Protection des témoins : Sonia, la femme qui a dénoncé Abaaoud, va enfin pouvoir changer de vie
Contrairement à l'Italie ou les Etats-Unis, aucun statut n'était prévu dans le droit français pour protéger les témoins d'affaires judiciaires sensibles. C'est désormais chose faite, et l'évolution de la législation est en partie due aux attentats.
C'est un grand ouf ! de soulagement que doivent pousser les témoins clés de certaines affaires judiciaires : la France a enfin un régime de protection des témoins, un décret en ce sens est entré en vigueur mardi 6 décembre. Il permet en particulier de bénéficier de mesures de protection et, en cas de nécessité, d'obtenir une identité d'emprunt.
Jusqu'ici, aucun dispositif légal n'était prévu, contrairement à ce qui se fait aux Etats-Unis ou en Italie. C'est désormais chose faite, et l'une des premières personnes à en bénéficier devrait être Sonia, celle qui a dénoncé le terroriste Abdelhamid Abaaoud, l'un des principaux protagonistes des attentats de Paris et de Saint-Denis.
Aujourd'hui, elle vit dans un lieu tenu secret, loin de sa famille, sans possibilité de travailler. Sa vie a basculé le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats : elle appelle les autorités, car Abdelhamid Abaaoud se cache à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Elle le sait, elle l'a rencontré, comme elle l'a raconté à "Envoyé spécial" : le terroriste a pris contact avec Hasna, une de ses cousines, que Sonia considère quasiment comme sa fille. C'est aussi Sonia qui fournit aux enquêteurs l'adresse de la planque d'Abaaoud à Saint-Denis.
Pour Sonia et les autres témoins, il s'agit de retrouver "une identité, un travail, une vie sociale"
Le 18 novembre, le Raid, l'unité d'intervention de la police, donne l'assaut sur l'appartement. Abdelhamid Abaaoud, son complice Chakib Akrouh et Hasna Aïtboulahcen sont tués lors de l'opération.
Après cela, impossible pour Sonia de retrouver sa vie d'avant. Elle a été mise à l'abri, mais faute de régime spécifique pour les témoins, l'administration française ne lui permettait pas de changer de nom. Elle avait confié son désarroi à franceinfo, la voix masquée : "Je veux qu'on me redonne ce que l'État m'a enlevé : une identité, mon travail, et une vie sociale. Je ne demande pas qu'on me décroche la Lune ! Je veux un lieu d'habitation qui va me plaire, qui va me convenir et qui va convenir à toute ma famille."
Jusqu'à l'entrée en vigueur de ce décret, les seuls à pouvoir bénéficier d'un nom d'emprunt et d'une aide financière pour changer de vie étaient les repentis, ces
anciens criminels ayant décidé de collaborer avec la justice. Les attentats ont rendu nécessaire une adaptation du droit.
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