Dominique Cottrez condamnée à neuf ans de prison : les huit temps forts du procès
L'avocat général avait requis 18 ans de prison. Mais les jurés, eux, ont retenu l'altération du discernement de l'accusée.
Reconnue coupable du meurtre de huit de ses nouveau-nés, Dominique Cottrez, 51 ans, a été condamnée à neuf ans de prison, jeudi 2 juillet, par la cour d'assises du Nord. Les jurés, qui ont rendu leur verdict à l'issue de six jours de procès, ont retenu l'altération du discernement de l'accusée. Mercredi, l'avocat général avait requis dix-huit ans de prison. Mais le parquet a annoncé, jeudi, qu'il ne ferait pas appel.
Dominique Cottrez ne fera pas non plus appel de ce verdict, a annoncé son avocat, Frank Berton. "C'est une victoire de la justice. Les jurés de la cour d'assises du Nord ont compris son histoire, son isolement, s'est-il félicité. Les neuf ans sont pour elle un soulagement. Cette femme n'a jamais été une criminelle comme les autres."
Francetv info vous résume les huit temps forts à retenir de ce procès.
1A l'ouverture du procès, les larmes de l'accusée
Elle se laisse photographier et filmer. En ce premier jour de procès, jeudi 25 juin, Dominique Cottrez sait qu'elle sera l'attraction du jour, la curiosité. Enroulée dans un grand gilet gris, elle s'assoit sur la chaise au revêtement bleu qui lui est destinée. Dominique Cottrez comparaît libre, et n'a donc pas besoin de s'installer dans le box des accusés. Sans un mot, elle subit les crépitements des flashs. Puis se tourne vers son mari et ses filles, assis sur les bancs des parties civiles. Dominique Cottrez se met à pleurer. Les larmes coulent sur son visage.
2Le récit glaçant du premier infanticide
"Je l'ai pris dans mes bras. Je l'ai mis sur mon ventre. J'ai attendu que le placenta tombe, et je l'ai étranglé." Au deuxième jour du procès, la présidente de la cour d'assises, Anne Segond, invite Dominique Cottrez à raconter son premier infanticide. L'accusée livre d'une traite le récit de ce moment fondamental, le point de départ d'un cycle infernal.
Ses mots, prononcés dans le micro, brisent le silence glaçant de la salle d'audience. Chacun retient son souffle, et se projette dans l'atrocité de ses gestes. Et pourtant, quand son avocat lui demande si elle a pris du plaisir à tuer, elle répond "non". "Ces bébés, je ne les voulais pas", lâche-t-elle pour se justifier.
3Le débat sur l'odeur des pieds de Pierre-Marie Cottrez
C'est un procès lourd. Et, pourtant, comme dans tout procès d'assises, la cour, le ministère public, les avocats et le public ont ri, à l'unisson, l'espace d'un instant. Ce moment se produit au deuxième jour du procès, alors que Pierre-Marie Cottrez est appelé à la barre. Le récit glaçant du premier infanticide est encore dans toutes les têtes. Besoin de relâcher la pression, peut-être.
Pierre-Marie Cottrez, qui fait preuve d'une indifférence assumée à l'égard de sa femme – il ne lui adressera aucun geste affectif, en dehors d'une main maladroitement posée sur l'épaule –, assure qu'il n'a jamais remarqué de sac, ni rien senti, parce que l'odeur que dégagent ses pieds est pestilentielle. "Quand j'arrive dans ma chambre, j'enlève mes chaussettes. Mes pieds sentent très fort", explique-t-il, très sérieusement, à la présidente.
Frank Berton prend la parole. "Je vais vous poser trois questions, monsieur. Mais, avant, j'hésite à vous demander de vous déchausser", lui dit-il, sous-entendant qu'il souhaite vérifier si l'odeur de ses pieds est telle qu'il n'a jamais rien pu sentir pendant toutes ces années. "Oh non", entend-on dans le public. Un rire parcourt la salle d'audience. Ce jour-là, personne ne souhaite qu'il se déchausse.
4L'aveu du mensonge
Tous les grands procès d'assises connaissent aussi un moment de bascule. Celui de Dominique Cottrez se produit lundi 29 juin, au troisième jour d'audience. Depuis février 2011, l'accusée l'assure : elle a été violée par son père à 8 ans, puis à l'adolescence. Adulte, elle a entretenu une relation incestueuse avec lui. C'est pour cette raison, dit-elle, qu'elle a tué ses huit bébés : elle craignait qu'ils ne soient de son propre père, mort en 2007. Mais, subitement, cette thèse vole en éclats, quand Frank Berton interroge lui-même sa cliente :
"Madame, vous jurez sur la tête de vos filles que votre père vous a violée ?
- Non, je jure pas.
- Il vous a violée, ou il ne vous a pas violée ?
