Incendie à Martigues : "Il faut compter entre quatre et dix jours, en fonction de la météo, pour noyer un feu", explique un pompier
Les soldats du feu ont circonscrit en 24 heures la série d'incendies qui a débuté mardi dans les Bouches-du Rhône. Mais leur mission est loin d'être terminée. Le capitaine Bernard Schifano nous explique pourquoi.
"Le feu est contenu." L'incendie qui frappe la région de Martigues (Bouches-du-Rhône) devrait être "fixé rapidement", ont indiqué les pompiers mercredi 5 août. La veille, aux alentours de 17 heures, plusieurs incendies se sont déclarés sur l'ensemble du département, dont trois sur le secteur de Martigues. "Le plus important a dévasté 1 025 hectares de broussailles et de pins sur les communes de Martigues et de Sausset-les-Pins", a précisé le capitaine Stéphane Guyot, porte-parole des pompiers des Bouches-du-Rhône, sur franceinfo.
Environ 2 700 personnes, dont de nombreux touristes français et étrangers, ont dû être évacuées dans la nuit de mardi à mercredi pour échapper aux flammes dévorant la Côte Bleue, une zone au bord de la Méditerranée recouverte de pins et de massifs forestiers. Mais les quelque 1 800 pompiers déployés sont encore à pied d'œuvre dans la garrigue, de nouveaux départs de feu ayant eu lieu mercredi soir. Car même si la fumée ne se dégage plus, la mission des soldats du feu est loin d'être terminée et tout risque de catastrophe n'est pas écarté. Le capitaine Bernard Schifano, président de l'Union des Pompiers 13, nous explique pourquoi.
Franceinfo. Une fois les flammes disparues et la fumée dissipée, peut-on considérer le feu comme éteint ?
Bernard Schifano. Non. Ce n'est pas aussi simple que cela. Nous avons pratiquement circonscrit le feu. Il n'évolue plus, il est entouré. Mais avec le vent nous craignons encore des reprises partielles de feu. D'ici 24 à 48 heures, nous devrions passer à la phase suivante, qui est celle du "noyage de feu".
C'est un moment où nous n'avons pas droit à l'erreur.
capitaine Bernard Schifano, pompierà franceinfo
Nous devons chercher partout où le feu passe et le noyer. Nous avons circonscrit le feu en 24 heures. Mais il faut compter entre quatre et dix jours, en fonction de la météo, pour le noyer. Lors de cette dernière étape, avant que l'incendie ne soit définitivement éteint, nous arrosons le sol en permanence. Nous redoublons d'attention et cherchons la moindre fumerolle, cette fumée de vapeur qui sort de terre. Nous sommes aussi équipés de caméras thermiques pour repérer les points chauds. Car nous pouvons avoir des reprises 15 à 20 mètres plus loin par les racines. Il faut donc débroussailler tous les contours de feu avec des machines à broyer. Nous éteignons toutes les lisières, ces parties qui se situent entre le brûlé et le vert pour faire en sorte que nous n'ayons pas de reprise.
Cette phase est-elle moins physique que lorsque vous attaquez le feu ?
C'est la partie la plus dure et la plus fatigante pour nous. D'autant que nous avons des contraintes avec les fortes chaleurs et un accès difficile aux zones touchées. Avec la pelleteuse, quand c'est possible, nous traçons des pistes pour nos camions afin de nous rapprocher le plus possible de la zone à noyer. Mais, la plupart du temps, nous tirons à l'épaule les tuyaux sur une quarantaine de mètres avant de lancer l'eau, puis de retourner au camion, pour à nouveau avancer 40 mètres plus loin.
Les rotations sont nombreuses, avec une vingtaine de kilos de tuyaux portés à bout de bras. Une fois les 4 à 6 000 litres d'eau lancés, le camion doit se réapprovisionner et les points d'eau sont assez éloignés. Si nous ne pouvons pas monter l'eau sur un point chaud, alors nous faisons des trous sur ce point à l'aide de pioches pour l'éteindre. Pendant toute cette période de "noyage", les équipes se relaient par tranche de 12 ou 24 heures, sans jamais laisser le terrain inoccupé.
Une fois le feu noyé, la mission des pompiers est-elle terminée ?
Pratiquement. Lorsque l'extinction des brasiers est totale et définitive, les pompiers peuvent regagner leur caserne. Mais une équipe de surveillance prend le relais.
Des tours de guet sont opérés sur le terrain accidenté, qui est surveillé en permanence. A la moindre fumerolle, nous sommes rappelés.
Bernard Schifanoà franceinfo
Et puis il y a aussi l'enquête menée par la police et à laquelle participent certains pompiers. Bien qu'elle débute en même temps que la phase de "noyage", elle peut se prolonger. Les enquêteurs prennent des relevés là où nous pensons que le feu a démarré. Ici sur le feu de Martigues, il y a eu quatre départs de feu sur un rayon de 15 kilomètres, et deux autres plus loin. Aucune piste n'est écartée mais de toute façon, intentionnellement ou pas, il s'avère que c'est toujours la main de l'homme qui en est à l'origine.
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