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"Le nombre de personnes assassinées de sang-froid est de 6 068" : l'ex-chef du groupe d’enquête Srebrenica témoigne avant le verdict contre Ratko Mladic

Jean-René Ruez, ex-chef du groupe d’enquête Srebrenica pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, a expliqué, mercredi sur franceinfo, que Ratko Mladic continue à nier les crimes de guerre et crimes contre l'humanité pour lesquels il est poursuivi.

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Au centre, le général Ratko Mladic le 10 août 1993, à son arrivée à l'aéroport de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). (GABRIEL BOUYS / AFP)

"Le général Mladic s'accroche à sa négation qui dure et perdure", a expliqué, mercredi 22 novembre sur franceinfo, Jean-René Ruez. Le commissaire divisionnaire, ex-chef du groupe d’enquête Srebrenica de 1995 à 2001, a témoigné alors que Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) rend son verdict, mercredi, contre l'ancien général Ratko Mladic.

À 74 ans, le chef militaire des Serbes de Bosnie pendant la guerre de 1992-1995 est poursuivi pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, notamment pour son rôle dans le massacre de 7 000 personnes musulmanes en juillet 1995 à Srebrenica, aujourd'hui en Bosnie-Herzégovine.

franceinfo : Pouvez-vous nous raconter ce qu'il s'est passé en 1995 en Bosnie-Herzégovine ?

Jean-René Ruez : Srebrenica était une enclave de réfugiés. Ces derniers avaient fui le nettoyage ethnique déclenché par les Serbes de Bosnie en 1992. Les réfugiés se sont retrouvés dans cette poche, entourés par des personnes qui cherchaient soit à les tuer, soit à les en chasser. Cela a été chose faite lors de la chute de cette enclave qui entre temps était devenue une zone protégée par les Etats-Unis. Les hommes ont été séparés des femmes et des enfants pour être enfermés dans des lieux. Un grand nombre de fuyards s'est rendu et s'est retrouvé entre les mains des forces serbes. Ils ont été enfermés dans des bâtiments, emmenés dans des sites éloignés. Le massacre ne s'est pas fait de façon spontanée et instantanée. Il a duré quatre jours entre le 13 et le 16 juillet. La scène de crime faisait une distance, nord-sud, de 70 km et est-ouest de 40 km. Tout cela s'est fait sous la direction et le commandement du général Ratko Mladic.

Combien y a-t-il eu de morts à Srebrenica ?

Le chiffre constamment avancé est de 8 000. En réalité, c'est le nombre de disparus. Le nombre de personnes assassinées de sang-froid et étant passées par ce processus de détention et d'exécution est de 6 068, à ce stade. Il est parfaitement prouvé puisque ces corps sont identifiés par ADN sur des lieux où nous pouvons retracer ce qui s'est passé jour par jour, voire heure par heure. Le chiffre communément admis et utilisé par le tribunal est de 7 000 personnes tuées.

Les faits remontent à 22 ans. Pourquoi l'enquête a-t-elle été si longue ?

L'enquête elle-même a duré six ans. Elle s'est achevée avec le procès du général qui dirigeait la division du corps d'armée de la Drina, sous le ressort de laquelle on trouve l'intégralité de toutes les scènes de crimes des sites de détention, des sites d'exécution, des fosses communes.

Ratko Mladic a-t-il encore des adeptes ?

Oui, beaucoup le considère comme un héros. Il nie les faits farouchement alors que plusieurs de ses subordonnés directs ont déjà été condamnés par le tribunal pour les mêmes qualifications. Quatre ont été condamnés pour génocide, un pour complicité de génocide et tous les autres ont été condamnés soit pour crimes contre l'humanité, soit pour crimes de guerre. Deux de ses officiers, un commandant de brigade adjoint et un officier de sécurité et de renseignement, ont eux-mêmes plaidé coupable. Le général Mladic s'accroche à sa négation qui dure et perdure.

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