Rixes à Paris : il faut "une réponse multifactorielle" à ces jeunes pour faire de la "post-éducation"
Le phénomène de bandes est ancré dans la jeunesse, surtout en région francilienne, selon le porte-parole régional unité SGP Police de Paris.
Après plusieurs affrontements entre bandes rivales à Paris, dont l'un a provoqué la mort d'un adolescent de 16 ans dans la nuit de mardi à mercredi, Eddy Sid, porte-parole régional unité SGP Police de Paris, explique sur franceinfo, mercredi 24 octobre, qu'il faut "une réponse multifactorielle" pour faire de la "post-éducation" des jeunes de ces bandes.
franceinfo : Il y a plusieurs cas d'affrontements de bandes rivales ces dernières semaines, ils ne sont pas directement liés, mais est-ce qu'ils correspondent au même phénomène ?
Eddy Sid : Oui, c'est le phénomène de bandes. C'est quelque chose qui est ancré dans la jeunesse, surtout en région francilienne et en particulier sur Paris et la Seine-Saint-Denis. Ce qui les différencie aujourd'hui, ce sont deux choses. La première, c'est la jeunesse des auteurs. On a en face des individus qui sont parfois de jeunes enfants, des fois ce sont des enfants de 11 ans qui sont interpellés au moment d'attroupements armés. La deuxième chose, c'est l'ultra-violence dans laquelle ils sont. Aujourd'hui, ils ne font plus aucune preuve d'empathie lorsqu'un individu est à terre, roué de coups, molesté, neutralisé, ils vont essayer de l'achever, ce qui n'était pas le cas il y a cinq ou dix ans.
On est loin du trafic de stupéfiants, de luttes d'influence pour garder ses lieux de réseaux qui sont intéressants au niveau pécuniaire. Non, c'est simplement, pour des mots sur des réseaux sociaux, des fois pour des querelles amoureuses. En janvier dernier, on a eu un individu dans le 11e arrondissement qui a été tué en plein Paris, en plein après-midi, par un coup de couteau. C'était à l'origine pour une querelle amoureuse. Aujourd'hui, les bandes sont composées surtout de mineurs, parce qu'une fois arrivés à l'âge adulte, on est en face d'individus qui, soit, se professionnalisent, passent sur des larcins beaucoup plus intéressants au niveau pécuniaire, ou alors sont relativement réinsérés dans la vie professionnelle et se calment.
Y a-t-il des zones de non-droit en région parisienne où la police n'est pas présente ?
La police fait son travail. Sur l'affaire de Garges-lès-Gonesse où quelqu'un est roué de coups il y a moins d'un mois, 40 minutes après, deux individus ayant participé à la rixe ont été interpellés. La prévention, c'est qui ? C'est aussi l'autorité parentale. Nous, on n'est pas là pour faire du post-éducatif. À un moment, nous, on ne peut pas apprendre les règles de bienséance et de vivre ensemble à des individus qui sont déjà des délinquants ou des primo-délinquants. Nous, on est mis à disposition, mais on ne peut pas aller au-delà, c'est la justice qui décide du modus operandi et de la sanction qui est mise en place, ou pas d'ailleurs, ou encore de l'éloignement.
On ne peut pas aujourd'hui, à l'heure actuelle, être responsable de ce genre d'incidents. Ce qu'on fait, c'est qu'on permet de sécuriser et de sanctuariser encore les établissements scolaires, parce qu'ils sont aujourd'hui malheureusement pris pour cible par ces bandes. Il y a des individus qui essaient de rentrer dans certains lycées et établissements de Seine-Saint-Denis. Les forces de l'ordre arrivent rapidement, on fait des patrouilles, mais après on ne peut pas empêcher les gens de vouloir en découdre.
La police de sécurité du quotidien qui est en train d'être déployée peut-elle permettre d'intervenir davantage en amont des rixes ?
Aujourd'hui, les policiers interviennent déjà en amont, c'est important de le dire. Souvent, les raisons judiciaires qui nous permettent d'intervenir au niveau pénal, ce sont les attroupements armés. Parce qu'on n'a pas d'autres moyens juridiques pour pouvoir interpeller six individus. Et souvent, on a même des véhicules dédiés à des patrouilles dans les secteurs où les bandes peuvent en arriver aux mains. On a une cellule "phénomène de bandes" qui fait un travail formidable. Il n'y a pas longtemps encore, ils ont interpellé des individus de bandes qui s'adonnaient à la prostitution. On parle de mineurs.
Donc les fonctionnaires de police font un travail remarquable. Ils arrivent à interpeller en aval les auteurs et en amont, les bandes sont connues et reconnues. Ces jeunes-là, leurs modèles c'est Gomorra, c'est Narcos [des séries télévisées], et donc ils sont dans ce trip-là. Aujourd'hui, c'est du post-éducatif qu'on fait. Il va falloir les éduquer, leur apprendre les règles élémentaires pour vivre ensemble. Donc c'est une réponse multifactorielle qui doit aussi être apportée par les travailleurs sociaux, par les parents.
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