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Festival d’Avignon : Laurent Gaudé ranime la belle idée européenne avec François Hollande en guest-star !

Avec "Nous, l’Europe, banquet des peuples", l’écrivain Laurent Gaudé secoue le public d’Avignon en pleine fournaise et réussit à redonner du souffle et de la sève à l’Union européenne.

Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
François Hollande, invité-témoin sur la scène du spectaclele "Nous, l'Europe, banquet des peuples", samedi 6 juillet 2019 (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Laurent Gaudé avait écrit un pamphlet-cri d’alarme au moment des dernières élections européennes. Il en signe pour Avignon une adaptation théâtrale mise en scène de façon audacieuse par Roland Auzé. Le prix Goncourt 2005 remonte aux origines de notre histoire commune, traque son désamour, redessine cette belle idée qu’est l’Europe, "notre plus grande patrie".  

Robert Bouvier dans "Nous, l'Europe, banquet des peuples" de Laurent Gaudé (Christophe Raynaud de Lage)

"On a dit oui, vous vous souvenez ?", la pièce démarre par cette adresse d’un grand échalas goguenard. "Pour ou contre ? Stop ou encore ?". "On a entendu le non, ont dit les politiques (au sujet du référendum de 2005 rejetant le projet de traité constitutionnel), mais ce sera oui (en 2007, Nicolas Sarkozy faisait ratifier un traité identique cette fois par le parlement). "Elle vient de la colère, la fracture (entre l’élite et le peuple), par le refus du résultat des urnes".  

Un bouillonnement permanent  

Laurent Gaudé et son metteur en scène Roland Auzé convoquent toutes les formes de spectacle pour évoquer ce bouillonnement permanent, cette épopée européenne de 1848 à nos jours. Car l’Europe surgit, selon Laurent Gaudé, à Palerme en 1848, la première ville d’Europe à se soulever, à renverser le vieux monde. A grands traits sont tracées les luttes successives de libération des peuples européens, des guerres et des massacres aux moments de réconciliation.

Passe ainsi devant nous aussi bien l’épopée du chemin de fer, que le partage de l’Afrique prélude à la colonisation, le destin des apatrides et la belle idée du passeport Nansen qui permis aux réfugiés de trouver leur place ; la crise de 29 et dans son sillages la liste de plus en plus inquiétante des "indésirables". Les ghettos, les génocides, jusqu'au "Plus jamais ça" répété de la fondation européenne.  

"Nous, l'Europe, banquet des peuples" de Laurent Gaudé à Avignon (Christophe Raynaud de Lage)

Allers-retours historiques, scènes collectives ou intimistes, hard-rock joué en live, danse, chœurs d'adultes et d’enfants de la maîtrise de l'Opéra d'Avignon… On est emportés dans un tourbillon de réflexions, d’interrogations, de colères vivifiantes, transmises par onze comédiens à la belle présence et de toutes nationalités… européennes.  

Chaque soir un grand témoin : François Hollande, Susan George…  

Autre belle idée du spectacle, à l’intérieur de la dernière partie, un invité, qui sera différent tous les soirs. Le jour de la première, on a vu apparaître sur scène François Hollande. L’ancien président de la République, très à l’aise, a défendu le projet européen menacé selon lui par le "nationalisme qui s'est installé en Europe". "Ils ne veulent pas que les pays quittent l'Europe, ils veulent que l'Europe s'arrête. C'est un combat politique". François Hollande a exprimé son regret "de ne pas avoir su partager son engagement européen avec le plus grand nombre de Français". Autre "remord", la question des réfugiés. "Ce qu'on attendait de l'Europe, c'est qu'elle puisse être unie pour accueillir et faire dignement son devoir, même avec des règles qui auraient pu être communes, et répartir les réfugiés. Nous n'avons pas su régler ce problème en temps utile".    

"Nous, l'Europe, banquet des peuples" de Laurent Gaudé  (Christophe Raynaud de Lage)

Dimanche soir, l’invité était cette fois Susan George, l’écrivaine franco-américaine et fondatrice d’ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne).  La militante alter-mondialiste a vanté l’Europe et la France, "pays béni des Dieux", où l’éducation et les soins médicaux sont gratuits. "Croire en l’Europe c’est croire que les hommes peuvent changer les choses" juge-t-elle. Puis, s’adressant au public : "qui est notre commissaire européen ?" Une seule petite voix dans l’immense cour à ciel ouvert du lycée Saint Joseph cite Pierre Moscovici. "On ne peut pas dire que l’on parle beaucoup de lui !" glisse dans un sourire la vieille dame toujours alerte.  

A la recherche d’un hymne européen

Le spectacle s’achève sur une savoureuse réflexion autour de l’hymne européen. Parce que la neuvième de Beethoven ne vient pas du peuple et ne leur semble pas un hymne très naturel, Gaudé et Auzet en proposent un autre, plus populaire, plus galvanisant !  On ressort de ce banquet des peuples revigorés, avec le sentiment que cette belle utopie, laboratoire permanent certes un peu hystérique, est sans doute la plus formidable idée du XXe siècle. Un héritage collectif que le théâtre a su pour un soir nous rendre essentiel, l’affaire de tous. 

"Nous l'Europe, banquet des peuples" de Laurent Gaudé, mse en cène de Roland Auzet 
Cours du Lycée Saint Joseph 
6,7,9,10,11,12,13,14 juillet à 22h 
Durée environ 2h3O

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