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Attentat de Strasbourg : comment s'organisent les traques des ennemis publics numéro 1 comme Cherif Chekatt ?

L'auteur présumé de l'attentat perpétré mardi soir à Strasbourg a été abattu jeudi soir par la police.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des policiers allemands contrôlent des voitures à la frontière franco-allemande, à Kehl, le 12 décembre 2018. (CHRISTOPH SCHMIDT / DPA / AFP)

Cherif Chekatt, le suspect numéro 1 de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, a été abattu jeudi soir par la police. Dans la soirée du mercredi 12 décembre, un appel à témoins avait été lancé pour le retrouver.

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Une mesure qui a fait de lui pendant 48 heures l'homme le plus recherché de France. Depuis l'attentat, des centaines de membres des forces de l'ordre étaient mobilisées – 750 jeudi – pour retrouver Cherif Chekatt ou mener des perquisitions chez ses proches, comme mercredi dans le quartier de Neudorf. Cette traque hors-norme obéit à des règles précises. Explications.

Identifier d'éventuels complices

Première étape : cette chasse à l'homme commence par une saisine judiciaire. "Quand il y a ennemi public numéro 1, qu'il s'agisse de terrorisme ou de droit commun, d'Yvan Colonna ou de Redoine Faid, un service de police judiciaire est saisi. Il va faire l'essentiel du travail", explique à franceinfo l'ancien directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard.

Commence ensuite un travail de fourmi "où tous les moyens sont conjugués", ajoute Christophe Caupenne, ancien inspecteur de police judiciaire et ex-commandant du Raid. "Un : on collecte tous les témoignages directs et indirects. Deux : on visionne toutes les images de vidéoprotection de la ville où il a disparu. Trois : on exploite la téléphonie en remontant des mois auparavant, dans tous les contacts",  énumère-t-il.

L'idée est de mettre au jour au plus vite d'éventuelles complicités : "En cavale, un suspect a besoin de gens pour l'aider, le nourrir, le loger", détaille Frédéric Péchenard. 

On va donc identifier tous les contacts que peut avoir le suspect. Sa famille, bien sûr, ses frères, sœurs, amis, femme, etc. On va regarder tous les fichiers, les archives, voir s'il a des antécédents judiciaires, avec qui il est tombé.

Frédéric Péchenard

à franceinfo

Les proches sont placés sous surveillance physique et sous écoutes téléphoniques, le "B.A. BA", explique le policier.

"Plus il y a de médiatisation, mieux c’est"

Etape numéro 2 pour retrouver l'ennemi public du moment : effectuer un "travail de sécurité publique" avec des patrouilles, des barrages, des contrôles aux frontières. Parallèlement, le nom et la photo du suspect sont souvent médiatisés. "Plus il y a de médiatisation, mieux c'est. Avec une pression d'enfer, c'est difficile de bouger", remarque l'ancien préfet. La police tente de limiter au maximum les risques de fuite à l'étranger, qui rendent toujours la recherche "plus compliquée, surtout dans des pays où la police locale a d'autres priorités et d'autres ennemis numéro un", note-t-il. 

Avant d'ajouter : "Mais dans le cas précis de l'attentat de Strasbourg, Cherif Chekatt sera aussi recherché en Allemagne qu'en France parce qu'il y sera considéré comme aussi dangereux, et que les deux polices collaborent bien", précise-t-il. "D'autant, développe-t-il, que dans le cas des attentats, on s'adresse systématiquement aux services de renseignements français et étrangers pour compléter les informations de police classiques". 

Souvent efficace, même s'il y a des ratés – on se souvient que Salah Abdeslam avait pu franchir la frontière franco-belge juste après les attentats du Bataclan, le 13 novembre 2015, avant d'être arrêté quatre mois plus tard –  "le dispositif de barrages et de contrôle ne peut pas durer longtemps, parce qu'il mobilise énormément d'hommes", souligne encore l'ancien préfet.

"On finit toujours par les retrouver"

La police judiciaire prend alors le relais pour poursuivre une enquête au long cours qui peut durer des mois, voire des années. La traque d'Yvan Colonna, recherché pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, avait duré de 1999 à 2003. "Il a tenu quatre ans dans une bergerie à l'abri des regards, conclut Frédéric Péchenard, parce qu'il était protégé par des amis. Mais on finit toujours par les retrouver".

Et l'exception Xavier Dupont de Ligonnès, ce père de famille nantais qui a disparu en 2011, soupçonné d'avoir tué sa femme et quatre ses enfants ? "On peut envisager qu'il est en cavale, mais je ne crois pas. Je pense qu'il est mort. On retrouvera peut-être son corps par hasard, comme pour le docteur Godard. C'est très difficile de vivre en cavale, il faut de l'argent, des complicités et un trésor de guerre, qui doit être plus important encore si l'on veut vivre à l'étranger"

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