Attentat de Nice : "Un an après, j'essaie encore d’arrêter ce camion", témoigne le père d'une jeune victime
Thierry Vimal a perdu sa fille de 12 ans dans l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Il témoigne de son cheminement pour éloigner la douleur, sans pour autant parler de reconstruction, puisque "tout n'est pas encore détruit".
Il y a un an sur la promenade des Anglais, à Nice, Thierry Vimal a perdu sa fille aînée, âgée de 12 ans, lors d'un attentat qui fait 86 morts. A la veille des commémorations en hommage aux victimes et en soutien à leurs proches, ce père de famille témoigne d'une souffrance que les jours n'effacent pas.
Thierry Vimal, 46 ans, a publié trois livres. Il est toujours écrivain, mais il peut difficilement continuer son travail dans la communication. Toujours à la recherche du mot juste pour décrire sa douleur et celle de son entourage, il se dit incapable de de dire s'il va "bien ou mal". Ces jours-ci, le terme de reconstruction est souvent prononcé alors que se préparent les cérémonies en hommage aux victimes. C'est un mot qu'il ne peut employer. "Je réponds que tout n’est pas encore détruit", dit-il. Il s'explique en utilisant la vision du camion meurtrier, qui a fauché 86 vies.
L’énergie d’un camion comme celui-là ne s’arrête pas d’un coup. J’ai toujours le sentiment que le camion avance toujours. Il est encore en train de faire tomber des trucs, je suis encore en train d’essayer d’arrêter ce camion, de parer au plus pressé, un an après.
Thierry Vimal, père d'une enfant de 12 ans victime de l'attentat de Niceà franceinfo
Depuis l'attentat, Thierry Vimal vit dans une sorte de prison intérieure, avec l’absence pour murs. "La mort de votre enfant annihile tout objectif, confie-t-il, en soulignant les pointes de culpabilité. La douleur est tout le temps là. Parfois, elle est insupportable, parfois on fait avec. Mais on se demande alors si ce n’est pas monstrueux de faire avec." Il est difficile pour lui de travailler, faute d'énergie, d'envie, dit-il. Le fonds d’indemnisation des victimes lui a versé 50 000 euros. "Une enveloppe pour m'aider, pas pour racheter un peu de ma fille", déclare-t-il. Il estimait cette somme importante au début, mais "commence à la trouver petite, à mesure qu’elle fond".
"On continue à vivre"
Peu à peu, par la recherche de spiritualité, la psychologie, la pratique de l’aïkido, Thierry Vimal constate des pas, des changements. Il se dit moins submergé par la colère, plus éloigné de la peur qui empêche de vivre. "Les jours qui suivent l’attentat, une pétarade de scooter vous fait plonger derrière une voiture. J’ai fait du chemin par rapport à cette peur très physique d’animal traqué." Il entoure beaucoup sa plus jeune fille, 10 ans, avec laquelle le dialogue est permanent.
Des mots, des mots, des mots. On a parlé de sa sœur, de l’amour, de l’au-delà, de géopolitique.
Thierry Vimal
"Ma fille a une belle philosophie, un moral d’acier, selon sa psychologue", dit-il, semblant ainsi retrouver de la confiance. "Mais ce n’est pas parce que ça va que ça ira tout le temps", tempère aussitôt l'homme fragile. Il doit faire aussi avec le regard des autres, changé et troublant. "On est une espèce d’aura divine. Dans un endroit, la foule s’écarte. Vous ouvrez la bouche, tout le monde se tait. Vous voulez vous asseoir, les chaises se libèrent."
Thierry Vimal a commencé la rédaction d'un quatrième livre. Un travail nécessaire dit-il, mais compliqué et ardu. Son ouvrage est consacré à l’attentat.
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