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Ce qu'il faut retenir des documents déclassifiés d'Oussama Ben Laden

Les autorités américaines ont dévoilé de nouveaux éléments récupérés lors de l'assaut contre la maison du chef d'Al-Qaïda en 2011. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le leader terroriste Oussama Ben Laden dans sa maison d'Abbottabad (Pakistan), sur une vidéo non datée dévoilée le 7 mai 2011 par l'armée américaine. (US DEPARTMENT OF DEFENCE / AFP)

C'était il y a quatre ans, presque jour pour jour. Le 2 mai 2011, un commando des forces spéciales américaines prend d'assaut une maison d'Abbottabad (Pakistan), où s'est réfugié Oussama Ben Laden. En plus de la dépouille du chef d'Al-Qaïda, les soldats américains repartent avec des documents et des ordinateurs. Les autorités américaines ont déclassifié, mercredi 20 mai, une partie de ces documents.

Cette centaine de textes, sélectionnés et traduits par les services américains de renseignement, apportent de nouveaux éclairages sur l'état d'esprit du chef d'Al-Qaïda, ses réflexions tactiques, ou sa grande attention à l'image publique du réseau. Il n'est toutefois pas possible de vérifier indépendamment l'origine des documents, ni la qualité de leur traduction en anglais.

Francetv info fait le point sur les informations qu'ils contiennent.

Une cible prioritaire : les Etats-Unis

Des années après le 11 septembre 2001, le cerveau de ces attentats n'a pas changé d'objectif. Le leader terroriste estime qu'Al-Qaïda ne doit plus viser les régimes du Moyen-Orient pour se concentrer sur les Etats-Unis. "Nous devrions arrêter les opérations contre l'armée et la police dans toutes les régions, spécialement au Yémen", écrit-il. La priorité doit être de "frapper l'Amérique pour la forcer à lâcher" les régimes du Moyen-Orient, "et à laisser les musulmans tranquilles""La priorité doit être de tuer et de combattre les Américains et leurs représentants", martèle-t-il dans une autre lettre.

A défaut de pouvoir organiser dans l'immédiat de nouvelles attaques aussi spectaculaires, Ben Laden envisage, selon sa correspondance, une grande campagne médiatique pour les 10 ans du 11-Septembre. "Vous êtes bien conscients de son importance et de l'importance qu'il y a à tirer avantage de l'anniversaire dans les médias afin d'honorer les victoires des musulmans et afin de communiquer aux gens ce que nous voulons communiquer", écrit-il dans une lettre. Dans une autre missive, il prévoit d'envoyer plusieurs déclarations à la chaîne Al-Jazeera pour l'occasion.

Un intérêt : la France

Dans la "bibliothèque" (une partie des documents ont été retrouvés sous forme numérique) de Ben Laden, 19 textes concernent la France. Le chef d'Al-Qaïda a consulté plusieurs rapports économiques sur notre pays, ainsi que des articles sur notre armée ou nos activités nucléaires.

Sur le plan opérationnel, ces documents montrent qu'il a donné des directives sur les négociations à mener à propos des Français enlevés par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ou des deux journalistes français en Afghanistan. Dans les deux cas, Ben Laden insiste sur la nécessité d'obtenir de la France un engagement de retrait d'Afghanistan, ainsi qu'une rançon pour le cas des otages d'Aqmi.

Des inquiétudes : sa sécurité et la désunion du mouvement jihadiste

Traqué, Ben Laden s'inquiète de sa sécurité. Il demande à ses cadres de ne pas communiquer par e-mail, et s'inquiète des vêtements de sa femme, qui le rejoint en 2010. "Des puces [électroniques] ont été développées récemment pour espionner, si minuscules qu'elles peuvent facilement être cachées dans une seringue", justifie-t-il, après avoir demandé qu'elle laisse "tout derrière elle".

Dans une autre lettre, non datée, Ben Laden résume sa philosophie en matière de sécurité. "Les procédures de sécurité dans notre situation doivent être appliquées à tout moment et il n'y a aucune marge d'erreur", souligne-t-il. Il regrette par exemple que ses combattants ne suivent pas toujours la consigne d'éviter les rassemblements de plus de cinq personnes pour se protéger contre les drones.

Politiquement, le chef d'Al-Qaïda redoute la division de ses troupes. Selon un responsable américain, il craint "que la désunion dans le mouvement jihadiste n'entraîne sa perte". Al-Qaïda en Irak, qui évoluera pour devenir le groupe Etat islamique, est source de conflit au sein de la mouvance extrémiste. En 2007, des jihadistes irakiens écrivent à Ben Laden pour dénoncer en termes virulents les actions meurtrières d'Al-Qaïda en Irak, des "scandales commis en votre nom".

Une obsession : l'organisation du mouvement

Les documents montrent également un leader terroriste obsédé par la bonne gestion de son organisation. "L'une des spécialités dont nous avons besoin, et que nous ne devons pas négliger, est la science de l'administration", peut-on lire dans une note qui préconise des formations professionnelles.

Un formulaire de recrutement, à l'en-tête de "la Commission de sécurité, Organisation Al-Qaïda", ressemble d'ailleurs à un document d'état-civil. "S'il vous plaît, remplissez les informations requises précisément et honnêtement. Ecrivez de manière claire et lisible. Nom, âge, situation maritale", indique le texte, avant d'entrer dans le vif du sujet : "Voulez-vous commettre un attentat suicide ?" ou encore "Qui devons-nous contacter si vous devenez un martyr ?".

Un héritier : son fils Hamza

Fils préféré de Ben Laden, Hamza, 22 ans en 2011, brûle de faire le jihad. Un projet soutenu par son père, qui veut en faire son héritier à la tête d'Al-Qaïda. "Ce qui me rend vraiment triste, c'est que les légions de moudjahidine marchent et que je ne les ai pas rejointes", écrit Hamza en juillet 2009, alors qu'il est assigné à domicile en Iran. "J'ai peur de passer ma jeunesse derrière des barreaux de fer, ajoute-t-il. Mon cher père, je t'annonce que moi comme chacun, que Dieu soit loué, nous suivons le même chemin, le chemin du jihad."

En avril 2011, alors qu'Hamza est autorisé à quitter l'Iran, Ben Laden cherche à le faire venir auprès de lui. L'un de ses lieutenants lui présente trois possibilités. La "moins dangereuse et la plus facile" est de le faire passer par la province pakistanaise du Baloutchistan, qui borde l'Iran, écrit Atiyah Abd Al-Rahman.

En attendant, Al-Rahman s'est débrouillé pour que Hamza "étudie le maniement des explosifs", écrit-il. Il promet de l'entraîner à la pratique de différentes armes, ajoutant que le jeune homme est "adorable et bon". Un mois plus tard, Ben Laden est tué. On ignore où se trouve Hamza aujourd'hui.

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