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Assassinat de Samuel Paty : trois ans après l'attentat contre le professeur d'histoire-géographie, où en est la justice ?

Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Un hommage à Samuel Paty, à Eragny-sur-Oise (Val-d'Oise), le 16 octobre 2021. (MERYL CURTAT / HANS LUCAS / AFP)
Quatorze personnes sont suspectées d'avoir aidé à divers degrés l'assaillant, abattu par les forces de l'ordre.

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty était poignardé puis décapité à la sortie de son collège, suscitant un gigantesque émoi national. Trois ans après la mort du professeur d'histoire-géographie, et alors que la communauté éducative a de nouveau été frappée en plein cœur par une attaque mortelle survenue vendredi 13 octobre dans un lycée d'Arras (Pas-de-Calais), la justice s'apprête à se prononcer.

Âgé de 18 ans au moment des faits, l'assaillant, Abdoullakh Anzorov, avait été abattu par les forces de l'ordre et ne sera donc pas jugé. Ce jeune Russe d'origine tchétchène reprochait au professeur d'avoir montré en classe, lors d'un cours sur la liberté d'expression, des caricatures de Mahomet. Il avait revendiqué son geste dans un message audio en se félicitant d'avoir "vengé le Prophète". En revanche, quatorze personnes suspectées de l'avoir aidé comparaîtront prochainement devant la justice. Elles encourent des peines allant de cinq ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité, selon leurs degrés d'implication et leur âge.

Les huit majeurs seront jugés à une date encore inconnue devant la cour d'assises spéciale de Paris, compétente en matière de terrorisme et composée de cinq magistrats professionnels. Un premier procès, organisé devant le tribunal pour enfants, à Paris, du 27 novembre au 8 décembre, concernera les six mineurs mis en cause. 

Huit accusés majeurs renvoyés aux assises 

Sept hommes et une femme seront dans le box des accusés lors du procès devant la cour d'assises spéciale. S'il a été le seul à porter les coups de couteau fatals à Samuel Paty, l'assaillant a bénéficié de complicités pour réaliser son projet macabre, estiment les enquêteurs. Deux de ses amis qui habitaient dans la même ville que lui, Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud, aujourd'hui âgés de 22 et 21 ans, sont accusés de l'avoir accompagné en voiture se procurer des armes la veille des faits. Naïm Boudaoud est en outre soupçonné d'avoir conduit l'assaillant jusqu'au collège de Conflans-Sainte-Honorine le jour de l'attentat. Tous deux sont poursuivis pour "complicité d'assassinat terroriste" et risquent la réclusion criminelle à perpétuité.

Trois autres accusés – Brahim Chnina, Abdelhakim Sefrioui et Priscilla Mangel – sont soupçonnés d'avoir joué un rôle déterminant dans le passage à l'acte d'Abdoullakh Anzorov, selon les juges d'instruction du pôle antiterroriste. Ils comparaîtront pour "association de malfaiteurs terroristes", crime passible de trente ans de réclusion. Brahim Chnina, père de la collégienne à l'origine de la polémique sur des cours dispensés par Samuel Paty, est notamment accusé d'avoir publié des vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles il visait directement l'enseignant.

Le parent d'élève avait à l'époque reçu le soutien d'Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste fiché S qui a, lui aussi, diffusé du contenu en ligne attisant la polémique visant Samuel Paty. Priscilla Mangel, très active sur Twitter, est quant à elle soupçonnée d'avoir attiré l'attention d'Abdoullakh Anzorov sur le professeur. Suivie par la DGSI depuis 2017, l'internaute a, d'après les enquêteurs, échangé 46 messages avec l'assaillant entre le 9 et le 13 octobre 2020.

Les réseaux ont joué un rôle clé dans cet attentat. Les juges estiment que trois autres hommes pourraient avoir encouragé la radicalisation d'Abdoullakh Anzorov via des groupes Snapchat. Ces jeunes majeurs radicalisés sont, eux aussi, poursuivis pour "association de malfaiteurs terroriste".  

Six mineurs jugés à partir du 27 novembre

Le jour de l'attaque, vers 14 heures, le terroriste interpelle un collégien, qui se voit proposer la somme de trois cents euros contre la désignation de Samuel Paty à la sortie des cours, en fin d'après-midi. L'adolescent, alors âgé de 14 ans, accepte et entraîne quatre de ses camarades dans la mission. Même si les juges ont considéré qu'ils n'avaient pas conscience du projet d'assassinat, ils sont soupçonnés d'avoir permis à l'assaillant d'identifier sa victime, tout en sachant que les intentions d'Abdoullakh Anzorov étaient malveillantes. 

Enfin, la dernière protagoniste renvoyée devant la justice est la fille de Brahim Chnina, par qui tout a commencé : élève du collège de Conflans-Sainte-Honorine, elle ment délibérément à son père le 7 octobre 2020. Son but ? Justifier son exclusion pour des raisons disciplinaires. Elle lui raconte que Samuel Paty a diffusé des "caricatures obscènes" le 5 octobre et a demandé aux élèves musulmans de se désigner pour qu'ils sortent de la classe. Elle affirme avoir tenu tête à son professeur et avoir été exclue deux jours pour cette raison. La réaction de son père est immédiate : il l'emmène déposer plainte pour "diffusion d'images pornographiques à un mineur" et poste des messages sur ses réseaux, dans lesquels il traite Samuel Paty de "voyou" et diffuse l'adresse de son collège. En réalité, les investigations révéleront que la jeune fille n'a jamais assisté à ce cours.

Au total, six adolescents sont donc mis en cause. Cinq d'entre eux comparaîtront pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées" et la dernière sera jugée pour "dénonciation calomnieuse". Ils risquent tous jusqu'à cinq ans de prison.

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