Procès de l'attentat de Magnanville : sur la question de l'ADN, des hypothèses mais pas de réponses
Au cinquième jour du procès de l’ attentat de Magnanville, dans les Yvelines, la cour se penche sur un élément très attendu : l'ADN retrouvé sur le repose-poignet droit de l'ordinateur des deux victimes. C'est en effet la présence de son ADN qui vaut à Mohamed Aberouz, soupçonné d’avoir aidé le terroriste à tuer le couple de policiers chez eux en juin 2016, de se retrouver dans le box des accusés. Chacun à leur tour, le président, les avocats des victimes et de la défense tentent d'apporter enfin une réponse ferme et définitive à ce dossier qui en manque cruellement.
Avec une question toujours en suspens : a-t-il bien touché l'ordinateur ce jour-là ? Les deux experts appelés à la barre n'ont pas permis d'y répondre, l'un d'entre eux assurant même que "nous ne pourrons jamais conclure définitivement" cette question.
Contact direct ou "transfert d'ADN" ?
Lors de ces trois heures d’audition, l’ordinateur des victimes retient toute l’attention, et plus précisément son repose-poignet droit, là où l'ADN de l'accusé a été retrouvé lors de la première analyse. Sur les écrans de la salle d'audience, l'ordinateur qui appartenait au couple de victimes est projeté en photo.
Thibault de Montbrial, avocat de la famille Schneider, va jusqu’à enfiler un gant noir et laisser apparaître son poignet à nu pour démontrer que oui, selon lui c’est le poignet de l’accusé qui a été en contact avec l’ordinateur des victimes et que c’est pour ça que l’ADN de Mohamed Aberouz n’a été retrouvé nulle part ailleurs. Une hypothèse que ne contredit pas la première experte interrogée à la barre, c’est elle qui a en premier effectué les analyses.
Les deux experts en désaccord
Sauf que cette même hypothèse est totalement battue en brèche par la défense, qui le rappelle : aucune analyse n’a été effectuée sur le bas du gant retrouvé chez les victimes. Pour les avocats de l’accusé, un transfert d’ADN reste la principale explication.
Cette question du transfert de l’ADN a donc été le fil rouge des trois heures d’auditions. Un transfert qui aurait pu se faire après un contact entre le terroriste et l’accusé, lors par exemple d’une poignée de main échangée entre eux. Les deux hommes étaient proches. Mais la position de l'experte, questionnée sans relâche, ne bouge pas : "Il n’y a pas d’ambiguïté, nous avons affaire à de l’ADN pur. Nous avons pu établir un profil en qualité et en quantité." C’est en effet sur l’ordinateur des victimes que Mohamed Aberouz a laissé le plus d’ADN, en quantité dix fois plus importante que sur la ceinture de sécurité de la voiture du terroriste par exemple.
"La science ne peut pas nous aider"
Mais à la barre, le deuxième expert n'a absolument pas les mêmes réponses. Ce technicien de l’institut français des empreintes génétiques, basé à Nantes, rappelle qu’il est intervenu bien plus tard sur les échantillons incriminés, et lui n’a pas retrouvé l’ADN de Mohamed Aberouz. Son explication c’est que lors des premiers relevés, la police technique et scientifique a prélevé tout l’ADN disponible et qu’il n’y avait plus rien à analyser.
Quant à ce fameux transfert d’ADN, il esquisse presque un sourire : " Tout le monde aux assises nous demande comment expliquer un transfert d’ADN." L’assistance est alors suspendue à sa réponse, très prudente : "La science ne peut pas nous aider, nous n’avons aucun élément pour aller dans un sens ou dans l’autre, nous ne pourrons jamais conclure définitivement." Et de toute façon insiste-t-il, "l’ADN est un élément du puzzle de l’enquête mais, monsieur le président, c’est vous qui assemblez les autres pièces du puzzle".
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