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"On partage nos phobies, ça nous aide" : dans les Alpes-Maritimes, un stage dédié aux jeunes victimes d'attentats

En juillet, l'Association française des victimes du terrorisme a emmené 16 jeunes victimes d'attentats, français et étrangers, pour une semaine de stage dans les Alpes-Maritimes. C'est le projet Papillon. 

Article rédigé par Gaële Joly - Edité par Alexandra du Boucheron
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
De jeunes victimes d'attentats participent au Projet papillon organisé par l'AFVT en juillet 2017, dans les Alpes-Maritimes. (ASSOCIATION FRANÇAISE DES VICTIMES DU TERRORISME)

"Je n'ai parlé à personne. J'ai tout gardé pour moi. Et, au bout d'un moment, il fallait que ça sorte." À 16 ans, Vincent, rescapé de l'attentat de Nice, participe à un stage dans les Alpes Maritimes organisé par l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT) : le projet Papillon.

Dans les Alpes-Maritimes, de jeunes victimes d'attentats terroristes réapprennent à vivre : le reportage de Gaële Joly

Comment se reconstruire quand on a la vie devant soi, et que l'on est frappé par un attentat terroriste ? C'est l'objectif du projet Papillon. Pendant 10 jours, 16 jeunes venus de France, du Maroc, d'Algérie et du Liban se sont retrouvés ensemble, sous le soleil. Au programme : activités sportives, art-thérapie et groupes de parole.

L'an dernier, Vincent se trouvait sur la promenade des Anglais, à Nice, lorsque le camion fou a fauché la vie de 86 personnes et blessé plus de 450 autres. S'il n'arrive pas à oublier les cris des gens ce soir-là, le jeune homme sent qu'il avance. "Aujourd'hui, on arrive à parler, raconte-t-il au moment de partir en randonnée kayak sur un lac à l'eau bleue turquoise entouré d'oliviers. On peut se dire les détails, ce qui nous fait peur, nos phobies. On partage ça. Ça nous aide et ça nous fait plus ouvrir les yeux."

Des astuces pour surmonter le quotidien

Vincent a aussi pu discuter avec de jeunes étrangers durant la semaine, comme une Libanaise qui lui a raconté son histoire. "Comparé à mon histoire, c'était horrible, confie-t-il. J'aurais été à sa place, j'aurais été encore plus mal. Ça permet aussi de se dire : 'Il n'y a pas que moi qui ait été touché physiquement ou mentalement'. C'est ce qui permet de nous relever un peu et de s'entraider entre nous."

Aux côtés de Vincent, Janelle, elle aussi, est une rescapée de l'attentat de Nice. Elle a 17 ans et pleure toujours l'une de ses amies. Ici, elle reçoit de nombreux conseils, des "astuces" pour se relever dit-elle : "Comment dormir la nuit, dormir en paix, être satisfait de notre journée, se dire que chaque jour ce sera un nouveau jour et que ça ira mieux. Et puis, on se comprend. Parfois, on n'a même pas besoin de se parler. Juste au regard." 

"S'apaiser mutuellement"

Pendant trois ans, ces jeunes vont se retrouver chaque été, tous ensemble, à l'écart. Ce "cocon" a été mis en place par Dominique Szepielak, docteur en psychologie et responsable du pôle psychologie de l'AFVT. "En fait, ça reverse pour chacun, explique-t-il. Le fait que les autres disent : 'Ben oui, je suis passé par là. Oui, c'était difficile. Oui, je m'en suis sorti'... Ça aide. C'est la rencontre de l'amont et de l'aval qui permet de s'apaiser mutuellement."

Cela permet à ceux qui sont traumatisés depuis peu d'entendre qu'il y a des étapes, d'entendre qu'il faut en passer par certaines douleurs, certains ressentis etc.

Dominique Szepielak, docteur en psychologie

à franceinfo

Jennifer, elle, a choisi l'atelier musique. Avec d'autres, cette jeune Libanaise de 19 ans cherche une mélodie et compose. Elle est arrivée il y a quelques jours d'Akkar, près de la frontière syrienne, au nord du Liban. La guerre, elle la vit au quotidien depuis des années. Ici, elle souffle un peu même si elle reconnaît que le début a été difficile. "Le jour où je suis arrivée, je pleurais car je suis étrangère et je ne savais rien ici, se souvient Jennifer. Mais ensuite, avec la musique, avec les groupes de parole, avec le sport, lorsqu'on parle avec les autres personnes, ça diminue notre mal. Ils disent des choses qui me touchent et qui me poussent pour avancer."

Les anciens pensionnaires jouent les grands frères

Pour les accompagner, Vincent joue le rôle de grand frère. À 23 ans, il a lui-même été "pensionnaire papillon" après avoir été frappé par un attentat en voyage scolaire au Caire, en Egypte, en 2009. L'une de ses camarades a été tuée. Aujourd'hui, Vincent veut montrer aux autres jeunes du stage qu'il est possible de s'en sortir. "Déjà, je leur parle de mon parcours scolaire, dit-il. On se reconstruit aussi dans un avenir donc je leur parle de moi, de mon parcours personnel."

On est là aussi pour faire mentir les terroristes, pour leur dire qu'ils ont eu tort. Du coup, voilà, je leur dis que je suis très heureux dans ma vie et je leur parle juste de moi, de toutes mes réussites et j'en ai eu quelques unes donc c'est ça qui est cool.

Vincent, 23 ans, rescapé d'un attentat en 2009

à franceinfo

Le Projet papillon, créé par l'AFVA, propose aux jeunes victimes d'attentats des activités sportives, art-thérapie et groupes de parole. Ici, en juillet 2017, dans les Alpes-Maritimes. (ASSOCIATION FRANÇAISE DES VICTIMES DU TERRORISME)

"C'est important qu'ils fassent ce travail sur eux-mêmes parce que moi, ça m'a beaucoup aidé, poursuit Vincent. J'étais quelqu'un de très timide avant. Par exemple, je n'aurais jamais accepté votre interview. Mais, maintenant je m'ouvre plus aux autres. Je leur dis qu'il faut qu'il fasse ce travail sur eux-même parce qu'on devient souvent quelqu'un de meilleur."

Les organisateurs insistent sur l'humilité de la démarche. Le projet Papillon n'est qu'un supplément à la reconstruction. Pas un remède en soi. Mais pour les jeunes, ici, c'est surtout une deuxième famille qu'ils découvrent. Une famille un peu spéciale, oui, mais une amitié solide sur laquelle ils vont pouvoir compter encore longtemps.

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