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Procès de l'attentat de Magnanville : pour l'enfant du couple de policiers assassinés, "le vécu de terreur persiste"

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
La sœur de Jean-Baptiste Salvaing témoigne devant la cour d'assises spéciale de Paris, au procès de l'attentat de Magnanville (Yvelines), le 2 octobre 2023. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)
Des membres de sa famille paternelle et maternelle, ainsi qu'une psychologue, ont évoqué à la barre le traumatisme de ce petit garçon pris en otage à l'âge de 3 ans lors de l'assassinat de ses parents en juin 2016.

"Si un jour Damien* me pose des questions, je veux pouvoir lui répondre." Valentine, la sœur de Jean-Baptiste Salvaing, policier assassiné le 13 juin 2016 avec sa femme Jessica Schneider à Magnanville (Yvelines), a pris son courage à deux mains pour venir témoigner à la barre lundi 2 octobre. "Mon grand frère m'avait dit : 'S'il m'arrive quelque chose, je veux que ce soit toi qui t'occupes de mes enfants", explique-t-elle devant la cour d'assises spéciale de Paris, alors que la sixième journée d'audience du procès de Mohamed Lamine Aberouz, accusé d'être le complice de l'assassin, touche à sa fin. Devenu orphelin à 3 ans, son neveu, qui aura bientôt 11 ans, est depuis placé sous sa tutelle.

Damien est allé vivre chez elle cinq jours après la mort de ses parents. "Dès qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas, il avait des crises, son trop-plein d'émotion sortait comme ça", raconte Valentine Salvaing. Les nuits, surtout, étaient "très compliquées".

"Pendant deux ans, je suis restée avec lui une heure, voire deux, avant qu'il ne s'endorme."

Valentine, la sœur de Jean-Baptiste Salvaing

devant la cour d'assises spéciale de Paris

Damien ne livre "pas forcément" à sa tante le contenu de ses cauchemars. Il se confie aussi à la psychologue qui l'a pris en charge peu de temps après l'attentat. "Quand il sent qu'il ne va pas bien, c'est lui qui dit : 'J'ai besoin d'y aller'", expose la sœur du policier tué. "C'est difficile pour moi aussi", reconnaît cette femme aux cheveux auburn relevés en queue-de-cheval, qui tente de masquer l'émotion qui surgit.

"Il y a un avant et un après"

"Damien a été victime d'un véritable traumatisme de guerre", expose la psychologue, qui témoigne elle aussi à la barre lundi. Outre les nombreux cauchemars, qu'elle confirme, elle décrit un petit garçon "dans l'hyper vigilance, au moindre bruit, au moindre claquement de porte". La thérapeute, spécialisée dans le psychotraumatisme de l'enfant et de l'adolescent, constate que ce "vécu de terreur persiste, pendant plusieurs mois et plusieurs années".

"Le traumatisme se fait à l'instant T et dure dans le temps. C'est toujours là aujourd'hui, même s'il va mieux."

La psychologue de Damien

devant la cour d'assises spéciale de Paris


"Il y a un avant et un après pour ce petit garçon qui a bien grandi, poursuit la psychologue, qui l'a revu quelques jours avant de témoigner au procès. La thérapie et l'amour qu'il a reçus ont permis que sa parole se libère petit à petit." Néanmoins, à l'audience, la thérapeute tient à nuancer l'analyse de ce souvenir "traumatique". Lors des scènes de jeu, l'enfant, incité à jouer avec des figurines en plastique dans un bac à sable pour lui permettre d'exprimer ses émotions, "faisait intervenir une multiplicité de méchants, ce qui s'interprète comme le fantasme de l'horreur qui fait décupler les monstres". Impossible pour elle d'en tirer une conclusion sur la présence ou non de l'accusé aux côtés de Larossi Abballa, même si lors d'une séance, il avait évoqué "deux méchants". "Un seul méchant" peut d'ailleurs être "représenté par une multitude de figurines", déclare-t-elle au terme de son audition.

"Son enfance lui a été volée"

Pour désigner le terroriste, qui l'a brièvement filmé et retenu en otage plusieurs heures, avant que le Raid ne donne l'assaut, Damien dit "l'autre". Le jeune garçon l'a dit au moins "à trois reprises" à sa tante, souligne le président de la cour d'assises spéciale. "Il a dit : 'Il y a un méchant et un gentil, un qui voulait me tuer et l'autre a dit : 'Attends, pas encore'.'", détaille le magistrat, qui interroge Valentine Salvaing sur ce point. "Je ne lui pose pas de questions, je n'en ai jamais parlé avec lui", répond la tante de l'enfant.

Si la tenue du procès a ravivé le traumatisme de Damien, l'ensemble de sa famille cherche à le préserver. "Son enfance lui a été volée", s'insurge sa grand-mère maternelle, qui a gardé un lien fort avec son petit-fils et part régulièrement en vacances avec lui. Elle tient aussi, avec sa fille, la sœur aînée de Jessica Schneider, à dénoncer la vision rigoriste de l'islam revendiquée par l'accusé, qui à leurs yeux "ne pourrait jamais trouver sa place dans notre pays"

Ce n'est pas la position affichée par la famille de Jean-Baptiste Salvaing, qui a préféré diffuser, en amont de l'audience de lundi, un communiqué de presse pour dénoncer "le relais d'informations erronées" sur Damien et rappeler que des articles de loi protègent la vie privée et la dignité des mineurs victimes. Le jeune garçon dispose d'une avocate, mais il ne l'a jamais rencontrée, selon le choix de sa famille, qui veut lui éviter d'être confronté trop tôt à la justice. "C'est pour lui que je suis là", déclare Valentine Salvaing.

"La seule chose qu'il m'a demandée, c'est : 'Pourquoi ?' 'Pourquoi papa et maman ?'"

Valentine, la sœur de Jean-Baptiste Salvaing

devant la cour d'assises spéciale de Paris

A l'audience, la tante de Damien concède qu'elle n'a toujours pas de réponse à apporter à cette question. Et qu'elle ne s'attend pas à en obtenir une au cours du procès, prévu pour durer jusqu'au 10 octobre.

* Le prénom a été modifié.

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