Florian, "fervent sarkozyste en 2007", très tenté par le FN cette année
Au centre des hésitations du jeune homme, la question de l'immigration. Portrait de ce jeune militant UMP dont le cœur balance.
Quand on l'a rencontré, le 19 février, Florian, 25 ans, était avec une copine à bord d'un car de militants UMP d'Avignon direction Marseille et le premier "grand meeting" de son candidat fraîchement déclaré. Et déjà, c'était compliqué. Encarté, il voulait "montrer que la ferveur n'était pas qu'au PS". Et dans le même temps, "vérifier que Nicolas Sarkozy pouvait encore le convaincre". Sinon, il n'en faisait alors pas mystère, Florian choisirait Marine Le Pen.
Trois semaines de campagne plus tard, le jeune homme est encore sincèrement tiraillé. En 2007, le jeune homme a voté pour la première fois. A l'époque, la question ne s'est même pas posée : Florian se définissait comme "fervent sarkozyste". "Son peps, sa force, son amour de la France plus fort que tous les autres", énumère ce Libanais d'origine adopté à l'âge de quelques semaines par un pharmacien de Vaison-la-Romaine (Vaucluse) et son épouse, femme au foyer.
"La droite, c'est pour que les traditions perdurent"
Politisé depuis tout petit, c'est surtout cette définition répétée par son grand-père maternel qui l'aide à choisir son camp : "La droite, c'est pour que les traditions perdurent. La gauche, pour prendre les traditions des autres." Donc l'UMP ce sera. En 2007, il prend sa carte. Il possède aussi la quinquennale 2007-2012 et attend la 2012-2017 "d'ici quelques jours". Mais il se sent oublié.
"Le sauveur, le messie" Sarkozy l'a vite déçu. Il n'a "pas gardé de lien avec la France réelle", regrette ce "très précaire" vacataire de la mairie d'Avignon (Vaucluse) depuis cinq ans. Florian s'est arrêté au brevet des collèges, lorsque le décès de son père l'oblige à travailler pour aider sa mère à subvenir aux besoins de la famille. Il a bien tenté de reprendre une capacité en droit mais a échoué. "Des cours du soir avec les horaires de la restauration, c'est pas facile", s'excuse ce curieux très au fait de la vie politique sous la Ve République.
"C'est épuisant"
Du coup, "je bouche les trous des plannings de la mairie. Une fois ouvreur à l'opéra, une fois balayeur... Mon compagnon est fonctionnaire hospitalier et c'est galère." 640 euros de loyer pour 60 mètres carrés juste derrière la gare du centre-ville, plus 120 euros mensuels d'impôts sur le revenu à eux deux, commence-t-il à additionner. Alors qu'il connaît "un copain" qui, "à 33 ans, n'a jamais travaillé de sa vie", a fait refaire toutes ses dents avec la couverture maladie universelle (CMU), vit dans un HLM et ne paye pas de loyer grâce aux APL, l'aide personnalisée au logement. "Il s'en sort mieux que moi, c'est épuisant !", conclut le jeune homme, les sourcils froncés avant de retrouver le sourire. Chemise blanche à rayures et motifs colorés ouverte sur un tee-shirt blanc, jean, mocassins, Florian s'allume régulièrement une cigarette qu'il fume lentement.
Un moment, il est "exaspéré de voir que Nicolas Sarkozy n'a pas été jusqu'au bout de ses réformes en cinq ans". Un moment, il l'excuse : "Cinq ans, vraiment, c'est pas beaucoup." Un moment, il lui en veut de ne pas avoir supprimé la première tranche d'imposition comme promis durant la campagne. Un moment, il ne veut "pas changer de capitaine en pleine tempête". "Quand on aime, on trouve toujours une excuse", finit-il par lâcher.
La question clé : l'immigration
Alors, pourquoi Marine Le Pen ? Silence dubitatif. Dans le salon propret, la télé est allumée, le son en sourdine, sur une chaîne d'info en continu. Le chat se promène entre les multiples plantes vertes et convoite le poisson exotique dans son haut vase. Sur la table, un emballage de pizza traîne à côté d'un plat à tagine. "En fait, c'est la question de l'immigration", finit par souffler Florian, qui ne voulait "pas trop revenir sur le sujet parce qu'[il] ne veut pas passer pour un raciste".
Lui qui fait ses courses à l'épicerie du coin, parce que "les Arabes qui la tiennent sont des gens adorables", tout comme le boucher d'Islam viande, la boucherie halal de sa rue, où il se fournit sans problème. Mais il veut dire ce qui lui semble être : "Quand on entend qu'un jeune d'origine nord-africaine a tué à tel endroit ou a fait ceci et qu'on est devant son poste de télé, on se dit : 'Ah ben c'est encore eux !'"
"J'ai du mal les jeunes qui se croient tout permis"
Et puis, il a "peur de se balader le soir tard" dans Avignon. Un de ces amis a subi "une agression homophobe par trois immigrés sans que rien ne soit fait". Et puis, la dernière fois aux urgences, une femme voilée a refusé de se faire soigner par un homme. "Les urgences, c'est gratuit, on ne choisit pas son médecin", enchaîne le jeune homme. C'est comme les prénoms pour les enfants, on en choisit un français.
A l'état civil, la dernière fois, l'agente municipale "a écrit 'Floriant' alors qu'elle orthographiait très bien Mohammed ou Youssef". D'ailleurs, l'orthographe, quand il voit les lettres que sa petite nièce lui envoie, presque indéchiffrables tant elles sont truffées de fautes... En parallèle, il entend qu'on propose de supprimer les notes à l'école. Bref, "j'ai du mal avec la nouvelle génération d'immigrés et les jeunes qui se croient tout permis en France", résume-t-il.
"Le Front national, on n'a jamais essayé"
Alors, quand le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a proposé à Avignon lundi 5 mars de faire baisser de 30 000 le nombre d'arrivées légales et qu'il s'est fait huer par des militants qui scandaient : "Zéro, on en veut zéro", il "s'est trouvé bête". C'est vrai, Marine Le Pen, de son côté, "dit qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde parce qu'on ne peut plus payer". Et qu'à cela ne tienne, la patronne du Front national s'oppose certes au mariage et à l'adoption pour les couples homosexuels. Mais "elle a reconnu qu'elle n'était pas contre les homos et, puis, l'union civile pour les couples du même sexe, c'est tellement dans l'air du temps que je suis sûr qu'elle y viendra si elle est élue".
Non, vraiment, c'est la question de l'immigration qui sert de curseur. "C'est en touchant au portefeuille qu'ils partiront d'eux-mêmes", estime-t-il. "Enfin, les immigrés qui sont là pour les aides sociales, qui n'aiment pas la France, n'ont pas vraiment envie de travailler...", développe Florian. Nicolas Sarkozy a des positions approchantes ? "Oui, mais ce sont les mêmes qu'en 2007, je doute un peu de lui. Alors que le Front national, on n'a jamais essayé !"
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