Violences à Romans-sur-Isère : qu'est-ce que la Division Martel, le groupuscule d'extrême droite que le gouvernement veut dissoudre ?

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Les policiers interviennent dans le quartier de La Monnaie, à Romans-sur-Isère (Drôme), le 25 novembre 2023. (FABRICE HEBRARD / LE DAUPHINE / MAXPPP)
Le ministre de l'Intérieur a annoncé qu'il allait demander la dissolution de trois groupuscules d'ultradroite, dont la Division Martel, après l'expédition punitive de ses militants dans la Drôme le week-end dernier.

"Rien que le nom nous fait peur." Le ministre de l'Intérieur a annoncé, mardi 28 novembre, sur France Inter, qu'il allait proposer "la fin de divers groupuscules" d'extrême droite, dont la Division Martel. Gérald Darmanin envisage leur dissolution après que des militants d'ultradroite ont mené une tentative d'expédition punitive à Romans-sur-Isère. Dans les rues de cette ville de la Drôme, une centaine d'entre eux ont défilé cagoulés pendant le week-end, avec pour objectif d'en "découdre" avec les jeunes du quartier de La Monnaie, d'où sont issus plusieurs hommes mis en examen dans l'affaire de la mort de Thomas, 16 ans, poignardé lors d'une fête de village à Crépol (Drôme), la semaine précédente.

"Nous soupçonnons au moins un des membres de la Division Martel d'être impliqué dans les faits de Romans-sur-Isère", a justifié le ministère de l'Intérieur auprès de franceinfo, précisant que ses "services travaillent sur ce groupement de fait, qui vise à promouvoir le recours à la violence pour favoriser l'avènement d'une suprématie nationaliste et xénophobe" depuis "plusieurs mois". "Initialement connue sous l'appellation 'Légionnaires Paris'", la Division Martel s'est "constituée" au "second semestre 2022", selon la Place Beauvau. En septembre de cette année-là, le groupuscule d'extrême droite "a modifié son nom pour faire référence à la bataille de Poitiers en l'an 732 au cours de laquelle Charles Martel mit fin à l'invasion arabe", poursuit le ministère de l'Intérieur.

Des militants prêts à "affronter l'ennemi"

Trois mois plus tard, en marge du match France-Maroc, en demi-finale de Coupe du monde de foot, la Division Martel s'est à nouveau fait remarquer lorsqu'un de ses membres "a appelé à commettre des violences à l'encontre des supporters d'origine maghrébine", affirme le ministère à franceinfo. Ce militant d'ultradroite conseillait alors d'"affronter l'ennemi en étant 'matosé' : gazeuse, matraque, gants coqués..." Toujours selon la Place Beauvau, trois membres de la Division Martel ont été interpellés à Paris dans la soirée du 14 décembre 2022.

Dans cette affaire, sept hommes avaient été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris pour "participation à un groupement en vue de violences volontaires ou dégradations" et "port d'armes" pour certains. Mais à l'audience, le 8 septembre, le tribunal a annulé toute la procédure pour des irrégularités dans les contrôles d'identité réalisés par la police lors de leur arrestation dans le 17e arrondissement de Paris. Les prévenus sont donc ressortis libres du tribunal, visages dissimulés pour certains, sourire aux lèvres pour d'autres, d'après une journaliste de franceinfo sur place.

Un "fan d'Hitler" parmi ses membres

La Division Martel a également fait parler d'elle le 20 avril 2023, selon le site StreetPress et Libération. Les deux médias affirment que certains de ses militants étaient présents lors d'une attaque raciste menée au lycée Victor-Hugo à Paris. Puis, neuf jours plus tard, d'autres ont fait le déplacement à Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), où des échauffourées ont éclaté entre des manifestants d'extrême droite et des militants antifascistes. Les premiers s'opposaient au déménagement d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, tandis que les seconds faisaient valoir un nécessaire accueil des réfugiés. "Des jeunes gens habillés de noirs ont rejoint le groupe de manifestants d'extrême droite, certains ont été identifiés comme membre d'un groupuscule parisien ultraviolent", rapportait France 3 à l'époque.

Puis, le 17 juin, un membre du groupe d'extrême droite a également été interpellé à Rouen (Seine-Maritime). "Il aspergeait de gaz lacrymogène deux personnes de type africain attablées dans un bar", précise le ministère de l'Intérieur à franceinfo. Car "la bande frappe surtout en Ile-de-France" mais ses membres "se baladent aussi à Besançon avec des plus grands, les Vandal de Besak, et les Rennais du Korrigans Squad, deux mouvements d'extrême droite violents", révèle StreetPress dans une grande enquête intitulée "La Division Martel, les bébés néonazis parisiens".

Ainsi, quand le surnom "Gros Lardon", attribué à l'un des militants d'ultradroite présents lors de la tentative d'expédition punitive à Romans-sur-Isère, a commencé à circuler sur les réseaux sociaux, dimanche, StreetPress a affirmé qu'il s'agissait de "Léo R., un Rouennais fan d'Hitler".

"La division Martel arbore toujours les mêmes drapeaux, dont l'un est le Pokémon Ectoplasma, spectre violet malicieux, associé d'une croix celtique", assure StreetPress. La Division Martel est par ailleurs proche du Groupe union défense (GUD), organisation étudiante d'extrême droite réputée pour ses actions violentes, en particulier dans les années 1970, mais réactivé depuis un an.

Une dissolution pour "mettre un coup de pied dans la fourmilière"

Selon StreetPress et Libération, à l'origine de la résurgence du GUD, se trouve Marc de Cacqueray-Valménier, âgé de 24 ans, condamné à un an de prison ferme pour l'attaque d'un bar antifasciste parisien en juin 2020 et ancien leader présumé des Zouaves Paris. Or, ce groupuscule nationaliste a été dissous par Gérald Darmanin en janvier 2022.

En dépit de la dissolution, les idées du groupe d'ultradroite ont subsisté. "Le renseignement surveille des groupes. Puis les services juridiques du ministère analysent leurs comportements, pour établir s'ils représentent une menace contre la société. Le cas échéant, une décision politique est prise pour les dissoudre, afin de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Le groupe peut contester la dissolution devant le Conseil d'Etat, qui dira si elle est conforme ou pas", développe une source ministérielle à franceinfo.

Peu importe si le groupe est constitué ou pas en association. Selon l'article L212-1 du Code de la sécurité intérieure, tous les "groupements de fait" peuvent être "dissous, par décret en Conseil des ministres" s'ils entrent dans les critères définis. Par exemple, leur dissolution peut être prononcée s'ils "provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes". En ce qui concerne la Division Martel, ce qui lui est reproché sera détaillé dans un décret de dissolution. Sa publication sera la prochaine étape concrète, au-delà de l'annonce de Gérald Darmanin.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.