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Attentat à Strasbourg : "Je n'ai pas fait de la com, mais du travail de flic", raconte Joël, à la tête du compte Twitter de la police du Bas-Rhin

Ce brigadier de police a été sur le pont pendant l'attentat à Strasbourg et la traque du suspect. Il raconte à franceinfo comment il a géré le compte Twitter de la police du Bas-Rhin. 

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Margaux Duguet
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Le compte Twitter de la police nationale du Bas-Rhin, qui a relayé plusieurs messages lors de la traque du suspect de l'attentat à Strasbourg. (TWITTER / POLICENAT67)

"Je n'ai pas beaucoup dormi", s'excuse-t-il d'emblée. Au bout du fil, Joël parle vite et s'emmêle avec les mots. Ce brigadier de 50 ans, chargé de communication pour la police nationale du Bas-Rhin, est depuis 72 heures sur le front avec l'attentat à Strasbourg. C'est lui qui gère le compte Twitter de la police du 67 chargé de relayer les messages et consignes des autorités.

Le jour de l'attentat, l'ambiance est pourtant festive. "Il nous manquait quatre followers pour arriver à 25 000. J'avais préparé un visuel festif avec des collègues qui tenaient chacun un chiffre dans la main. On les attendait ces quatre nouveaux followers", se souvient-il. Mais, vers 20 heures, tout bascule : un homme sème la terreur sur le marché de Noël de Strasbourg et fait quatre morts, une victime en état de mort cérébrale et onze blessés. Joël retourne immédiatement au travail. Il raconte à franceinfo ces heures difficiles.

Franceinfo : Etiez-vous préparé à gérer cette communication de crise ?

Joël : J'avais participé à un exercice de crise à la direction générale il y a deux ans. On nous a appris à communiquer en période de crise, à savoir le ton qu'il fallait utiliser mais aussi la forme et le rythme des messages. Lorsque je suis sorti de ce stage, je me souviens que je me suis dit : "J'espère n'avoir jamais à m'en servir." 

Quel a été précisément votre rôle pendant ces 72 heures ? 

J'étais au centre d'information et de commandement, donc j'avais les informations en même temps que tout le monde. L'idée, c'était de relayer des messages précis et concis pour que tout le monde comprenne. Par exemple, au lieu de dire : "Evitez telle rue", j'ai préféré faire une carte pour ceux qui ne connaissent pas bien la ville.

Tous les visuels ont d'ailleurs été faits à l'instant T. Ce ne sont pas les plus belles réalisations que j'ai faites mais il fallait que ce soit efficace. Normalement, j'utilise toujours le même fond pour mes visuels, un fond bleu, mais pendant ces trois derniers jours, ils étaient en rouge pour indiquer une situation de crise. Là, je suis fier parce que mon dernier visuel avec le message de remerciement de mon directeur est redevenu bleu, ça veut dire qu'on a retrouvé une sérénité. 

Dans votre communication, vous avez également demandé aux internautes de ne pas relayer de fausses informations...

Oui, il faut expliquer aux gens qu'ils mettent d'autres personnes en danger en relayant des fake news. Hier, on a eu des rumeurs selon lesquelles il y avait une fusillade dans tel quartier, ça a fait déplacer des forces de l'ordre pour rien. Il y a aussi ceux qui donnent la position des forces de l'ordre lors des opérations. C'est ce qui s'est passé hier dans le quartier de Neudorf. Tout le monde dit : "La police est là", et après la personne visée va ailleurs. 

Comment avez-vous vécu personnellement ces trois derniers jours ?

J'ai eu conscience de la peur des internautes qui se dégageaient des réseaux sociaux et je me suis aussi dit que mes collègues jouaient très très gros. Quand l'assaillant a été neutralisé, sans que les forces de l'ordre ne soient blessées, la pression est retombée et mes yeux se sont voilés. On a aussi reçu des milliers de messages de remerciement et ça continue encore, je dis "merci à tous" car ça nous sert d'énergie. D'ailleurs, pendant ces 72 heures, je n'ai pas fait de la com, mais du travail de flic. On va maintenant pouvoir reprendre notre travail. 

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