"C'est l'effondrement de plusieurs vies" : à Marseille, le procès de la rue d'Aubagne s'ouvre six ans après le drame
Un drame devant la justice, dans une ville encore rongée par l'habitat indigne. Le procès des effondrements de deux immeubles de la rue d'Aubagne s'ouvre jeudi 7 novembre à Marseille, six ans après la mort de huit personnes sous les gravats. L'audience, qui doit durer un mois et demi, compte 87 parties civiles et 16 prévenus, jugés pour la plupart pour blessures et homicides involontaires. Il s'agit des copropriétaires, d'un syndic, d'un bailleur social, d'un architecte expert ou encore d'un ancien adjoint au maire de Marseille. Les proches de victimes et rescapés attendent que la justice désigne des responsables.
Imane fait partie des miraculés : le matin du drame, le 5 novembre 2018, il est parti très tôt au travail et n'était pas là quand l'immeuble s'est effondré. Mais sa mère est morte sous les décombres, juste après avoir déposé son petit frère à l'école. Six ans plus tard, Imane ressent encore beaucoup de colère. "L'immeuble avait des fissures, les poutres étaient abîmées, des fenêtres qui ne se fermaient pas, des portes qui ne s'ouvraient pas", se souvient-il. Quelques minutes avant les effondrements, un locataire a d'ailleurs filmé l'intérieur de l'immeuble. Sur la vidéo, des habitants qui cognent pour tenter de débloquer les portes. "Personne n'a réagi", se souvient Imane.
Parmi les victimes, se trouve Simona, une étudiante italienne de 30 ans. Sa mère, Maria, va suivre tout le procès et dit avoir confiance en la justice.
"Ce n'est pas l'effondrement d'un immeuble, c'est l'effondrement d'une vie, de plusieurs vies, de ma vie, souligne-t-elle. [Je voudrais] que plus jamais cela ne se reproduise, que plus jamais quelqu'un n'ait à vivre ce que nous, on est en train de vivre".
Maria, mère d'une victimeà franceinfo
Au cours du procès, les débats s'annoncent techniques pour désigner des responsables. L'enquête a démontré que ce n'était pas la pluie qui a causé les effondrements, comme l'avait suggéré le maire de l'époque, Jean-Claude Gaudin, mais une accumulation de dysfonctionnements. Au numéro 63 de la rue d'Aubagne, le bailleur social est soupçonné d'avoir laissé à l'abandon un immeuble condamné. Au numéro 65, le syndic et la dizaine de copropriétaires devront expliquer au tribunal pourquoi des travaux de sécurisation n'ont pas été effectués, malgré des expertises alarmantes depuis près de dix ans.
Un architecte est également en cause : il avait été mandaté deux semaines et demie avant le drame pour un diagnostic, alors que les planchers s'affaissaient et que les portes ne fermaient plus. Sa visite avait été rapide et les locataires avaient été autorisés à rentrer chez eux. Un seul élu municipal est mis en cause, l'ancien adjoint en charge de la prévention des risques, Julien Ruas. Dans son service en sous-effectif chronique, les signalements étaient, d'après l'enquête, traités à la légère. "M. Ruas indique qu'il avait un service en charge, que ce service public avait été bien rendu et qu'il n'a commis aucune faute", rétorque son avocat Erick Campana. Les 16 prévenus risquent, pour certains, jusqu'à 10 ans de prison.
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