- Non."
Bruissements et stupeur dans la salle. Suspension d'audience. C'est un rebondissement majeur. Et quid, alors, de la relation incestueuse consentie ? Peu après la reprise, l'accusée reconnaît, là encore, avoir tout inventé.
"Il ne m'a jamais touchée.
- Ni enfant ni adulte ?
- Non, je n'ai jamais eu de relation avec lui."
5Le moment d'humanité
Dans la chaleur de la cour d'assises de Douai, ce sont les experts psychologues et psychiatres qui apportent une petite bouffée d'humanité. Ils sont quatre à se succéder à la barre. Quatre à se pencher sur ce "cas" hors norme. Ils l'ont fait avec beaucoup de dignité. Eux ne cherchent pas la vérité, mais offrent des pistes à la cour, pour tenter d'expliquer les actes de Dominique Cottrez.
L'un d'eux, Michel Dubec, psychiatre agréé à la Cour de cassation, parle d'altération du discernement chez Dominique Cottrez. "C'est très rare que les experts la retiennent, remarque Frank Berton. Pourquoi vous la lui accordez ?" "Face à cette femme, il faut faire attention à ne pas manquer d'humanité", répond le psychiatre. Et, d'un seul coup, on saisit que, au-delà de son crime inexplicable, au-delà de l'irrationnel, Dominique Cottrez est avant tout une femme, humaine.
6Le moment de tension
L'ambiance est beaucoup plus lourde, jeudi. Yves Crespin, représentant l'association l'Enfant Bleu - Enfance maltraitée, vient à la barre avec, en main, les photos des cadavres des bébés, qu'il pose non loin de l'accusée. Et puis, soudain, au milieu d'innombrables références et citations, il parle de "solution finale", et conclut sur la "criminelle infâme".
De quoi indigner l'avocat de Dominique Cottrez. Pendant la suspension d'audience, entre les plaidoiries des parties civiles et le réquisitoire, Frank Berton apostrophe Yves Crespin sur les marches de l'escalier en pierre qui mène à la cour du palais de justice. "Tu as dit 'la solution finale' ! Tu te rends compte ? Tout le monde a eu beaucoup de tenue dans ce procès. Toi, tu l'as piétiné !" s'indigne l'avocat à la voix rocailleuse.
7La déclaration d'amour de deux filles à leur mère
L'aînée est brune aux cheveux courts, un peu ronde. La cadette est blonde et plus mince. A chaque jour du procès, Emeline et Virginie Cottrez se tiennent là, près de leur mère, sur le banc des parties civiles. "Elle a toujours été là pour nous", lâche à la barre Emeline Cottrez, mardi, des sanglots dans la voix. Virginie Cottrez lui succède, moins bouleversée. "On n'osait pas la questionner pour ne pas la déranger. Elle était souvent fatiguée. On n'a pas vu sa détresse", reconnaît-elle.
Les deux filles ne sont pas bavardes. La présidente doit les pousser à parler, à raconter leur vécu. L'avocate de Dominique Cottrez insiste auprès de Virginie : si elle a un message à faire passer, c'est maintenant ou jamais.
"Qu'est-ce que vous pouvez lui dire, aujourd'hui, à votre maman ?
- C'est ma maman, je l'aime. Ses petits-enfants, c'est toute sa vie. Malgré ce qu'elle a fait, c'est notre maman, une mamie.
- Et si c'était les derniers mots que vous pouviez lui dire, qu'est-ce que vous lui diriez ?
- Je l'aime, et ça restera toujours ma mère."
8L'annonce du verdict
Le public se presse, les journalistes reviennent en hâte dans la salle d'audience. Les avocats s'agitent. Dominique Cottrez s'installe pour la dernière fois sur la chaise en revêtement bleu, celle qu'elle a occupée tout au long du procès. L'ambiance est fébrile. La cour arrive, suivie des jurés. La présidente annonce la peine : neuf ans de prison. Puis, lève l'audience. Dominique Cottrez se jette d'abord dans les bras de ses deux avocats. Ses filles arrivent ensuite, suivies de son mari et de son gendre. Tous l'entourent et l'étreignent. L'émotion est forte. Des larmes encore, comme il y en a tant eu dans ce procès. Mais cette fois, ce sont des larmes de soulagement.
Ses deux filles, Emeline et Virginie, décident de s'exprimer face aux journalistes. "On a envie de dire merci aux jurés. On est soulagées, parce qu'ils l'ont comprise et ils nous la rendent dans très peu de temps", soufflent-elles. Dominique Cottrez a déjà passé deux ans en détention provisoire. Elle pourra donc faire une demande de remise en liberté conditionnelle dans un an environ. Ensuite, la vie continuera-t-elle comme avant ? "Non. On ne la laissera plus jamais toute seule", répondent les filles de Dominique Cottrez.
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