Sites Seveso : ce que prévoit la loi pour informer les habitants
La législation prévoit bien des dispositions spécifiques d'information concernant les sites Seveso. Mais le code de l'environnement envisage aussi certaines restrictions.
Depuis l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, des citoyens, des associations, des personnalités politiques appellent à plus de transparence dans la communication autour des sites Seveso et concernant cette catastrophe en particulier. franceinfo vous explique ce que prévoit aujourd'hui la loi.
Un droit à l’information défini par des directives européennes et par la loi française
L’article L124-1 du code de l’environnement pose "le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques". Et l'article L125-2 du même code établit que "les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis (...) et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent."
Ces textes s'inscrivent dans la continuité des trois directives européennes Seveso successives, qui obligent non seulement à recenser les établissements à risque et à réaliser des études de risques, mais également à informer les riverains.
La directive Seveso 2, en 1996, a élargi considérablement la participation citoyenne dans différentes procédures : accès aux informations contenues dans les études de dangers, avis du public sur l’implantation d’un nouvel établissement et mise à la disposition du public de l’inventaire des substances dangereuses présentes dans l’établissement.
La directive Seveso 3 - adaptée dans le droit français en 2014 - a encore renforcé le droit d'accès du public aux informations en matière de sécurité et sa participation au processus de décision. Les citoyens sont censés avoir un accès direct, via internet, aux informations relatives aux installations Seveso situées à proximité de leur domicile, aux programmes de prévention des accidents et aux mesures d’urgence permettant de réagir au mieux en cas de besoin.
La loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques prévoit la mise en place des plans particuliers d’intervention (PPI). Ces plans d’urgence établis par les préfets anticipent la façon dont les services de secours et de l'Etat sont mobilisés en cas d'accident. Les PPI sont en outre censés être élaborés en consultant les citoyens après transmission d'informations par l’exploitant. Les représentants du personnel d'un site industriel à risques sont, eux, censés être consultés lors de l'élaboration des plans d'opération internes (POI, qui évaluent les actions à prévoir dans le cas d'un accident circonscrit à l'intérieur du site).
Des exceptions dans le cas de sites sensibles
Depuis l'incendie du site Lubrizol de Rouen, le Premier ministre, puis plusieurs membres du gouvernement, ont mis en avant le fait que "depuis fin 2017 et pour des raisons de sécurité, la liste complète des substances présentes sur les sites Seveso n'est plus rendue publique". Les listes sont censées être communiquées aux autorités de l'Etat, mais ne sont plus communiquées pour éviter toute utilisation malveillante dans un contexte de risque d'attentat.
Dans une instruction de novembre 2017, le gouvernement demande de "s’assurer que les documents diffusés au public ne comportent pas d’informations sensibles de nature à faciliter la commission d’actes de malveillance". Dans le cadre de ces instructions données aux préfectures, la nature précise des substances dangereuses manipulées ou stockées sur le site entre dans le cadre des "informations non communicables mais pouvant être consultées selon des modalités adaptées et contrôlées".
L'article L124-5 du code de l'environnement stipule par ailleurs qu'une demande d'information relative à des émissions de substances dans l'environnement peut être rejetée "dans le cas où sa consultation ou sa communication porte atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale ; au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou à des droits de propriété intellectuelle".
Enfin, l'article L.124-4 de ce même code, précise que "le préfet peut rejeter une demande de communication ou ne pas divulguer une information relative à une installation (...) dans le cas où sa consultation ou sa communication porterait atteinte à la confidentialité des informations industrielles et commerciales ou à des droits de propriété intellectuelle".
Peuvent potentiellement être rejetées aussi des demandes "portant sur des documents en cours d'élaboration", "sur des informations que l'autorité publique ne détient pas" ou qui sont "formulées de manière trop générale".
Des arbitrages dans le cas de crises majeures
Les arbitrages entre le respect du droit à l'information des citoyens et les impératifs de sécurité publique sont avant tout politiques. Or, dans un contexte tel que celui de l'incendie du site Lubrizol de Rouen, où la méfiance, voire la défiance des citoyens est aigüe, la nécessité de transmettre rapidement et de manière rigoureuse et cohérente des informations - ou d'expliquer pourquoi ces informations ne peuvent être transmises immédiatement - est cruciale.
C'est ce qui a conduit, mardi 1er octobre, le Premier ministre à assurer, devant l'Assemblée nationale, que "par exception, le préfet rendra public les produits stockés dans les bâtiments qui ont brûlé". Edouard Philippe s'est engagé à ce que les résultats des prélèvements "dans l'eau, dans l'air, dans les sols" soient rendus publics. La liste des produits présents dans l'entrepôt a donc été communiquée par la préfecture et un numéro vert, le 0 800 009 785, a par ailleurs finalement été mis en place pour répondre aux questions sur les conséquences de l'incendie.
Les députés ont quant à eux décidé de créer une mission d'information qui devrait permettre d'avoir accès à des données complémentaires. Les travaux des missions d’information comprennent des auditions et éventuellement des déplacements sur le site concerné. Ils donnent lieu à des rapports et éventuellement à des débats sans vote en séance. Une commission d'enquête parlementaire transpartisane, aux pouvoirs d'investigation plus étendus, est par ailleurs envisagée au Sénat.
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