Ghesquière et Taponier : souvenirs et projets de deux ex-otages
Cinq mois après leur libération, les journalistes de France Télévisions retenus pendant dix-huit mois en Afghanistan, reviennent sur leur parcours afghan à l'occasion d'un numéro spécial de "Pièces à conviction", diffusé mercredi sur France 3.
Décontractés, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier viennent de finir l’enregistrement de l'émission "Le Cauchemar afghan", un numéro spécial de "Pièces à conviction". C'est pour ce magazine que les deux journalistes de France Télévisions étaient partis en reportage en Afghanistan il y a presque deux ans. Le 29 décembre 2009, ils ont été enlevés par des talibans aux mains desquels ils ont passé dix-huit mois en captivité.
Mercredi 23 novembre, dans ce numéro spécial de "Pièces à conviction", les deux reporters reviennent sur leur vie d'otages mais aussi sur leur travail en Afghanistan, sur leur expérience dans le pays... Avant la diffusion du magazine sur France 3 mercredi à 23 heures, ils évoquent pour FTVi certains de leurs souvenirs et de leurs projets.
• Leurs rêves pendant leur captivité
Hervé Ghesquière : "Grand amateur de vin, je rêvais d’une très bonne bouteille ! En fait, quand on était capturés, on délirait beaucoup sur la bouffe. Comme on mangeait super mal et qu’on avait que ça à faire, c’était une vraie obsession.
L’autre plan sur la comète, c’était de voyager : aller en Italie, c’est fait ; retourner en Serbie, en Croatie et en Bosnie voir des amis, j’y vais ces jours-ci. Et puis je voudrais aller voir le village natal de ma mère en Pologne et lui faire des photos. Je suis très attaché à l’histoire."
Stéphane Taponier : "J’ai beaucoup rêvé de bouffe, énormément même ! Comme on en avait très peu, je me voyais aller dans un supermarché et me gaver de toutes les choses que j’aime, vin, chocolat... Sinon, je rêvais des pays que j’ai envie de visiter. En fait, on rêve d’énormément de choses. "
• Les images qu'ils gardent en mémoire
Hervé Ghesquière : "La prise d’otage, évidemment. La libération, évidemment. Mais avant tout, l’entrée dans le hall de France Télévision avec des centaines, voire des milliers de gens qui applaudissaient, alors qu’on avait juste fait notre métier. Ça faisait chaud au cœur, c’était vraiment incroyable. Sinon, j’ai plein de flashs de moments précis : sur ma paillasse, calé contre le mur, à écouter la BBC, alors que des souris et des mulots passent à côté de moi..."
Stéphane Taponier : "Le deuxième jour après notre enlèvement, on a beaucoup marché, on a passé un col et, au sommet, un taliban s’est mis à faire la prière. L’ensemble était magnifique : la voix, le soleil couchant, les cimes enneigés, une quiétude... Cette image m’a marqué. Une telle harmonie, on la voit rarement. Au retour, j’ai plus subi qu’apprécié. On a été pris dans une tourmente médiatique. Même à la libération, je n’ai pas ressenti une émotion intense, pas de cassure."
• Leurs projets
Hervé Ghesquière : "Je vais m’isoler quatre mois au bord de la mer et je vais écrire. J’ai besoin de m’isoler pour me concentrer. J’avais écrit 500 feuillets mais tout a été volé par les talibans. J’ai tout en mémoire mais j’ai besoin de retrouver des sensations pour bien écrire. Ensuite, je donnerai sûrement un coup de main pour la médiatisation de cas d’autres otages parce qu’on a vu que c’était important. Je ne veux pas avoir ad vitam une étiquette d’ex-otage mais je crains que ce soit difficile. Je veux aussi reprendre mon métier de journaliste. Je l’ai déjà fait d’ailleurs."
Stéphane Taponier : "Je vais prendre un an de congé. Je constate que je n’ai plus envie de vivre dans une ville, j’ai envie d’un vrai retour à la nature. Quand j’étais enfermé, il y avait une odeur qui m’avait émue aux larmes, tôt le matin, une odeur d’herbe et d’humus qui remontait juste après la pluie.
Pour moi, cette émission de [mercredi 23 novembre] est un point final. Cet épisode de ma vie est terminé donc je ne serai pas l’ex-otage qu’on invitera sur les plateaux. Je vais reprendre ma vie de reporter, je vais redevenir journaliste. Pour le moment, j’ai un peu de mal à regarder les infos, une sorte de désintérêt. Mais je suis sûr que ça va revenir."
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