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Festival d’Avignon 2022 : "Iphigénie" revisitée par Tiago Rodrigues ou la rébellion des femmes contre les guerres inutiles

Revisiter le chef d’œuvre d’Euripide, le défi de Tiago Rodrigues, auteur de ce texte gonflé et brillant. La romancière-cinéaste Anne Théron signe la mise en scène de cette "Iphigénie" à découvrir au Festival d’Avignon. Un spectacle diffusé sur France5 le 15 juillet et sur Culturebox le 24 juillet.

Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Carolina Amaral dans "Iphigénie" (RAYNAUDDELAGE)

"Une pièce féministe et révolutionnaire", c’est en ces termes qu’Anne Théron résume la relecture d’lphigénie par Tiago Rodrigues, (qui prendra la direction du festival en 2023 à la place d’Olivier Py). Dans cette version, un chœur de femmes en colère rappelle les protagonistes de cette tragédie et questionne le sacrifice d’Iphigénie commandé par les dieux à son père.

Sur une digue qui plonge dans l’océan, des ombres attendent que le vent se lève. Des fantômes qui vont devoir effectuer un travail de mémoire : pourquoi Iphigénie a-t-elle été sacrifiée par le roi Agamemnon pour mener la guerre aux Troyens ? Il y a là, parmi ces ombres, Agamemnon (Vincent Dissez), père d’Iphigénie, Clytemnestre (Mireille Herbstmeyer), la mère, Ménélas le frère d’Agamemnon (Alex Descas), Achille le chef de guerre amoureux d’Iphigénie (Joao Cravo Cardoso) et le vieillard (Philippe Morier-Genoud). Tous sont acculés à revivre l’enchainement de ces événements tragiques par le chœur (Fanny Avram, Julie Moreau).

3Iphigénie" de Tiago Rodrigues, mise en scène d'Anne Théron (RAYNAUD DE LAGE)

Une langue évidente, concrète

Le texte interroge le libre arbitre, la responsabilité de chacun face aux diktats des dieux, c’est-à-dire de la religion, de toutes les religions. Le choix de garder les comédiens constamment sur scène renforce le côté un peu trop statique et classique de la mise en scène. Mais on est séduit par la langue évidente, concrète, de Tiago Rodrigues, à laquelle chacun donne une forte résonance : l’impressionnante Clytemnestre de Mireille Herbstmeyer, Achille et Iphigénie incarnés par deux acteurs portugais qui, s’exprimant dans leur langue, semblent parler un langage secret, celui de l’amour...

"Iphigénie" de tiago Rodrigues (RAYNAUDDELAGE)

Autre sujet très intéressant abordé dans cette version: la complaisance masculine pour la guerre que refusent les femmes, à commencer par Clytemnestre qui voit sa fille sacrifiée de manière barbare, au nom d’une loi incompréhensible pour elle, au point d’appeler son mari à renoncer au trône. Un blasphème pour les Grecs.

Agamemnon (Vincent Dissez) et Clytemnestre (Mireille Herbstmeyer) dans "Iphigénie" (RAYNAUDDELAGE)

Le refus du mensonge

Quant à Iphigénie, restée silencieuse une grande partie du spectacle, elle décidera de mourir, non par soumission mais parce qu’elle ne veut pas vivre dans un monde de mensonge. La jeune fille refuse d’être utilisée, qu’on dispose de son corps, exige l’oubli. Cette fin radicale contredit celle d’Euripide qui imagine Iphigénie sauvée in extremis par Artémis…      

"Iphigénie" de Tiago Rodrigues (RAYNAUDDELAGE)


"Iphigénie" de Tiago Rodrigues, mise en scène d'Anne Théron
Avec Caroline Amaral, Fanny Avram, Joao Cravo Cardoso, Alex Descas, Vincent Dissez, Mireille Herbstmeyer, Julie Moreau, Philippe Morier-Genoud, Richard Sammut
Opéra Grand Avignon
7, 8, 9, 11, 12, 13 juillet à 18h
Festival d'Avignon

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