: Enquête franceinfo Quand la voix française de Daech écrivait à Mohamed Merah
Fabien Clain est l’homme qui a revendiqué dans un message de propagande les attentats du 13 novembre à Paris. Depuis sa prison, il communiquait par lettre avec Mohamed Merah. L'enquête d'Élodie Guéguen sur un homme dont le nom, du Bataclan à la filière d'Artigat, apparaît dans plusieurs affaires de terrorisme.
Fabien Clain est la "voix" française de Daech. L’homme qui a revendiqué, dans un message de propagande, les attentats du 13 novembre à Paris. Ce jihadiste, parti en Syrie début 2015, est une vieille connaissance des services de renseignement, car Fabien Clain a passé sa vie à faire du prosélytisme. Il est le mentor de toute une génération de jeunes qui ont basculé dans le jihad. Il a été tué en Syrie, mercredi 20 février.
La lettre de Fabien Clain à Mohammed Merah
Dans les années 2000, Fabien Clain s’installe à Toulouse et devient, selon les services qui le surveillent, l’un des leaders de la mouvance salafiste locale. Il rencontre un jeune garçon qui, quelques années plus tard, va terroriser la France : un certain Mohamed Merah. Fabien Clain s’est toujours défendu d’avoir exercé une quelconque influence sur le jeune terroriste. Nous avons pourtant découvert une lettre laissant penser qu’il était un conseiller "bienveillant", une sorte de guide spirituel pour Merah. Le courrier a été écrit par Clain en 2009.
Réjouis-toi de savoir que ton seigneur a préparé un paradis immense pour ceux qui ont cru et accompli de bonnes œuvres.
Le courrier avait été jugé suffisamment tendancieux par l’administration pénitentiaire à l’époque pour être signalé aux services de renseignement. La lettre à Merah, écrite en français et en arabe, est bourrée de références religieuses. "C’est vraiment une grâce d’Allah de nous avoir guidé à la vérité", écrit par exemple Clain au jeune Merah. Ou encore : "Réjouis-toi de savoir que ton seigneur a préparé un paradis immense pour ceux qui ont cru et accompli de bonnes œuvres."
L’ombre de Clain dans plusieurs affaires de terrorisme
Lorsque Merah abat froidement des militaires et des enfants juifs, Fabien Clain est derrière les barreaux, condamné dans l’affaire de filière jihadiste dite "d’Artigat". Dès lors, les juges qui enquêtent sur les attentats de Toulouse ne s’intéressent pas vraiment à lui. Il y a bien des investigations qui sont menées mais elles ne sont pas extrêmement poussées, regrette l’avocate de parties civiles Samia Maktouf. Elle avait demandé à la justice d’auditionner Fabien Clain : "On a considéré que ce n'était pas une priorité. Aujourd'hui on se rend compte que c'était plus qu'une priorité. Il n'y a pas une seule affaire terroriste que la France ait connue sans que l'ombre de Fabien Clain ne soit présente."
Un ancien catholique qui se convertit à l'islam
L’histoire et le parcours de Fabien Clain sont étonnants. Réunionnais d’origine, il naît en métropole en 1978. Il grandit en Normandie, avec son frère Jean-Michel, dans une famille extrêmement catholique. À 18 ans, Fabien Clain décide de se convertir à l’islam. Sous son influence, tous ses proches le suivent, même sa mère, qui est professeur de catéchisme. Partout où il est passé, Fabien Clain a fait du prosélytisme. Et, à chaque fois, son discours a fait mouche. Tarek* est sans doute celui qui connaît le mieux l’histoire de la soudaine conversion de Clain, il a été l’un de ses meilleurs amis. Tarek* raconte, en 2016, : "Clain pouvait débattre avec un chrétien, avec un juif, avec un bouddhiste. Il avait une éloquence qui pouvait retourner qui que ce soit."
Le nom de Fabien Clain apparaît dans plusieurs affaires. L’un de ses amis avec qui il est parti en Syrie est l’homme qui a revendiqué pour le compte de Daech l’attentat de Magnanville. Deux autres de ses "disciples" qui l’ont accompagné en Syrie sont soupçonnés de complicité dans l’affaire de l’attentat "déjoué" qui devait viser des églises de région parisienne.
Fabien Clain est aussi et surtout la voix française des attentats de novembre 2015. Même si, pour le journaliste Jean-Manuel Escarnot, correspondant de Libération à Toulouse, Clain a sans doute joué un rôle bien plus important : "Fabien Clain ne se contente pas de traduire un communiqué, de le lire avec sa voix pleine d'emphase pour nous expliquer comment ce sont organisés les attentats du 13 novembre. C'est certainement, selon la DGSE et la DGSI, l'un des commanditaires de ces attentats."
(*) Le prénom a été modifié.
Une enquête d’Elodie Guéguen, diffusée le samedi 17 septembre 2016 à 13h20 dans Secrets d’Info sur France Inter.
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