Violences sur Hedi à Marseille : ce que l'on sait de l'affaire dans laquelle un policier est en détention provisoire
L'affaire a suscité une fronde dans certains commissariats et une polémique politique. La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a prononcé, jeudi 3 août, le maintien en détention provisoire d'un policier, soupçonné avec trois collègues d'avoir gravement blessé Hedi, un jeune homme de 22 ans, en marge des émeutes à Marseille, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Cette décision a notamment été prise afin de "prévenir toute concertation" avec les autres mis en cause. Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire.
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Un jeune homme touché par un tir de LBD
Il a perdu une partie de son crâne. Hedi, 22 ans, victime d'un tir de LBD, affirme avoir été roué de coups par plusieurs policiers dans la nuit du 1er au 2 juillet. Il se trouvait dans le centre-ville de Marseille, où des émeutes étaient en cours, à la suite de la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre (Hauts-de-Seine), le 27 juin. Hedi venait de rejoindre un ami, qui lui avait proposé de se rendre sur le Vieux-Port. "C'était une soirée de fête, parce que c'était la Fête des terrasses. Avec un ami, on a croisé une équipe de la BAC [Brigade anti-criminalité]. On leur a dit bonsoir et on a vu qu'ils n'avaient pas envie de discuter avec nous. Ensuite, voilà, ça a commencé", relate Hedi dans un entretien de près de cinq minutes, accordé à Konbini.
"En me retournant, j'ai reçu un impact dans la tête. Au début, je ne savais pas bien ce que c'était. Je suis tombé au sol. Quand j'ai voulu me relever, on m'a attrapé et on m'a traîné dans un petit coin où il faisait tout noir. Ensuite, on a commencé à me frapper. Il y en a un qui était allongé sur moi, donc je ne pouvais pas bouger. Il y en a qui m'ont frappé avec des poings, d'autres m'ont frappé avec les matraques. Je me suis fait casser la mâchoire", poursuit-il. "Quand j'ai voulu me toucher la tête, je n'ai pas senti mon crâne", ajoute le jeune homme qui apparaît face caméra, dévoilant son crâne en partie amputé, pour réduire la pression due à une hémorragie. "D'après eux [les chirurgiens], ils ont opéré un mort", explique le jeune homme, placé dans le coma avant de subir trois opérations, et qui a perdu peut-être définitivement l'usage d'un œil.
"En aucun cas, je ne faisais partie des émeutes", a-t-il aussi déclaré lundi sur BFMTV. "C'est important de dire que la police est importante en France (...) mais j'en veux à ce groupe d'individus. Il y a certains moutons noirs qu'il faut éloigner du troupeau", a-t-il ajouté. Le jeune homme a regretté n'avoir reçu jusqu'à ce moment-là "aucun soutien de l'Etat". Finalement, mercredi soir, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, l'a appelé pour prendre de ses nouvelles.
Quatre policiers mis en examen pour "violences volontaires"
Dans ce dossier, quatre policiers de la BAC de Marseille ont été mis en examen le 20 juillet pour "violences volontaires ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours, aggravées par trois circonstances en ce qu'elles ont été commises en réunion, avec usage ou menace d'une arme et par personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions".
Le parquet de Marseille avait requis leur placement en détention provisoire. Finalement, un seul fonctionnaire a été incarcéré : celui qui est soupçonné d'être à l'origine d'un tir de LBD. Les trois autres policiers ont été placés sous contrôle judiciaire avec "interdiction d'entrer en contact avec les coauteurs, la victime et les autres protagonistes, et interdiction d'exercer l'activité professionnelle de fonctionnaire de police".
L'un d'eux a fait appel de son contrôle judiciaire. La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a décidé de le maintenir, tout en le restreignant. Le policier pourra à nouveau exercer une activité mais pas sur la voie publique.
Le site d'information Mediapart a par ailleurs révélé, lundi, que le nom de l'un d'entre eux figurait dans un autre dossier de violences policières datant des "gilets jaunes", en 2018. Le parquet de Marseille a confirmé à l'AFP que ce policier avait été entendu en qualité de témoin, dans le cadre de la commission rogatoire relative à l'affaire dite "Maria", rebaptisée "Angelina", depuis que la jeune femme a témoigné dans la presse.
Le policier reconnaît un tir de LBD, mais pas les violences au sol
Avant l'audience de jeudi, le policier soupçonné d'être l'auteur du tir de LBD niait avoir tiré. Mais, devant la chambre de l'instruction, jeudi matin, ce policier, qui a quatorze ans d'ancienneté au sein de la BAC, a souhaité faire des déclarations spontanées. Il a admis avoir effectué un tir de LBD contre Hedi, mais n'a pas reconnu l'avoir frappé au sol, lors de l'audience. Selon lui, le jeune homme avait "armé son bras, poing fermé, pour jeter un objet" dans la direction des agents. Le policier dit alors avoir repris sa position initiale sans laisser l'individu au sol et sans autre violence de sa part.
"Est-ce que ce tir a impacté Hedi ?", s'est ensuite demandé son avocat, Pierre Gassend. "Rien ne [le] prouve", a-t-il affirmé, selon l'AFP. Le conseil avait demandé la remise en liberté de son client. Il estime aussi qu'il n'y a "aucun risque" que le policier fasse pression sur la victime et souligne qu'il peut être hébergé loin de Marseille. Pour sa part, l'avocat général avait requis la détention provisoire afin de "préserver l'information jusqu'à l'interrogatoire", prévu le 30 août. "Le policier a avoué, nous avons enfin des aveux, qu'il était le tireur de LBD. C'est lui qui a tiré sur Hedi. Jusqu'à présent, tout le monde niait", s'est félicité, de son côté, l'avocat du jeune homme, Jacques Preziosi, après l'audience.
La détention provisoire du policier à l'origine d'une fronde de la police
Ce placement en détention provisoire a déclenché un mouvement de protestation chez une partie des policiers en France. Dès l'annonce de cette décision, le 20 juillet, certains se sont mis en arrêt maladie. D'autres ont répondu à l'appel du syndicat Unité SGP Police-FO et se sont mis en "code 562", un jargon policier qui signifie qu'ils n'assurent plus que les missions d'urgence et essentielles.
Puis, le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a apporté son soutien au policier incarcéré. "Le savoir en prison m'empêche de dormir", a déclaré le patron de la police dans une interview au Parisien le 23 juillet. Il considère "qu'avant un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison". Ses propos ont déclenché une polémique, jusqu'au sommet de l'Etat, sur l'indépendance de la justice et le statut des policiers. Frédéric Veaux a toutefois été conforté par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a également soutenu le mouvement des policiers.
Mais en parlant d'une "présomption de culpabilité", pesant selon lui sur les policiers dans des affaires judiciaires, le ministre de l'Intérieur a consterné les magistrats, déjà ulcérés par les propos du patron de la police. "Il appartient à l'autorité judiciaire seule de conduire les investigations utiles à la manifestation de la vérité, en toute impartialité et à l'abri des pressions", ont d'ailleurs rappelé les chefs de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Après avoir été reçus par Gérald Darmanin, les syndicats de policiers ont joué l'apaisement. Ils n'ont pas appelé à des mobilisations de soutien en marge de l'audience, même si certains ont déployé une banderole devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence jeudi, et que plusieurs d'entre eux espèrent une remise en liberté.
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