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Attaque à Paris : mettre des policiers devant les sites à risque est "extrêmement chronophage, mais pas nécessairement efficace", selon Synergie Officiers

Le secrétaire général de Synergie Officiers, Patrice Ribeiro, juge sur franceinfo qu'une "surveillance dynamique" serait plus efficace pour protéger les sites à risque.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des membres des forces de l'ordre dans le 11e arrondissement à proximité des anciens locaux de "Charlie Hebdo", où deux personnes ont été attaquées, le 25 septembre 2020.
 (ALEXIS SCIARD  / MAXPPP)

Mettre des policiers en garde statique devant tous les sites pouvant être potentiellement les cibles d'actes terroristes serait "extrêmement chronophage, mais pas nécessairement efficace", selon le secrétaire général de Synergie Officiers Patrice Ribeiro. Invité de franceinfo dimanche 27 septembre, il revient sur l'attaque au couteau, vendredi 25 septembre, devant les anciens locaux du journal satirique Charlie Hebdo qui a fait deux blessés graves. Selon lui, il est plus intéressant de développer les "gardes dynamiques", afin d'être efficace dans la protection, au détriment de l'impact visuel que peuvent représenter des agents en gardes fixes.

franceinfo : À l'heure actuelle, avec les effectifs de police en France, est-ce que l'on a les moyens de sécuriser tous les sites jugés symboliques ?

Patrice Ribeiro : Oui, on en a les moyens, mais au détriment d'autres missions. Tout dépend de la signification que l'on donne à la sécurisation. Retourner à ce qu'on a connu il y a encore plusieurs années, c'est-à-dire des gardes statiques extrêmement chronophages, pour les policiers, c'est extrêmement consommateur d'effectifs. Très souvent, ce sont non pas des policiers locaux, mais des membres des gendarmes mobiles, des CRS ou des compagnies d'intervention, donc des policiers que l'on retire d'autres missions. Et effectivement, c'est extrêmement chronophage, mais pas nécessairement efficace non plus. On a depuis plusieurs années plutôt une politique dite dynamique, c'est-à-dire que vous avez des effectifs qui passent de manière aléatoire dans des lieux sensibles et c'est beaucoup plus efficace, moins chronophage. C'est beaucoup plus sécurisant, même si ça ne donne pas l'impression que les sites sont gardés.

Avec les propos de Gérald Darmanin ce week-end, et plus encore ce matin, est-ce que vous avez l'impression qu'on va revenir à ces gardes statiques ?

Il est certain que vu la pression aujourd'hui, avec Charlie, puis la pression que beaucoup de nos compatriotes ont oublié, une menace essentiellement endogène, terroriste, c'est un peu difficile de planifier de loin comme on a pu le faire pour le Bataclan. Ce n'est pas impossible, mais c'est devenu beaucoup plus compliqué, surtout avec les radars aujourd'hui qui sont posés par les services de renseignements européens. En revanche, vous avez des gens comme ça qui, tout d'un coup, peuvent frapper ce qu'on appelle le lumpenprolétariat du terrorisme ou le terrorisme low cost avec une feuille de boucher, un hachoir, avec un couteau, une machette. Et ça, c'est difficile à appréhender. Oui, il faut rassurer nos compatriotes, et notamment ceux qui sont les plus vulnérables, certains lieux de culte et peut-être certains médias aussi.

En tout état de cause, poser un policier ou des policiers devant tous ces sites là, c'est plutôt contre-productif. Parce qu'encore une fois, c'est quelque chose qui est chronophage.

Patrice Ribeiro, Synergie Officiers

à franceinfo

C'est quelque chose qui n'est pas nécessairement efficace. Même si ça peut rassurer d'avoir deux ou trois policiers en bas de chez vous, en admettant que vous ayez un commando qui soit déterminé, il va voir quand les relèves sont faites ou pas. Et puis surtout, ça s'est déjà vu, notamment à l'étranger, si vous avez des policiers qui sont en faction et que vous avez un commando déterminé, la première chose qu'ils vont faire, c'est de neutraliser les policiers et ensuite de passer à l'action. Alors que si vous avez ce qu'on appelle une surveillance dynamique, ce n'est plus du tout la même chose. Parce que vous avez des équipages de policiers qui sont équipés pour ça, reliés entre eux et qui passent de manière aléatoire. Celui qui doit frapper ou qui veut frapper, il est beaucoup plus en insécurité parce qu'il ne sait pas ce qu'il y a autour et comment les policiers vont arriver et à quelle heure ils vont arriver.

Il y a un débat sur la non-surveillance des anciens locaux de Charlie Hebdo, alors que se tient en ce moment le procès des attentats de janvier 2015. Pour vous, il fallait qu'il y ait une sécurité au moment de ce procès devant ces locaux dans le 11e arrondissement ?

Quand on voit le terroriste qui a frappé en bas de Charlie Hebdo, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'était vraiment pas un intellectuel. Parce que ne pas s'apercevoir que les journalistes de Charlie Hebdo avaient déménagé depuis quatre ans alors que lui était persuadé qu'ils étaient encore sur place, ça donne aussi l'envergure des gens à qui parfois on a à faire. Donc, ça aurait été totalement absurde de poser des policiers à tel ou tel endroit parce qu'il aurait pu faire également au bout de la rue. En admettant que vous mettiez deux policiers devant Charlie Hebdo, vous pouvez avoir une attaque au bout de la rue. Donc, tout ça, ça n'a pas nécessairement de sens. Vous ne pouvez pas non plus mettre un policier devant toutes les synagogues, un policier devant tous les lieux de culte. Ce n'est pas possible. Surtout que lorsqu'on parle d'un ou deux policiers, vous êtes sur plusieurs vacations, c'est-à-dire que les policiers se relèvent les uns les autres. Et puis, il y des cycles de travail. Tout ça est extrêmement chronophage. On ne peut pas nous demander de lutter et contre le terrorisme de manière dynamique et contre l'insécurité aujourd'hui. Parce qu'il y a une explosion de la violence, contre la pression migratoire, contre les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes, le harcèlement de rue, le deal, le trafic de stupéfiants. On ne peut pas être nulle part, donc c'est l'intelligence qui doit commander. Expliquer à nos concitoyens qu'il y a une vigilance à avoir et que la manière dont nous nous travaillons n'est pas nécessairement une manière télévisuelle. Mais en tout état de cause, on peut faire sans avoir des gardes statiques.

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