"Je ne suis pas un assassin" : au procès des attentats du 13-Novembre, les derniers mots de Salah Abdeslam, avant le verdict attendu mercredi
"J'ai reconnu que je n'étais pas parfait, j'ai fait des erreurs c'est vrai mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur. Et si vous me condamnez pour assassinat, vous commettrez une injustice." Tels ont été les derniers mots de Salah Abdeslam, lundi 27 juin, devant la cour d'assises spéciale de Paris. Comme tous les accusés, le seul membre des commandos du 13-Novembre encore en vie s'est exprimé pour la dernière fois, au 148e et dernier jour du procès des attentats du 13-Novembre 2015.
Près de dix mois après son ouverture, l'audience criminelle la plus longue depuis la Seconde Guerre mondiale s'achève, comme le veut le Code de procédure pénale, par ces derniers mots des hommes jugés pour leur participation, à des degrés divers, aux attaques qui ont fait 132 morts et des centaines de blessés à Paris et Saint-Denis. Salah Abdeslam, dernier à prendre la parole parmi les 14 accusés présents à cette audience, a tenu à expliquer son "évolution" au cours des débats en revenant sur ses conditions d'incarcération depuis six ans et des "violences" subies en détention, notamment en Belgique.
"On m'a ensuite ramené dans cette enceinte [judiciaire], on m'a empêché de parler à qui que ce soit, c'était le choc social, je n'avais pas vu autant de monde depuis longtemps, j'étais sur les dents alors j'ai été un peu dur dans mes paroles et je le regrette", a-t-il regretté en allusion à ses propos et ses provocations en septembre dernier. "C'est avec l'épée du parquet sur le cou que je m'adresse à vous", a poursuivi Salah Abdeslam, contre lequel la perpétuité incompressible a été requise par le Parquet national antiterroriste.
Des excuses aux parties civiles
Une peine requise au nom de la "co-action" sur tous les sites des attentats reprochée à Salah Abdeslam, comme l'a dénoncé son avocate Olivia Ronen lors de sa plaidoirie, vendredi. "L'opinion publique dit que j'étais sur les terrasses occupé à tirer sur des gens, que j'étais au Bataclan. Vous savez que la vérité est à l'opposé", a déclaré son client, qui avait commencé son propos en assurant que ses "excuses" à l'égard des victimes, prononcées au dernier jour de ses interrogatoires mi-avril, étaient "sincères".
"Perpétuité, c'est sûrement à la hauteur des faits mais pas à la hauteur des hommes qui sont dans le box."
Salah Abdeslam, accuséau procès des attentats du 13-Novembre
Avant Salah Abdeslam, ses co-accusés dans le box ont également enjoint la cour de ne pas suivre les réquisitions du Pnat, qui a réclamé des peines allant de cinq ans à la perpétuité incompressible et demandé que tous soient déclarés coupables. "Dans quelques jours, mon fils fêtera ses 7 ans, je compte bien fêter son anniversaire avec lui pour la première fois", a déclaré Yassine Atar, répétant qu'il n'avait rien à voir avec son frère Oussama Atar, le commanditaire des attentats qui fait partie des six accusés jugés en leur absence.
L'effet des dix mois d'audience
A l'exception d'Osama Krayem, qui a gardé le silence comme il l'a fait pendant presque tout le procès, beaucoup ont eu des mots pour les parties civiles. "Je voulais condamner fermement ces attentats et présenter mes excuses aux victimes. Je ne l'ai pas fait avant car j'avais l'impression que ces mots n'avaient pas de place face à leur douleur", a déclaré Mohamed Bakkali, considéré comme l'un des logisticiens des commandos et déjà condamné dans l'attentat déjoué du Thalys. "Je ne crois pas qu'on puisse être le même après ces 10 mois de procès, après tout ce qu'on a entendu", a souligné de son côté Sofien Ayari, l'un des compagnons de cavale de Salah Abdeslam.
"Je sais pas si je peux souhaiter aux parties civiles d'oublier car je ne sais pas si c'est possible. Mais je leur souhaite de pouvoir tourner la page."
Sofien Ayari, accuséau procès des attentats du 13-Novembre
"Vos témoignages m'ont beaucoup touché, je les porterai dans mon cœur jusqu'à la fin de mes jours, vous m'avez appris le courage, le respect l'humilité et le pardon", a pour sa part affirmé Farid Kharkhach, accusé d'avoir fourni des faux papiers à la cellule du 13-Novembre et qui n'a cessé de clamer son innocence pendant le procès. "Ça a été très difficile pour moi de regarder les victimes", a reconnu Mohamed Abrini, connu pour être "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles en mars 2016. "Je leur présente encore une fois toutes mes excuses. Tout ce que j'espère, c'est qu'elles puissent se reconstruire."
"J'ai très peur de votre décision"
Mohamed Abrini s'est aussi excusé à l'égard d'Abdellah Chouaa, qui fait partie des trois accusés comparaissant libres à ce procès. Ce sont les convoyeurs, ceux qui encourent des peines moins lourdes. Mais ils ont dit à la barre leur "honte" d'être associés à ces attentats. "Je t'en veux Mohamed [Abrini], tu as détruit ma vie, je ne sais pas si je te pardonnerai un jour", a lancé en pleurant Abdellah Chouaa. "J'ai très peur de votre décision, a dit à la cour l'accusé, contre lequel le parquet a requis six ans de prison avec un mandat de dépôt. J'ai tellement peur que vous fassiez une erreur, je suis innocent, je ne suis pas un terroriste. Certes, j'ai accompagné Mohamed Abrini à l'aéroport, mais j'ai jamais su ce qu'il avait en tête."
"Innocent ou non, je resterai toujours un accusé de ce procès. Mon nom est lié à ce procès et j'en souffre."
Abdellah Chouaa, accuséau procès des attentats du 13-Novembre
Ali Oulkadi, qui a loué un abri de jardin en banlieue parisienne avec Abdellah Chouaa pour pouvoir assister au procès, comme l'a signalé son avocate Marie Dosé pendant sa plaidoirie, "espère", lui, que "cette étiquette ne collera pas à [ses] enfants. Je ne comprends pas comment on peut adhérer à ces idées qui ont gâché des milliers de vie, semé la mort et la tristesse".
Fait rare dans un procès d'assises de cette envergure, des liens se sont tissés au fil des semaines entre ces accusés libres et certaines parties civiles. Abdellah Chouaa les a remerciées d'être venues vers lui, "chaque matin avant la reprise de l'audience". "Je leur souhaite le meilleur, j'espère qu'elles réussiront à surmonter tout cela", a appuyé avant lui Hamza Attou, qui était dans la voiture qui a ramené Salah Abdeslam de Paris à Bruxelles le soir du 13-Novembre.
Après ces ultimes prises de parole, le président Jean-Louis Périès a déclaré les débats "terminés". La cour d'assises spéciale de Paris s'est retirée pour délibérer pendant deux jours et demi. Le verdict est attendu mercredi soir.
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