Attentats du 13-Novembre : quatre questions sur le "procès bis" qui s'ouvre à Bruxelles
Alors que le procès de 20 accusés est toujours en cours à Paris, un tribunal belge est chargé d'établir les responsabilités de 13 hommes et une femme jugés pour avoir apporté une aide, même minime, aux commandos.
Deux procès pour un dossier tentaculaire. La justice belge se saisit à son tour, à partir du mardi 19 avril, du dossier des attentats jihadistes du 13 novembre 2015. Alors que la cour d'assises spéciale de Paris juge depuis sept mois 20 accusés, dont le seul survivant des commandos, Salah Abdeslam, ce tribunal doit établir les responsabilités de 13 autres hommes et une femme. Ils comparaissent à Bruxelles pour avoir apporté une aide, même minime, aux terroristes. Franceinfo répond à quatre questions sur ce procès dit "bis", prévu pour durer un mois.
1Pourquoi organiser un second procès en Belgique ?
Les attaques en France, revendiquées par le groupe Etat islamique, ont été préparées en bonne partie depuis le territoire belge, où la cellule jihadiste disposait d'une demi-douzaine de planques. Après l'équipée sanglante du Stade de France, des terrasses et la tuerie de la salle parisienne du Bataclan, qui a fait 130 morts et des centaines de blessés, la justice antiterroriste belge avait très rapidement ouvert une enquête, dirigée par la juge d'instruction Isabelle Panou. Ce procès à Bruxelles en est l'aboutissement.
Les personnes mises en cause dans cette procédure ont été écartées de celle instruite en France. En effet, elles sont soupçonnées de faits d'une gravité moindre que ceux jugés en ce moment par la cour d'assises spéciale de Paris. Douze prévenus comparaissent d'ailleurs libres à Bruxelles. Les deux autres sont jugés par défaut car donnés pour mort en Syrie.
La plupart gravitaient dans l'entourage de Salah Abdeslam et d'Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats parisiens, et des deux frères El Bakraoui, les cousins du "cerveau" des attaques, Oussama Atar, qui se sont fait exploser dans le métro et à l'aéroport de Bruxelles le 22 mars 2016. "On se situe ici dans la nébuleuse de l'entourage des Abdeslam, des Bakraoui, de Mohamed Abrini, explique au Monde Michaël Dantinne, criminologue à l'université de Liège. C'est un bouillon de culture, d'idées, où tous se connaissent, même de manière indirecte. L'entreprise terroriste s'appuie sur un terreau relationnel de loyautés croisées, de liens amicaux, familiaux, où l'on ne 'balance pas'."
2Qui sont les personnes jugées à Bruxelles ?
Onze hommes – dont Youssef Bazarouj, présumé mort– doivent répondre de "participation aux activités d'un groupe terroriste", ce qui leur fait encourir jusqu'à cinq ans de prison. L'un d'eux, Abid Aberkane, est jugé pour avoir caché Salah Abdeslam dans la cave du domicile de sa mère, à Molenbeek, près de Bruxelles, les derniers jours précédant l'arrestation du jihadiste français, le 18 mars 2016. Un autre, Youssef El Ajmi, a accompagné deux fois son ami Ibrahim El Bakraoui à l'aéroport à l'été 2015, d'abord à Amsterdam-Schiphol puis, un mois plus tard, à Paris-Charles-de-Gaulle.
Avaient-ils connaissance des projets terroristes ou de la radicalisation islamiste des auteurs des attentats de Paris et Bruxelles ? C'est tout l'enjeu de ce procès, en écho aux questions qui se posent pour certains des accusés du procès parisien, qualifiés de "seconds couteaux". Selon l'accusation, Youssef El Ajmi ne pouvait ignorer qu'Ibrahim El Bakraoui voulait à tout prix rejoindre la Syrie à partir du sol turc. La défense ne l'entend pas ainsi. "Il n'était pas marqué sur son front qu'il [Ibrahim El Bakraoui] allait combattre en Syrie, combien de Belges savaient à l'époque que le califat [de l'Etat islamique] avait été proclamé là-bas ?" oppose son avocat, Michel Bouchat.
"Après coup, conduire un copain à l'aéroport est devenu participer à un groupe terroriste, c'était facile de faire des procès d'intention."
Michel Bouchat, avocat de l'un des prévenusà l'AFP
Parmi les prévenus figure aussi Ibrahim Abrini, le frère de Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles, jugé à Paris. Il est poursuivi pour avoir fait disparaître des éléments compromettants pour le groupe terroriste – dont un ordinateur, rappelle Le Monde. Un autre suspect, considéré par l'accusation comme le "dirigeant" de ce groupe, encourt, lui, jusqu'à quinze ans ferme. Il s'agit du deuxième prévenu jugé par défaut, le Belgo-Ivoirien Sammy Djedou. Il serait mort en Syrie, où il comptait parmi les hauts responsables de l'Etat islamique.
Enfin, deux des 14 prévenus se voient reprocher des délits connexes : l'un d'eux est jugé pour des infractions aux lois sur les armes et les explosifs, et l'autre – la seule femme du dossier – pour la fourniture de faux papiers aux membres de la cellule à l'origine des attentats de Paris et Bruxelles. Il s'agit de Meryem El Balghiti, soupçonnée d'avoir épaulé son époux Farid Kharkhach, jugé à Paris, dans la confection et la délivrance de ces faux papiers.
3Combien de parties civiles ont été constituées ?
A ce stade, sept personnes se sont constituées parties civiles au procès, contre plus de 2 000 dans la procédure française. Parmi elles figurent les parents et une sœur d'Elif Dogan, une Liégeoise d'origine turque tuée à l'âge de 27 ans sur la terrasse du bar Le Carillon, à Paris, le soir du 13 novembre 2015. "Pour ne pas raviver des souvenirs trop douloureux, ils ne comptent pas venir témoigner au tribunal", a fait savoir leur avocate, Julie Henkinbrant.
4A quelle date la décision doit-elle être rendue ?
Le procès, qui s'ouvre à 14 heures à l'ancien siège de l'Otan, rebaptisé "Justitia", est placé sous haute protection policière. Il doit se poursuivre jusqu'au 20 mai à raison de deux ou trois journées d'audience par semaine. Sauf imprévu, le tribunal compte rendre son jugement le 30 juin au plus tard, soit quelques jours après le verdict du procès parisien, qui est attendu pour le 24 juin.
La justice belge n'en aura pas fini avec le dossier des attentats puisque le procès des attaques de Bruxelles, qui ont fait 32 morts et plus de 300 blessés, doit s'ouvrir en octobre prochain au Justitia. Six des 20 accusés du procès à Paris y seront jugés : Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Sofien Ayari, Osama Krayem, Oussama Atar (jugé par défaut car présumé mort en Syrie) et Ali El Haddad Asufi.
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