Marseille : ce que l'on sait de la mort d'un homme souffrant de retard mental lors d'un contrôle dans le métro
Une enquête, confiée à la Sûreté départementale, doit permettre d'éclairer les circonstances dans lesquelles Saïd M'hadi est mort, mercredi 22 septembre.
Le parquet de Marseille a annoncé, lundi 27 septembre, avoir ouvert une information judiciaire après le décès d'un homme lors d'un contrôle de billet dans le métro de la cité phocéenne. Saïd M'Hadi, 37 ans et souffrant d'un retard mental, est mort asphyxié le 22 septembre, alors que des agents de la Régie des transports métropolitains (RTM) tentaient de le maîtriser. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de cette affaire.
Saïd M'Hadi est mort asphyxié
Les faits se sont déroulés mercredi 22 septembre vers 17 heures, lors d'une opération de contrôle des titres de transport à la station de métro Joliette, dans le 2e arrondissement de Marseille. Le parquet a déclaré dans un communiqué, jeudi, que Saïd M'hadi aurait "tenté de se soustraire au contrôle" des agents de la RTM. Ces derniers auraient alors "amené au sol" l'homme de 37 ans, mesurant 1m82 pour quelque 100 kg et qui se montrait "agité, virulent et violent".
Un témoin, qui n'a pas assisté au début de l'interpellation, a raconté à France 3 Paca que la scène avait duré "environ 30 secondes". "Ils étaient six environ, à faire pression sur son corps", a-t-il déclaré, ajoutant que la victime était "bloquée entre le mur et la paroi vitrée de la cage d'escalier qui descend sur le quai". L'un des contrôleurs aurait ensuite demandé aux autres usagers de s'éloigner.
"Ce voyageur a été retenu en attendant l'arrivée de la police qui avait été appelée pour faire les contrôles nécessaires", a de son côté assuré le directeur général de la RTM à France 3 Paca, évoquant des "coups portés" aux agents. Une fois sur place, les policiers ont tenté de menotter Saïd M'hadi, qui était "sur le ventre", a rapporté une source policière à 20 Minutes. Se rendant compte que le trentenaire "n'était pas bien", ils ont demandé "à appeler les pompiers de toute urgence". "Les agents de la RTM paraissaient étonnés. Les policiers ont pris son pouls, qui battait toujours, et l'homme a été placé en position latérale de sécurité", a poursuivi cette source policière.
Les secours ne sont toutefois pas parvenus à secourir la victime, "malgré une longue tentative de réanimation". Selon les premières conclusions de l'autopsie, citées par le parquet de Marseille, Saïd M'hadi a succombé à "syndrome asphyxique de mécanisme indéterminé". "Des analyses complémentaires sont en cours", a précisé le parquet.
Il "avait l'âge mental d'un enfant de 7 ans"
Saïd M'Hadi souffrait d'un important retard mental et avait à ce titre un taux de handicap reconnu de 80%. Originaire de Bastia (Haute-Corse), il s'était installé chez sa mère à Marseille lors du premier confinement, afin de bénéficier de soins plus adaptés. Ses proches le décrivent comme "un enfant dans un corps d'adulte", selon le quotidien local La Provence. "Il avait l'âge mental d'un enfant de 7 ans, détaille sa sœur aînée, Khadija M'Hadi.
Le trentenaire avait travaillé dans les ateliers d'espaces verts et de menuiseries du centre de l'Eveil de Bastia, qui accompagne les personnes en situation de handicap mental. Il y était perçu comme un homme "tranquille, affable et d'une grande vulnérabilité", selon France 3 Paca. "Dans ces ateliers, on utilise en présence d'autres personnes des outils assez dangereux, tranchants. Donc évidemment, si nous avions repéré une quelconque violence chez cette personne ou un caractère d'instabilité, on n'aurait pas pu le maintenir sur ce type d'activité", a confirmé la directrice de la structure, interrogée par France Bleu Corse.
"Il ne sait ni lire ni écrire, il ne sait pas prendre un ticket, il n'a pas d'argent sur lui, que ses clés", souligne encore sa sœur auprès de France 3 Paca. Absente aux moments des faits, elle suppose que, durant le contrôle de son titre de transport, "il a dû avoir peur, il a réagi comme un enfant, il a voulu s'échapper et ils l'ont retenu".
La RTM ne va pas prendre de sanctions envers les contrôleurs
La présidente du réseau de transports en commun marseillais a annoncé à 20 Minutes qu'il n'y avait "pas de mesures conservatoires" envers les agents impliqués dans le contrôle. "Il n'y a pas eu de garde à vue, a souligné Catherine Pila. Ils sont actuellement en congés car ils sont traumatisés." La famille de la victime réclame, de son côté, la mise à pied de ces agents.
Une enquête ouverte pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner"
Selon l'avocat de la RTM, les 11 agents présents au moment du drame "ont tous été entendus dès [le mercredi 22 septembre dans la soirée], en qualité de témoins libres". La régie des transports marseillais a, de son côté, précisé mettre "tous ses moyens à disposition des enquêteurs". Interrogée par 20 Minutes, sa présidente a ajouté que "les images de vidéosurveillance seront fournies par la RTM en temps réel à la police, sans distorsion".
Après avoir confié une enquête à la Sûreté départementale le 23 septembre, la procureure de Marseille a annoncé lundi l'ouverture d'une information judiciaire pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Fabrice Giletta, avocat de la famille de Saïd M'Hadi, s'est félicité auprès de l'AFP de cette décision "qui permettra à ses proches de se constituer partie civile et d'avoir accès au dossier, et notamment aux images des caméras de surveillance".
"Cette information judiciaire est une bonne nouvelle", a convenu de son côté Khadija M'Hadi. "Mais ce qui est dur aujourd'hui, c'est que nous ne pouvons même pas l'enterrer, car le corps de Saïd ne nous appartient plus", le temps de l'autopsie et de l'enquête, a regretté la sœur aînée de la victime.
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