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Attentats de Paris : "L'Etat islamique tente de redevenir attractif pour enrôler des combattants"

La nature des attaques de Paris – préparées et coordonnées – démontre un changement de stratégie de la part du groupe jihadiste, explique à francetv info Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement.

Article rédigé par Ilan Caro - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des combattants de l'Etat islamique à Raqa (Syrie), en juin 2014. (AFP PHOTO / HO / WELAYAT RAQA)

Jamais la France n'avait été confrontée à un tel scénario d'attentat, avec trois équipes de kamikazes chargées de faire le plus de victimes possibles.

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Après les attaques du vendredi 13 novembre à Paris, la nature de ces attentats – préparés et coordonnés – démontre un changement de stratégie de la part du groupe Etat islamique (EI), explique Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement.

Francetv info : Les attentats de Paris mettent-ils en évidence une nouvelle stratégie du groupe Etat islamique ?

Alain Rodier : L'enquête ne fait que commencer et peut nous réserver bien des surprises, mais il est vrai qu'un virage stratégique s'est produit. Jusqu'à présent, le groupe Etat islamique cherchait surtout à consolider ses positions en Syrie et en Irak et à conquérir de nouveaux territoires, notamment dans le Sinaï et en Libye. Contrairement à Al-Qaïda, dont la marque de fabrique est de mener des attaques partout dans le monde.

Mais l'EI a changé de stratégie. Ce tournant, récent, date de l'attentat contre l'avion russe qui s'est écrasé dans le Sinaï, revendiqué par ce groupe jihadiste. Depuis, il a mené une série d'attentats à Bagdad et à Beyrouth, dans un fief du Hezbollah, la milice chiite libanaise. Les attentats de Paris ont nécessité des semaines, voire des mois de préparation. Cette inflexion a donc été décidée depuis un certain temps. La concomitance de tous ces événements montre que les dirigeants de cette organisation voulaient marquer les esprits.

Quel but poursuit l'Etat islamique en commettant ces attentats ?

Depuis environ un an, soit peu après le début des frappes de la coalition en Irak et en Syrie, l'EI ne progresse plus, alors qu'il enchaînait les succès territoriaux auparavant. Et son expansion est encore davantage freinée par l'intervention russe. Quant aux Kurdes, ils ont réussi à reprendre la ville stratégique de Sinjar sans que les jihadistes ne résistent réellement.

Dans ces conditions, l'EI tente de desserrer l'étau en combattant hors de sa zone. Les jihadistes imaginent peut-être qu'en commettant ce type d'attentats, les opinions publiques vont faire pression sur leurs gouvernements pour renoncer aux frappes. Mais c'est mal connaître l'attitude de la Russie, et peut-être aussi de la France...

Ces attentats sont aussi un moyen pour l'EI de revenir sur le devant de la scène, de se rendre à nouveau attractif, et donc d'attirer de nouveaux combattants. Selon certaines indications, qui portent uniquement sur la Belgique, le nombre de départs pour le jihad en Syrie serait en forte baisse depuis ces derniers mois.

Que peut-on déduire du mode opératoire et des cibles choisies ?

Il est inspiré de celui des attentats de Bombay, en 2008, où une dizaine d'attaques avaient été coordonnées, dont certaines avaient duré trois jours. Avant les attentats de Paris, les autorités françaises s'attendaient à ce type d'attaque. Les forces de sécurité savaient que ces gens n'avaient aucune intention de négocier. C'est pour cela que l'assaut a été donné très rapidement au Bataclan.

Les terroristes ont choisi des cibles "molles", c'est-à-dire peu défendues. Au Stade de France, où la sécurité était plus importante, l'action des terroristes semble avoir échoué. Il ne faut pas voir de symbolique dans le choix des lieux attaqués. On lit ici ou là que le Bataclan a été choisi pour sa proximité avec le lieu de la manifestation du 11 janvier, après l'attentat de Charlie Hebdo. Ils n'en sont pas à ce niveau-là. Ils ont attaqué de façon pragmatique des endroits fréquentés et peu sécurisés pour faire un maximum de morts.

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