Trafic de drogue : ce que les enquêteurs reprochent à la maire de Canteleu et l'un de ses adjoints, menacés d'un procès

Dans cette affaire, le parquet de Bobigny a demandé un procès contre une vingtaine de personnes, dont l'édile de Seine-Maritime.
Article rédigé par Eric Pelletier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Mélanie Boulanger, la maire de Canteleu (Seine-Maritime), s'exprime à la mairie à sa sortie d'une garde à vue de 36 heures, le 11 octobre 2021. (XAVIER ORIOT / OUEST FRANCE / MAXPPP)

Des élus au cœur d'une enquête pour trafic de drogue. Le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a demandé, dimanche 24 décembre, le renvoi d'une vingtaine de personnes devant le tribunal correctionnel dans le cadre du démantèlement d'un important réseau de trafic de stupéfiants aux ramifications internationales, comme l'a appris France Télévisions mercredi. Parmi les personnes visées : la maire socialiste de Canteleu (Seine-Maritime), Mélanie Boulanger, et l'un de ses adjoints.

Mise en examen depuis avril 2022 pour "complicité de trafic de drogue", Mélanie Boulanger est soupçonnée d'avoir tenté de s'opposer à l'installation de caméras de vidéosurveillance dans l'un des quartiers de sa ville, tenu par les trafiquants, ou encore d'avoir essayé de détourner des patrouilles de police pour protéger les dealers.

Un climat "de terreur" et des menaces sur la mairie

Selon le parquet, elle a même fait indirectement parvenir aux trafiquants des informations sur les enquêtes en cours. L'un de ses adjoints, Hasbi Colak, est lui soupçonné de complicité pour avoir prêté son véhicule à l'un des membres du réseau, voiture utilisée pour transporter de la drogue, et avoir relayé les exigences des trafiquants auprès de la maire.

Les deux élus contestent les charges qui pèsent sur eux. Lors de son interrogatoire, Mélanie Boulanger a insisté sur la politique menée, selon elle, pour tenter de libérer Canteleu, en banlieue de Rouen, de l'emprise du trafic de stupéfiants.

L'enquête a débuté en septembre 2019, avec la découverte d'une importante transaction de cocaïne à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Les investigations, menées par la police judiciaire du département et la sûreté territoriale de Rouen, ont révélé le climat de crainte – "de terreur", écrit même le parquet de Bobigny – que faisait peser une famille sur les habitants de Canteleu, mais aussi sur la mairie.

Sur des écoutes téléphoniques, l'un des membres du réseau promet de faire réélire Mélanie Boulanger si elle détourne les patrouilles de police. Ce même homme se montre capable de durcir le ton : selon l'accusation, il menace de mettre Canteleu "à feu et à sang" s'il est dérangé dans son trafic, qui génère un bénéfice brut de plus de 10 millions d'euros par an, selon la police.

Accusée de "travailler" au bénéfice des trafiquants

Lors de son interrogatoire mené pendant l'instruction, Mélanie Boulanger a insisté sur les pressions que lui faisait subir cette famille de trafiquants. Une crainte décuplée, selon elle, depuis les interpellations policières, puis sa propre mise en examen : "Le coup de filet d'octobre [2021] a privé un grand nombre de personnes de leur activité lucrative. (…) Ils ont donc décidé de se venger, et de le faire payer à moi et à la mairie."

Mais, dans son réquisitoire définitif, dont France Télévisions a eu connaissance, le parquet de Bobigny se montre sévère envers l'élue : "Si ses déclarations et les documents qu'elle fournit montrent que, publiquement, celle-ci tentait de lutter contre les trafics de stupéfiants sur sa commune, les investigations ont démontré que, parallèlement, elle 'travaillait'" avec les trafiquants, en leur fournissant des informations.

Sollicité par France Télévisions, l'avocat de Mélanie Boulanger s'est refusé à tout commentaire. Les juges d'instruction en charge du dossier doivent maintenant décider s'ils suivent ou non ces demandes de renvoi devant le tribunal.

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