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Farines animales pour les poissons : une réintroduction, un flot de questions

La Commission européenne a annoncé, jeudi, que les poissons d'élevage pourraient dès cet été être nourris avec des farines de porc et de volaille, interdites depuis plus de dix ans.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une carpe dans un élevage de Trostadt, en Allemagne, le 29 décembre 2012. (MICHAEL REICHEL / AFP)

A partir du 1er juin, les poissons d'élevage des pays de l'Union européenne pourront à nouveau être nourris avec des farines animales. La Commission européenne l'a annoncé jeudi 14 février, précisant qu'il ne s'agissait que d'une "première étape", avant la réintroduction de cette nourriture dans les élevages de porcs et de volailles.

En plein scandale de la viande de cheval, la nouvelle "tombe mal", du propre aveu du ministre français délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot. Les farines animales sont en effet considérées comme responsables probables de la crise de la vache folle dans les années 1990. Elles avaient été interdites en 2001 par l'Union européenne pour l'ensemble des animaux de consommation.

Si la réintroduction ne concerne qu'un type bien précis de farines, elle suscite néanmoins de nombreuses interrogations. Francetv info fait le point sur les principales d'entre elles.

Quelles farines animales sont autorisées ?

Les farines animales réintroduites sont des protéines animales transformées (PAT). Autrement dit, des sous-produits de l'abattage non utilisés pour l'alimentation humaine (os, viscères, notamment), qui proviennent d'animaux vivants et sains au moment de l'abattage. L'autorisation ne concerne en outre que les PAT issues de viande de porc et de volaille.

C'est un point important, souligné par les experts : lors de la crise de la vache folle (l'encéphalopathie spongiforme bovine ou ESB, de son vrai nom), c'est l'utilisation de carcasses d'animaux morts et potentiellement malades qui aurait notamment causé la contamination.

Deux restrictions sont par ailleurs imposées : aucun "cannibalisme" n'est permis, c'est-à-dire que les porcs ne doivent pas être nourris avec de la farine de porc (avec une nuance pour les poissons, certaines espèces pouvant être nourries avec d'autres), et la filière bovine est entièrement exclue de la mesure (en tant que matière première pour les farines comme en tant que destinataire de ces dernières).

Présentent-elles des risques sanitaires ?

La Commission européenne explique que cette mesure tient compte "des opinions scientifiques les plus récentes indiquant que le risque de transmission de l'ESB entre non-ruminants est négligeable si le recyclage intra-espèce (cannibalisme)" est exclu.

La réalité est un peu plus complexe. Dans un rapport sur le sujet rendu en octobre 2011 par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), celle-ci, tout en rendant la même conclusion, précisait en effet qu'il n'était pas possible "d’exclure totalement la possibilité d’une transmission et d’une adaptation des agents" responsables des encéphalites spongiformes. La raison est, notamment, qu'il n'existe pas de dispositif de surveillance des espèces concernées pour ces maladies.

Enfin et surtout, l'Anses se prononçait contre la réintroduction pour une raison précise : l'impossibilité de garantir de manière satisfaisante l'espèce d'origine des PAT d'un bout à l'autre de la filière. Et donc, l'impossibilité de garantir l'absence de cannibalisme.

La traçabilité de ces produits est-elle assurée ?

Si inquiétude il y a, c'est donc avant tout sur la traçabilité des farines concernées. Le rapport de l'Anses expliquait, en effet, que la méthode de contrôle de référence pour les PAT "ne permet de statuer que sur la  présence ou l’absence de produits issus d’animaux" et "ne permet pas d’identifier les espèces animales" entrant dans leur composition.

Selon la Commission européenne, de nouveaux tests ADN, encore en développement au moment de la publication du rapport de l'Anses, permettraient de combler cette lacune. "La mesure ne serait pas entrée en vigueur si les tests n'étaient pas disponibles", assure Frédéric Vincent, porte-parole de la direction Santé et consommateurs de la Commission, joint par francetv info.

Pourquoi veut-on les réintroduire ?

Au vu des incertitudes et du contexte, on peut s'interroger sur la volonté de l'Union européenne de réintroduire ces farines. En fait, cette mesure est destinée à soulager un secteur en tension.

"L'aquaculture est la production animale qui augmente le plus fortement", ce qui implique une hausse de la demande en aliments, explique Françoise Médale, contactée par francetv info. Cette spécialiste de la nutrition des poissons au sein de l'Institut national de recherche agronomique (Inra) a contribué au rapport de l'Anses.  

Un employé nourrit des saumons dans un élevage de Cherbourg (Manche), le 30 novembre 2012. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

"Pendant longtemps, les aliments étaient des farines de poisson, fabriquées avec des espèces spécifiquement pêchées pour ça", explique la chercheuse. Mais ces espèces, soumises à des quotas, ne suffisent plus à nourrir le nombre grandissant de poissons d'élevage. Sans compter que "les farines de poisson sont l'ingrédient protéique le plus cher sur le marché", précise Françoise Médale. Leur prix pouvant atteindre 1 800 euros la tonne.

Les farines végétales, utilisées en complément, posent d'autres problèmes : outre qu'elles ne répondent pas totalement aux besoins nutritionnels des poissons, leur utilisation dans ce but entre en concurrence avec la filière destinée à l'alimentation humaine. Les déchets de poissons et de poulets ont, eux, l'avantage d'être disponibles en abondance et à faible coup à la sortie des abattoirs.

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