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"Affaire du siècle" : "Ce jugement est une épée de Damoclès sur le ou la prochaine présidente", prévient Oxfam

La France a été condamnée jeudi 14 octobre à réparer le préjudice causé par le non-respect de ses engagements pour le climat. Le prochain chef de l'État "ne pourra pas ignorer cette décision", se félicite sur franceinfo la directrice générale de l'ONG Oxfam, Cécile Duflot.

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Cécile Duflot, ancienne ministre et directrice générale d'Oxfam France, invitée de franceinfo le 6 septembre 2019. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Ne vous inquiétez pas, on sera là le 31 décembre 2022 pour constater que l'État n'a pas rattrapé son retard et nous demanderons une astreinte financière", déclare jeudi 14 octobre sur franceinfo la directrice générale de l'ONG Oxfam, Cécile Duflot. La justice française vient d'ordonner à l'État de "réparer" les préjudices causés par ses engagements climatiques non tenus, après le litige porté par quatre ONG dont Oxfam sous la bannière de l'"Affaire du siècle", soutenue par une pétition signée par plus de 2,3 millions de citoyens. Les signataires dénonçaient le non-respect par la France de ses propres engagements en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

"Ce jugement est une épée de Damoclès sur le ou la prochaine présidente", prévient Cécile Duflot. "Pour faire bouger les politiques, il faut que l'étau démocratique se resserre par le vote. C'est la nouvelle étape de l'"Affaire du siècle". Nous allons demander aux futurs candidats comment ils comptent faire pour se conformer à ce jugement. Et on sera en capacité de parler très fortement de ce que signifie ou pas leur programme."

franceinfo : Regrettez-vous qu'il n'y ait pas d'astreinte financière ?

Cécile Duflot : D'abord, ce qui est intéressant avec l'"Affaire du siècle", c'est que quand on a commencé, on nous a dit : "Ça n'arrivera jamais, il n'y aura jamais de décisions pour condamner l'État". Ensuite, l'État a été condamné pour carence fautive, on nous a dit : "Oui, mais vous n'aviez demandé qu'un euro symbolique". Et maintenant que l'État est condamné à réparer le préjudice écologique, c'est-à-dire le retard pris dans la limitation des émissions, on nous dit : "Oui, mais il n'y a pas d'astreinte". Alors ne vous inquiétez pas, on sera toujours là le 31 décembre 2022 pour constater que l'État n'a pas rattrapé son retard. À ce moment-là, oui, nous demanderons une astreinte. L'objectif n'est pas de faire condamner l'État, c'est que les politiques qui permettent de lutter contre le dérèglement climatique soient mises en œuvre.

Qu'attendez-vous comme mesure de réparation, puisque c'est laissé à la libre appréciation du gouvernement, et qu'entre maintenant et fin 2022, il y aura une élection présidentielle ?

En fait, ce jugement, c'est une épée de Damoclès sur le prochain président ou la prochaine présidente de la République. Il ne pourra pas ignorer cette décision qui n'est pas liée à ce gouvernement. C'est une condamnation de l'État. On sait très bien ce qu'il faut faire, encore plus vu la convention citoyenne. Les trois principaux secteurs d'émission de gaz à effet de serre sont le transport, l'agriculture et le bâtiment. Et ça, c'est à peu près le contraire de ce qui a été présenté cette semaine par le président de la République. J'ai essayé de ne pas être trop narquoise et de ne pas me dire qu'il regrettait de ne pas être né 30 ans plus tôt, mais je crois qu'il y a un grand déni. Il se dit qu'on va faire comme autrefois pour ne pas affronter la réalité qui est celle d'une catastrophe climatique qui impose de ne pas refaire voler des avions supersoniques comme au 20e siècle, mais de trouver des nouvelles solutions sobres en carbone. La France 2030 du président de la République, si on suit son planning, ce sera une France qui vivra des sécheresses, des tornades, des inondations comme on n'en a jamais vues. Mais en utilisant toutes les clés de la démocratie, on va y arriver parce qu'on doit y arriver. On n'a pas le choix avec la catastrophe climatique. Soit ce sera vraiment terrible pour tout le monde, soit on arrive à appuyer les pieds sur le frein et à prendre le virage.

Vous qui avez été ministre, ce genre de décision peut-il vraiment faire peur et contraindre un gouvernement ?

Le sujet ce n'est pas de faire peur, c'est de faire agir. Déjà, ils sont très vexés. Le ministre de l'époque disait qu'on ne règle pas ça à la barre d'un tribunal. Tout le monde se gaussait en disant qu'il n'y aurait jamais une décision. Force est de constater que maintenant, la réalité, elle est là. Elle est écrite sur le papier du tribunal administratif. Le deuxième point, c'est que pour faire bouger les politiques, il faut que l'étau démocratique se resserre par le vote. C'est la nouvelle étape de l'affaire du siècle. On l'a dit : "Pas de climat, pas de mandat". Nous allons demander aux futurs candidats qui veulent gouverner l'État comment ils comptent faire pour se conformer à ce jugement. On sera en capacité de parler très fortement de ce que signifie ou pas leur programme et leurs engagements.

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