"J’ai perdu l’audition, mon boulot, on a tout perdu" : deux ans après l’assaut du Raid à Saint-Denis, des sinistrés aujourd'hui dans l'oubli
Une cinquantaine de familles ont perdu leur logement dans l'assaut du Raid lancé le 18 novembre 2015 sur un immeuble de Saint-Denis où étaient réfugiés des terroristes liés aux attentats du 13-Novembre. Deux ans après, certaines n'ont toujours pas été relogées et se sentent oubliées.
Il y a deux ans jour pour jour, le 18 novembre 2015, le Raid donnait l'assaut contre un appartement de Saint-Denis. A l'intérieur : Abdelhamid Abaaoud, coordinateur présumé des attentats du 13-Novembre, sa cousine et un djihadiste belgo-marocain. Ce matin-là, plus de 1 500 munitions sont tirées et l'immeuble est en partie détruit par une ceinture d'explosifs déclenchée par un djihadiste. Sur les 45 ménages qui l'occupaient, moins de la moitié ont été relogés. Les autres sont toujours à l'hôtel et cinq personnes sont désormais à la rue. Vendredi soir, ils ont dressé des tentes pour dormir devant leur ancien immeuble du 48 rue de la République, et se sont remémorés l’enfer.
"Il y avait beaucoup de tirs, beaucoup de lasers dans la maison, rouges"… Les yeux embués, Laïd se souvient des lasers du Raid qui quadrillaient les murs de son appartement. Quatre heures d'angoisse, allongé par terre. A 62 ans, le doyen des sinistrés de l'immeuble est désormais SDF, sommé il y a deux mois de quitter l'immeuble qui l'hébergeait.
L’hôtelier m’a dit, voilà, il faut que tu quittes la chambre. Il a changé le code et maintenant je suis dehors.
Laïd, ancien habitant de l'immeubleà franceinfo
"Un ami m’a prêté une voiture comme ça et je dors dans la voiture. Je viens d’Algérie ici pour travailler, pour une meilleure vie, et maintenant je suis comme les réfugiés de la Syrie et de l’Irak", poursuit Laïd.
La situation n’est guère plus enviable pour Nordine. Blessé au bras par une balle du Raid, le jeune homme de 33 ans a dû quitter son emploi de peintre en bâtiment. Lui aussi a été expulsé de son hôtel il y a deux mois. "Là, on est dehors, on est oublié. Ça fait huit mois qu’on n’a plus de psychologue, plus de médecin, plus rien. J'ai même pas de carte vitale", raconte-t-il.
Ça m’arrive de penser encore à ça (l’assaut du Raid). Depuis ce jour-là, je ne suis plus le même.
Nordine, ancien habitant de l'immeubleà franceinfo
Leandro lui, est hébergé dans un trois pièces avec son épouse et ses trois enfants. Une situation provisoire qui devait durer 15 jours. Pendant l'assaut, les douilles des hommes du Raid tombaient dans leur cuisine. Aujourd'hui, la famille panse toujours ses plaies. "Je suis devenu sourd de l’oreille gauche à cause des tirs à l’arme lourde. Les enfants, ils ont du mal. Il y en a un qui a raté son BAC cette année, et la petite de cinq ans n’arrête pas de faire des cauchemars", témoigne le père de famille.
Notre situation est devenue dramatique, j’ai perdu l’audition, mon boulot, on a tout perdu.
Leandro, ancien habitant de l'immeubleà franceinfo
Démoralisé, Leandro perd peu à peu espoir d'être relogé de manière pérenne. Une situation intolérable selon Simon Le Her de l'association Droit au logement. "Ces personnes sont des victimes du terrorisme. Ils ont subi ce traumatisme. Après ça, ils se sont vus considérés comme des citoyens de seconde zone. C’est inacceptable", dénonce-t-il.
Sur le dossier, l'Etat et les élus locaux se renvoient la balle. La mairie de Saint Denis appelle l'Etat à tenir ses engagements en relogeant les familles de façon digne et adaptée. Les sinistrés et les associations se réuniront, eux, à partir de 11h samedi devant l'immeuble, pour réclamer relogement, régularisation et reconnaissance en tant que victimes du terrorisme. Une demande relayée par le député PCF de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu, qui a demandé, sur franceinfo samedi, "plus de considération" pour les sinistrés.
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