Attentats de Paris : dans les prisons, beaucoup de silence et quelques bruyantes provocations
Depuis le 13 novembre, de nombreux incidents ont été signalés derrière les barreaux, notamment à Fresnes. Mais le sentiment général a été, comme dehors, la consternation.
"On croyait que la France avait marqué un but contre l'Allemagne, mais non. C'était des réactions à l'annonce des attentats de Paris." Dans la banlieue ouest de Lille, à la maison d'arrêt de Sequedin (Nord), une clameur a retenti, vendredi 13 novembre, accompagnée de cris de joie, selon un surveillant cité par La Voix du Nord. Trois jours plus tard, dans le quartier pour femmes de cette prison moderne, la minute de silence a été brisée par quelques "Allahou Akbar" ("Allah est le plus grand"), indique un autre agent à francetv info.
A travers la France, de nombreux établissements pénitentiaires ont relevé des comportements provocateurs liés aux attaques qui ont fait 129 morts en région parisienne. Une courte vidéo, filmée par un homme incarcéré à Fresnes (Val-de-Marne), semble en attester. "On a eu des 'Allahou Akbar' et des 'bravo', pendant la minute de silence, en provenance de la 1re division, ou de la 2e, qui accueille les détenus radicaux", confirme un délégué syndical.
A la maison d'arrêt de Mulhouse (Haut-Rhin), un jeune de 24 ans en détention provisoire s'est même livré, samedi, à une reconstitution de l'attaque du Bataclan, en faisant mine de tirer sur ses codétenus et en criant "Bataclan ! Bataclan !". L'affaire s'est terminée au tribunal correctionnel, où le prisonnier a écopé d'un an ferme en comparution immédiate pour "apologie publique d'un acte terroriste".
"Beaucoup moins de soutien aux terroristes qu'en janvier"
Si plusieurs détenus se sont fait remarquer, la plupart ont accueilli la nouvelle des attaques avec effroi. "On a observé un soutien aux terroristes bien moindre qu'en janvier, et beaucoup plus de désapprobation, avec même une volonté de les voir attrapés vivants, confirme Jean-Michel Dejenne, premier secrétaire du Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP). Les détenus savent que tout le monde était visé, cela aurait pu être des délinquants se promenant dans la rue ou leur famille."
Au centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède (Var), un surveillant fait état d'une situation "très calme" et, comme dehors, "très tendue". "On a remarqué que des détenus s'inquiétaient pour leurs proches utilisant les transports en commun", illustre-t-il. A la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône), les attaques ont aussi été accueillies avec "un certain mutisme", dans une ambiance "lourde", chez les prisonniers comme chez les surveillants.
Controverse sur les moyens de lutter contre la radicalisation
Là où des incidents sont survenus, des signalements ont été adressés au procureur de la République et, dans certains cas, aux services de renseignement. Presque la routine en prison, où les agents sont de plus en plus sensibilisés à la détection des individus embrigadés dans la mouvance islamiste radicale. "On essaye de faire la part des choses entre la simple provocation bête et la véritable radicalisation, mais rien n'est pris à la légère", assure un responsable syndical de la région Grand-Ouest.
Tandis que les dispositifs de lutte contre le terrorisme se multiplient dans le domaine carcéral, certaines initiatives restent controversées. Au centre pénitentiaire de Fresnes, des islamistes radicaux ont été regroupés pour limiter leur influence sur les autres détenus. "Au final, rien n'a changé, déplore un surveillant. Ils sont juste regroupés dans des cellules voisines, sans être isolés dans un bâtiment distinct. Ils parlent aux détenus ordinaires par la fenêtre ou lors d'activités communes. Et ils se sentent plus forts ensemble, comme une bande, et peuvent échanger entre eux en cellule."
Après les attentats du 13 novembre et l'instauration de l'état d'urgence, le personnel pénitentiaire espère désormais bénéficier de moyens supplémentaires pour remplir ses missions sur la radicalisation. François Hollande a annoncé, lundi, 2 500 créations de postes pour le ministère de la Justice. "On veut s'assurer qu'il ne s'agit pas des créations de postes déjà promises ces derniers mois, dit Jean-Michel Dejenne, du SNDP. Et on s'attend à une forte concurrence avec la police et l'armée pour avoir les meilleurs candidats, car 5 000 créations de postes leur ont aussi été promises."
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