Nice, Grenoble, région parisienne… La fronde des policiers s'étend en France après l'incarcération de leur collègue à Marseille
La colère des policiers se propage dans l'Hexagone. Après le placement en détention provisoire d'un fonctionnaire de la BAC de Marseille pour "violences aggravées" contre un jeune homme, Hedi, jeudi 20 juillet, un appel à la mobilisation a été lancé, dès le lendemain, par le syndicat Unité-SGP Police FO sur Twitter. Afin de manifester leur colère, les policiers, qui ne peuvent pas faire grève, ont parfois activé le "code 562", un mot de jargon signifiant qu'ils ne répondent qu'aux urgences et qu'ils assurent le service minimum sur le reste. D'autres jouent la carte de l'arrêt-maladie. Ces protestations sont difficilement quantifiables à l'échelle nationale : pour l'heure, le ministère de l'Intérieur n'a communiqué aucun chiffre.
Mais les remontées de terrain témoignent de la rapide diffusion de cette contestation, qui a pris corps dans la cité phocéenne. "Il y a de plus en plus de services et brigades concernés et ce n'est pas propre à une région ou deux. Cela a vraiment pris de l'ampleur depuis lundi", illustre Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité-SGP Police FO. "Cela a largement dépassé la BAC. Tous les collègues qui travaillent sur la voie publique ont un sentiment de révolte", déclare Isabelle Trouslard, secrétaire générale adjointe du syndicat Synergie Officiers.
"Le travail semble être divisé par deux sur l'ensemble du territoire", estime Linda Kebbab, ajoutant qu'il y a forcément "moins d'arrêts-maladie que de [codes] 562". "C'est inédit parce que c'est la première fois qu'un syndicat appelle seul et que c'est autant suivi", salue cette responsable syndicale. Durant la crise des "gilets jaunes" en 2018, un mouvement similaire, "Fermons les commissariats", avait été initié par le syndicat Alliance, mais avait trouvé peu d'écho.
Nice pionnière après Marseille
L'épicentre du mouvement de contestation est indéniablement la cité phocéenne. Auprès de franceinfo, le syndicat Alliance avait affirmé, lundi 24 juillet, qu'environ un millier de policiers étaient en arrêt-maladie à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône. Dans le détail, franceinfo a appris mercredi de sources concordantes qu'une cinquantaine d'agents de la police judiciaire de Marseille étaient en arrêt, ainsi que la quasi-totalité de la brigade criminelle, soit une trentaine de policiers.
D'autres villes françaises ont rejoint le mouvement. "Nice a très rapidement pris le pas derrière", remarque Isabelle Trouslard. Selon l'AFP, une centaine de policiers se sont rassemblés mercredi à la mi-journée devant un commissariat de Nice. Laurent Martin de Frémont, représentant départemental du syndicat de police Unité SGP Police, a révélé que "10% des quelque 1 000 policiers niçois sont en arrêt de travail", des chiffres que la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) n'a pas confirmés. Mais celle-ci a déclaré mardi que le fonctionnement de deux commissariats sur quatre était perturbé.
La gronde s'étend aussi à l'agglomération parisienne. Pantin, Noisy-Le-Grand, Sevran... "Sur les 33 000 fonctionnaires de police d'Ile-de-France, tous les départements ont suivi de manière homogène la revendication", a assuré mardi auprès de France 3 Bruno Angelo, secrétaire national Unité-SGP Police Ile-de-France. Selon les informations de franceinfo auprès d'une source syndicale, tous les effectifs de la brigade de police-secours du commissariat de Versailles sont en arrêt-maladie jeudi.
>> Police : après Marseille, la fronde s'installe aussi en Seine-Saint-Denis
Dans les Hauts-de-France, des policiers de Lens et de Dunkerque ont également rejoint le mouvement national, rapporte La Voix du Nord. A Grenoble (Isère), l'indignation se fait aussi entendre. "On a des collègues qui ne veulent plus sortir, d'autres qui ne veulent intervenir que sur appel au 17 et d'autres en arrêt-maladie car ils sont fatigués de cette situation", expose auprès de France Bleu Yannick Bianchéri, secrétaire départemental du syndicat Alliance.
"La dynamique n'est pas près de s'éteindre"
La rencontre de jeudi soir entre Gérald Darmanin et les organisations syndicales suffira-t-elle à apaiser les tensions ? "C'est un mouvement que l'on sent avec une dynamique qui n'est pas près de s'éteindre. Ce que veulent nos collègues, c'est une sécurisation de leur statut, de leur travail. Quand ils utilisent la force légitime dans l'exercice de leurs fonctions, ils ne doivent pas être traités comme des voyous", s'indigne Isabelle Trouslard. Un avis qui n'est pas partagé par l'ensemble des syndicats.
Au micro de franceinfo, Anthony Caillé, secrétaire général de la CGT-Intérieur-Police, a déclaré qu'il "serait grave dans une République, dans une démocratie", "d'avoir une justice d'exception" pour les policiers. Il a par ailleurs estimé que le gouvernement "ne doit pas faire l'impasse de communiquer" sur les propos du directeur général de la police nationale. Ce dernier, Frédéric Veaux, a jugé, dans une interview au Parisien, qu'avant "un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison", en référence à l'agent de la BAC de Marseille incarcéré.
Dans une vidéo publiée mercredi par le média Konbini, Hedi, grièvement blessé par un tir de LBD et laissé pour mort dans la nuit du 1er au 2 juillet, est sorti du silence. Le jeune homme a passé plusieurs heures dans le coma et a subi plusieurs opérations. Une partie de son crâne a été retirée et il risque de perdre l'usage de son œil gauche, selon son avocat. "J'espère ne pas garder une réticence vis-à-vis de ça. C'est comme dans tout, il y a des gentils et des méchants partout", déclare-t-il face caméra. Au total, quatre policiers marseillais ont été mis en examen dans ce dossier.
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