Cet article date de plus de huit ans.

"J'ai besoin d'un chez-moi" : les habitants des immeubles touchés par l'assaut de Saint-Denis toujours en attente de relogement

Les habitants veulent être reçus par la cellule interministérielle d'aide aux victimes et reprendre le cours de leur vie.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Rassemblement des habitants des immeubles touchés par l'assaut de Saint-Denis, le 23 décembre 2015 devant le ministère des Affaires étrangères (Paris).  (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

"On veut un rendez-vous", scandent-ils devant le ministère des Affaires étrangères ce mercredi 23 décembre en fin de journée. Les habitants du 48 rue de la République, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), n'ont toujours pas été relogés, plus d'un mois après l'assaut mené par le Raid dans le bâtiment C, le 18 novembre. Une action menée dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 13 novembre à Paris et au Stade de France.

"Ces oubliés des attentats", comme les nomme Marie Huiban, de l'association Droit au logement (DAL), veulent être reçus par la cellule interministérielle d'aide aux victimes. "Ce sont des familles pour la majorité. Des familles à qui on a promis un relogement et des examens bienveillants pour les sans-papiers", explique-t-elle. Mais, depuis le 18 novembre, aucune nouvelle de ces promesses, selon l'association. Aujourd'hui, elles demandent à être reconnues comme victimes des attentats et veulent surtout reprendre le cours de leur vie. Francetv info les a rencontrées. 

"J'ai besoin d'un chez-moi", Akésia

N'Goran et Akésia vivaient dans l'immeuble pris d'assaut par le Raid le 18 novembre 2015. Ils attendent encore un logement, le 23 décembre 2015, et participent à un rassemblement devant le ministère des Affaires étrangères (Paris). (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

Akésia, N'Goran et Aaron, leur bébé de 19 mois, vivaient au deuxième étage du 48 D. Le 18 novembre au matin, ils ont été réveillés par les échanges de tirs et, pendant près de quatre heures, ils sont restés couchés dans leur appartement. "Dans leur fuite, les terroristes auraient pu rentrer, on essayait donc d'être très silencieux pour ne pas attirer l'attention, mais le bébé pleurait", raconte N'Goran. Pour le calmer, Akésia lui chantait donc doucement des berceuses. Enfin sortie, vers 8 heures, et après cinq heures d'interrogatoire, la famille a pu rejoindre la mairie et être prise en charge dans un gymnase de la ville. "Depuis, c'est le flou total", selon N'Goran.

La petite famille vit actuellement dans un hôtel de Saint-Denis et espère être relogée très prochainement. "Ils nous ont donné 200 euros pour acheter le nécessaire pour manger et se laver, ma famille de Guadeloupe et de France nous a aussi envoyé de l'argent mais on n'en a plus", explique Akésia. La jeune femme aimerait retourner chez elle pour prendre ses affaires. "J'ai une machine à laver et je me retrouve à aller au lavomatique, nous perdons trop d'argent. J'ai besoin d'un chez-moi", continue-t-elle. Cependant, si elle pouvait récupérer une chose en priorité, ce serait certainement les jouets et les photos de son bébé. "C'est mon diamant à moi et il a perdu tous ses repères. Avant, c'était un enfant calme, maintenant, il ne veut pas qu'on l'approche et il est devenu agressif", constate la maman. Les deux parents se sont donc engagés au sein du DAL pour essayer de débloquer la situation : "Nous aimerions juste savoir quand nous pourrons être relogés et quel statut nous avons exactement", demande N'Goran.

"L'immeuble du 48 fait peur", Said

Said et Belkacem, deux habitants de l'immeuble touché par l'assaut de Saint-Denis, le 18 novembre. Ils participent, le 23 décembre 2015, à un rassemblement devant le ministère des Affaires étrangères (Paris). (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

Said et Belkacem habitaient tous les deux au 48 D. Les deux colocataires ont assisté à l'assaut depuis leur fenêtre. Ils n'ont été évacués que le 19, et n'ont eu, depuis, que vingt minutes pour récupérer leurs affaires. Les deux amis se sont ensuite retrouvés dans la même chambre, à l'hôtel Campanile de Saint-Denis. "Je n'aurais jamais imaginé dormir dans un hôtel. Nous sommes bien, c'est calme et propre", décrit Said. 

Calme et propre en comparaison du bâtiment de la rue de la République. "L'immeuble du 48 fait peur", selon Said, qui dépeint un immeuble isolé avec une entrée sombre et des couloirs fréquentés par des inconnus. "Tout le monde connaît le code et peut rentrer", explique-t-il. Depuis l'assaut, son ancien logement n'évoque pour lui que des mauvais souvenirs. "Je ne veux plus y aller, vraiment pas." 

"Je ne veux pas y retourner, c'était la guerre", Nordine

Nordine Touil, au centre, avec ses deux amis marocains, tous trois habitants de l'immeuble touché par l'assaut de Saint-Denis le 18 novembre. Ils sont en attente d'être relogés et étaient présents au rassemblement le 23 décembre devant le ministère des Affaires étrangères (Paris).  (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

Pour Nordine, Marocain de 31 ans, le souvenir est amer. Alors qu'il dormait le 18 au matin au-dessus de l'appartement visé par le Raid, il a été réveillé par les coups de feu. "J'ai reçu une balle dans le bras gauche quand je me suis levé. Une trentaine de points de suture", raconte-t-il. Le jeune homme et ses amis, venus du Maroc, ont été évacués quelques minutes seulement après le début de l'assaut. "On m'a demandé de me déshabiller et puis on m'a menotté et couché à poil par terre dans la rue", se souvient-il. Nordine a ensuite passé quatre jours en garde à vue, à Levallois, puis cinq en rétention à Vincennes. "On dormait et voilà ce qu'on nous fait vivre ?" s'exclame-t-il. 

Quelques semaines plus tard, il peine encore à s'en sortir. "Je travaillais dans le bâtiment et mon employeur ne veut plus me reprendre à cause de tout ça", explique Nordine. Il a le sentiment que les choses avancent sur le relogement : "Des personnes ont déjà eu des promesses", remarque-t-il. Mais, en attendant, il séjourne lui aussi à l'hôtel Campanile de Saint-Denis. Et, même s'il y a laissé toutes ses affaires, il l'affirme : "Je ne veux pas y retourner, au 48, c'était la guerre là-bas."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.