Eure : ce que l'on sait du meurtre d'une cycliste, dont le corps n'a pas été retrouvé
Pour faire progresser cette enquête complexe, un appel à témoins a été lancé. Toute personne susceptible de détenir des éléments sur une femme entre 40 et 60 ans, isolée ou de passage dans le département, peut contacter le 07 77 20 64 00.
"Ça fait 23 ans que je suis magistrat et c'est la première fois que je suis confronté à une situation de ce genre." Devant la presse, rassemblée mercredi 16 novembre, le procureur de la République d'Evreux (Eure), Rémi Coutin, a lancé un appel à témoin pour élucider une affaire mystérieuse, impliquant un automobiliste de 46 ans, accusé d'avoir tué une cycliste, en mars, dans l'Eure.
L'homme a été mis en examen en juin des chefs d'"assassinat, recel de cadavre, destruction de preuves et dénonciations mensongères" et placé en détention provisoire, en juin. "Mais nous nous trouvons face à une situation particulière puisque nous n'avons pas de corps, et nous n'avons pas non plus d'identité quant à la victime supposée", a déclaré le procureur. Voici ce que l'on sait de l'affaire.
De premiers aveux sous l'emprise de l'alcool
A la mi-mai, une femme s'est présentée à la gendarmerie de Dieppe pour dénoncer un meurtre commis, selon elle, par son ex-compagnon deux mois plus tôt. Selon ses déclarations, l'homme l'a appelée, le 9 mars, "manifestement paniqué et sous l'emprise de l'alcool, pour lui dire qu'il venait de tuer quelqu'un" en voiture, avant de revenir sur ses propos, "quelques minutes plus tard", a détaillé Rémi Coutin.
Quatre jours plus tard, le 13 mars, son ex-compagnon lui confie à nouveau avoir percuté une femme qui circulait à vélo alors qu'il était ivre. Il a ensuite avoué avoir chargé le corps et le vélo dans sa voiture, avant de les cacher derrière un talus pour revenir ensuite avec une pelle pour les enterrer. A son retour, la cycliste était toujours vivante. Selon le récit sordide rapporté par le magistrat, le suspect l'"a achevée en lui portant plusieurs coups de pelle avant de l'enterrer".
Ce témoignage a été corroboré par une amie du couple, interrogée par les gendarmes. Cette dernière avait pris le 9 mars deux photos du véhicule incriminé, dont le pare-brise présentait "un gros impact circulaire avec une marque rouge au centre". Le véhicule, découvert calciné le 12 avril sur un chemin, a été déclaré volé par le suspect, le 10 mai.
Enfin, une autre femme, en cure avec le suspect, a elle aussi recueilli des confidences de cet homme "pas bien dans sa tête, car il avait renversé une vieille dame (...) qu'il avait achevée avant de l'enterrer".
Une victime non identifiée et un corps introuvable
Selon la description qu'a fait le suspect à son ex-compagne, "cette femme était âgée d'une soixantaine d'années et ressemblait, selon ses termes, à une clocharde", a précisé le procureur. À l'époque des faits, personne n'a signalé la disparition d'une femme et personne n'a entendu parler d'une collision entre une voiture et une cycliste. Le directeur de la section de recherche de la gendarmerie de Rouen, Thierry Jourdren, a spécifié avoir "sollicité Europol", aucun rapprochement n'ayant pu être établi avec une personne disparue.
"Le fait qu'on n'ait pas la victime, ça bouleverse le schéma classique de l'enquête judiciaire qui part d'un triptyque : une infraction, une victime, un auteur" a-t-il souligné. "Sans victime, c'est un élément clé de ce triptyque qui nous manque. C'est pour ça que cette enquête est complexe, singulière et manifestement une première à ce niveau-là."
Quant au corps, "la zone de recherche se situe sur la route départementale 80 reliant le Neubourg à Grand-Bourgtheroulde ou sur le réseau secondaire desservant cet axe principal. Ce secteur a été fouillé mais les recherches sont restées vaines", a-t-il déploré.
Pour faire progresser l'enquête, un appel à témoin a été lancé, mercredi, décrivant une femme entre 40 et 60 ans, isolée ou de passage dans le département. Toute personne susceptible de détenir des éléments peut contacter le 07 77 20 64 00.
Un suspect et deux versions
Interpellé le 21 juin, le suspect, un habitant de Saint-Pierre-du-Bosguérard (Eure) déjà condamné il y a une dizaine d'années pour conduite en état d'ivresse, a donné lors de sa garde à vue "deux versions diamétralement opposées", a poursuivi le procureur. D'abord celle d'"une blague à son ex-compagne afin qu'elle le prenne en pitié et revienne vivre avec lui" avant d'expliquer qu'il avait "bien percuté une cycliste" mais que "celle-ci s'était remise et avait pu repartir".
Finissant par reconnaître avoir incendié lui-même son véhicule, une Audi A4 noire immatriculée en Pologne, le quadragénaire "se murait dans le silence" lorsque les enquêteurs lui demandaient pourquoi, avant d'affirmer à nouveau devant le juge d'instruction qu'il s'agissait d'une "blague". Le suspect n'a cependant pas formé de demande de remise en liberté, a relevé Rémi Coutin.
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