missions d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, dans des domaines bien plus variés que le seul maintien de l'ordre. Elle est d'ailleurs composée de hauts fonctionnaires et non de policiers. Mardi, Edouard Philippe a annoncé qu'elle serait saisie, pour "aller plus loin" que l'enquête administrative de l'IGPN, au terme de laquelle "le déroulement de cette soirée, l'enchaînement des faits, reste confus", a-t-il jugé.
Le Premier ministre souhaite que cette enquête permette de comprendre "les conditions d'organisation de l'événement par les pouvoirs publics, mairie et préfecture, ainsi que les organisateurs privés". Dans sa lettre de saisine, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, met notamment l'accent sur la vérification "des dispositions prises en matière de sécurité des participants", la pertinence du "dimensionnement des dispositifs de police et de secours" ou encore "les circuits d'information et de décision entre les services de l'Etat et ceux de la ville de Nantes" cette nuit-là. L'enquête n'a donc pas directement pour objet la recherche des causes de la mort de Steve Maia Caniço, mais vise plutôt à comprendre le contexte de sa disparition.
L'IGA doit rendre ses conclusions le 4 septembre, selon la lettre de saisine consultée par l'AFP. Elles "seront rendues publiques", a promis Edouard Philippe.
Une nouvelle information judiciaire pour "homicide involontaire"
Après le signalement, le 23 juin, de la disparition de Steve Maia Caniço par ses parents, des investigations judiciaires avaient été menées, "d'abord sous la direction du parquet de Nantes, puis, à partir du 27 juin, dans le cadre d'une information judiciaire en recherche des causes de cette disparition", rappelait le procureur de Nantes, Pierre Sennès, mardi. Des "investigations précises, complètes et approfondies" ont déjà été menées par la justice dans le cadre de celle-ci, a-t-il assuré.
L'identification formelle, mardi, du corps du jeune animateur périscolaire a entraîné la clôture de cette information judiciaire, et l'ouverture d'une nouvelle, cette fois "contre X du chef d'homicide involontaire", a annoncé le procureur. Deux magistrats instructeurs sont chargés de poursuivre les investigations judiciaires. Cette nouvelle qualification les autorise notamment "à rechercher d'éventuelles responsabilités pénales", explique Pierre Sennès. L'enquête devrait être confiée à la police judiciaire, mais aussi, une nouvelle fois, à l'IGPN.
Il s'agit d'une procédure bien différente de l'enquête administrative menée par "la police des polices". "Les juges d'instruction vont mener leur propre enquête et peu importe ce qui a été conclu sur le plan administratif, on repart de zéro", explique à franceinfo le magistrat Serge Portelli. Ces investigations pourront aller "beaucoup plus loin", ajoute la présidente du Syndicat de la magistrature, Katia Dubreuil, car les juges d'instruction disposent de moyens plus étendus "comme des écoutes, des expertises, des placements en garde à vue".
Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats, estime lui que "le juge d'instruction est la seule autorité indépendante qui peut mener une enquête de ce type-là, il était donc essentiel qu'un juge d'instruction soit nommé". En contrepartie, une telle enquête judiciaire n'est pas aussi rapide à mener. "Ça va prendre du temps", avertit-il.
Une enquête judiciaire de l'IGPN après une plainte collective
Une autre enquête judiciaire visant l'intervention de la police a été ouverte le 16 juillet. Cette fois, elle est consécutive à une plainte collective "pour mise en danger de la vie d'autrui et violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique", déposée deux semaines plus tôt par l'avocate Marianne Rostan au nom de 89 personnes qui ont participé à la soirée, dont certaines sont tombées à l'eau.
C'est encore l'IGPN qui a été saisie par le procureur, "dans un cadre judiciaire" et non administratif a-t-il précisé. "Plus il y a d'enquêtes, plus il y a d'investigations, plus on espère avoir des résultats satisfaisants", s'était alors satisfaite Marianne Rostan.
Une enquête du Défenseur des droits
Un autre acteur s'est également invité dans le dossier, le 10 juillet. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a annoncé s'être "saisi d'office", c'est-à-dire sans avoir reçu de plainte, afin d'enquêter sur la disparition de Steve Maia Caniço. Cette enquête doit s'intéresser aux conditions de l'intervention, et tenter de déterminer s'il y a eu ou non une faute de la police.
Ce n'est pas la première fois que Jacques Toubon se saisit d'un dossier concernant la police. Il a notamment plusieurs fois demandé la suspension ou l'interdiction de l'utilisation par les forces de l'ordre des LBD et des grenades de désencerclement.
Deux autres enquêtes parallèles
Mardi, l'IGPN a annoncé, à l'issue de son enquête sur la disparition de Steve Maia Caniço, avoir ouvert une nouvelle enquête administrative concernant d'autres faits, "des coups de matraques sur une personne au sol", lors de cette même intervention de la police le soir de la Fête de la musqiue.
Enfin, le 16 juillet, le procureur a annoncé l'ouverture d'une autre enquête, confiée à la police judiciaire, en réponse à "dix plaintes de policiers qui ont été blessés lors des événements de la Fête de la musique et qui ont déposé plainte pour des violences sur personne dépositaire de l'autorité publique". Dans le rapport de l'IGPN, un cadre de celle-ci affirme qu'un de ces policiers a été roué de coups.
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