Florange. Nationalisation, mode d'emploi
Alors que l'hypothèse de voir l'Etat prendre le contrôle du site mosellan prend de l'épaisseur, francetv info se penche sur les modalités d'une telle opération.
FLORANGE – Le site d'ArcelorMittal à Florange (Moselle) va-t-il basculer dans le giron de l'Etat ? Evoquée pour la première fois le 22 novembre par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, l'hypothèse d'une nationalisation temporaire de l'aciérie prend de l'épaisseur.
Après avoir été reçus par le ministre mercredi 28 novembre, les délégués syndicaux du site ont ainsi indiqué que le gouvernement avait décidé qu'il nationaliserait temporairement l'ensemble du site de Florange si ArcelorMittal refusait de céder l'intégralité de ses activités sidérurgiques d'ici samedi. Le groupe, qui ne souhaite pas se séparer de la partie transformation du site, avait fixé ce délai pour trouver un repreneur aux hauts-fourneaux, arrêtés depuis le 1er octobre. Passé ce jour, l'entreprise entend commencer les procédures pour fermer les installations.
Francetv info vous aide à comprendre comment une telle solution pourrait être appliquée.
Comment nationaliser ?
Il faut passer par la loi. En février 1982, le gouvernement de Pierre Mauroy avait ainsi présenté au Parlement une loi faisant entrer dans le giron public trente-neuf banques, cinq groupes industriels ainsi que deux compagnies financières.
Si nationaliser une entreprise est légal, cela n'en demeure pas moins une atteinte au droit de propriété, présent dans la Constitution de la Ve République au travers de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Lors de la grande vague de nationalisations de 1982, le Conseil constitutionnel a donc explicité les conditions dans lesquelles cette atteinte peut être justifiée.
Selon le Conseil, une nationalisation peut être considérée de "nécessité publique" lorsqu'elle donne "aux pouvoirs publics les moyens de faire face à la crise économique, de promouvoir la croissance et de combattre le chômage". "Des motifs qui font particulièrement écho à la situation actuelle du gouvernement", estime L'Usine Nouvelle, qui, citant la Déclaration des droits de l'homme, ajoute qu'une "indemnité préalable et juste" doit être versée par l'Etat à l'entreprise expropriée.
Combien coûterait le rachat du site ?
C'est toute la question. Les estimations les plus basses évoquées par L'Expansion font état d'environ 150 millions d'euros, quand Les Echos avancent le chiffre de 900 millions, frais de remise en état du site inclus. Le quotidien économique, daté du 30 novembre, indique que plusieurs spécialistes se penchent actuellement sur le dossier pour déterminer la valeur précise du site ArcelorMittal de Florange.
Après avoir rencontré Arnaud Montebourg, mercredi, un représentant de la CFDT avait indiqué que le gouvernement envisageait de vendre 1% du capital qu'il détient dans GDF Suez pour financer la nationalisation. Une part qui représenterait 420 millions d'euros, selon une estimation de l'AFP.
Le cabinet du ministre a depuis démenti (document PDF) que le financement de cette nationalisation s'effecturait "sur le dos" de GDF Suez, mais a confirmé que la vente de participations de l'Etat dans une autre entreprise publique est envisagée. Le gouvernement se veut toutefois rassurant sur le coût de l'opération : "Si ce choix politique-là est fait, les moyens seront trouvés et, au demeurant, ça n'aggraverait pas le déficit car, en contre-partie de cet engagement, il y aurait des actifs qui valent quelque chose", a ainsi déclaré le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, au micro de France Info.
A quelle hauteur faudrait-il indemniser ArcelorMittal ?
Au prix de rachat de l'entreprise, doit être ajouté un autre coût : celui de l'indemnisation, prévue par la loi, des anciens propriétaires. L'Usine nouvelle explique que son montant est "calculé par une commission administrative, puis fixé par décret". Il doit prendre en compte le préjudice subi par la société, qui peut le contester devant le juge administratif si elle l'estime trop faible.
A titre indicatif, Libération relève que lors de la vague de nationalisations de 1982, le prix de rachat des entreprises correspondait "à la somme de la valeur boursière et des derniers dividendes versés, majorée de 14%".
Une chose est sûre : Lakshmi Mittal, le président d'ArcelorMittal, n'acceptera pas de brader Florange : le groupe est pris à la gorge par les dettes, qui atteignent plus de 18 milliards d'euros. Symbole de cette mauvaise passe, l'entreprise a décidé de fermer temporairement son siège au Luxembourg en 2013, comme le notent Les Echos.
Est-ce une bonne idée ?
Les avis divergent, et ce n'est pas forcément une question de droite ou de gauche. La présidente du Medef, Laurence Parisot, a jugé jeudi 29 novembre l'idée et la méthode employée par Arnaud Montebourg "scandaleuse". "S'il s'agit par de tels propos, tout simplement d'exercer une pression, de faire du chantage, dans le cadre d'une négociation, c'est inadmissible", a-t-elle affirmé. Sur le fond, elle estime qu'"ébranler ce principe [du droit à la propriété], comme ça, à la va-vite, c'est très grave (...) et très coûteux".
Les partisans d'une nationalisation temporaire estiment pour leur part que le gouvernement pourrait ainsi disposer de davantage de temps pour trouver un repreneur. L'opération, si elle concerne l'ensemble des activités du site mosellan, pourrait en outre se révéler rentable pour l'Etat. Comme Jérôme Cahuzac, le député UMP Henri Guaino a ainsi estimé dans les colonnes des Echos que la sidérurgie était "une filière stratégique où nous avons une avance technologique considérable".
Parmi les autres partisans de cette solution, on trouve le président du MoDem, François Bayrou, ou le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon. Quarante députés PS ont en outre signé un appel à soutenir la proposition d'Arnaud Montebourg.
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