Cet article date de plus de deux ans.

Incendies : "Des gens normaux à la violence contenue", "des hyperactifs"... Quel est le profil des pyromanes ?

Lors des incendies qui ravagent des milliers d'hectares chaque été en France, les enquêteurs privilégient souvent la piste criminelle. Comment expliquer ce désir irrépressible d'allumer un feu et le prévenir ? Nous avons interrogé un psychiatre et un criminologue.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (OLIVIER THEBAUD / HANS LUCAS)

Les incendies se multiplient en France, et la piste "volontaire" est régulièrement évoquée. Ainsi, l'incendie qui a dévoré une partie des Monts d'Arrée (Finistère) est "volontaire", annonce la procureure de la République de Quimper. Même chose pour l'incendie à une vingtaine de kilomètres de Montpellier, mardi 26 juillet. Deux départs de feu distants de 1,5 km se sont déclenchés sur les communes de Saint-Bauzille-de-la-Sylve, Gignac et Aumelas, avant de se rejoindre, dans une zone peu peuplée composée de garrigue, de chênes verts et de vignes. 

>> Incendies: plus de 1 000 hectares ravagés par les flammes, près de 300 personnes évacuées dans l'Hérault

Reste que le le pyromane est difficile à confondre, sa responsabilité difficile à prouver. franceinfo s'est penché sur le profil et les motivations de ces criminels imprévisibles et furtifs.

La jouissance d'un "spectacle grandiose"

Il ne faut pas confondre pyromane et incendiaire. L'incendiaire met le feu dans un but précis : il s'en prend au jardin du patron qui l'a licencié, à l'amant de sa femme ou au champ du voisin avec lequel il est en conflit. Le pyromane, lui, n'a d'autre but que de répondre à une excitation qui l'obsède. C'est une pulsion profondément ancrée d'où les fréquentes récidives.

Le docteur Pierre Lamotte, psychiatre expert auprès de la Cour de cassation, a vu dans sa carrière une trentaine de pyromanes en expertise, ou à l'hopital pour une thérapie. Il décrit ce profil assez rare de malade, quasi toujours des hommes entre 16 et 40 ans pour l'essentiel et de toutes origines sociales : "On ne les prend pas la main dans le sac parce qu'ils cherchent justement à rire sous cape, en quelque sorte, d'avoir été à l'origine de ce spectacle grandiose, qu'ils regardent. Ce ballet des Canadair, on en a vraiment pour son argent, si on peut dire. Le pyromane est complètement piégé", explique-t-il, dénonçant le "martèlement" des images télévisées et des chaînes d'information.

Ce sont des gens qui sont la plupart du temps très très normaux, très intégrés, au contraire même émoussés par les rapports sociaux.

Pierre Lamothe, psychiatre

à franceinfo

Pour ces personnes, poursuit le psychiatre, mettre le feu est comme "une voie de libération nocturne, cachée, qui permet de laisser sortir une violence énorme, contenue, souvent en rapport avec une éducation qui a été assez stricte qu'on ne peut pas remettre en cause." Il faut souvent un long travail thérapeutique avant d'éliminer les pulsions du feu. 

>> Volontaires ou professionnels, salaires, missions : quatre choses que vous ne saviez peut-être pas sur les sapeurs-pompiers

Une lutte "peu efficace" contre les pyromanes

Parmi ces profils de malades, il y a une sous-catégorie bien connue : les pompiers pyromanes, qui jouissent de jouer les héros à éteindre un feu qu'ils ont eux même allumer. Leur dangerosité est souvent moindre car ils savent intervenir ou lancer l'alerte à temps pour éviter que trop de dégâts ne soient commis.

De manière générale, les pyromanes mettent à rude épreuve les nerfs des forces de l'ordre, résume Alain Bauer, professeur de criminologie : "Les pyromanes sont des hyperactifs. Leur pulsion est tellement forte qu'ils peuvent allumer beaucoup de feux. Et donc, quand vous en interpellez un, vous ne savez pas exactement l'effet que vous avez sur la problématique des incendies criminels. Mais, au vu du nombre d'incendies qui continuent à voir le jour, pas seulement en France, dans la plupart des pays, il est clair qu'on est peu efficace dans la lutte contre les pyromanes."

"D'abord, on a du mal à prendre sur le fait. Ensuite il faut prouver qu'ils sont bien ce qu'ils sont et ensuite trouver la bonne mesure médicale, sociale, pénale. Et à la fin, ça ne donne pas d'immenses résultats."

Alain Bauer, professeur de criminologie

à franceinfo

La grande majorité des pyromanes, malgré l'aspect pathologique de leurs comportements, reste le plus souvent entièrement pénalement responsables de leurs gestes. Les peines sont aggravées en fonction des dommages et si des morts sont à déplorer. Ils peuvent encourir la réclusion criminelle à perpétuité et 200 000 euros d'amende.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.