Fin de l'aide au carburant pour les pêcheurs : la filière "est au bord de l'effondrement", alerte Maël de Calan, président du conseil départemental du Finistère

Selon l'élu Les Républicains, il ne s'agit "pas d'une revendication corporatiste", mais d'"un vrai choix stratégique à faire pour la France".
Article rédigé par franceinfo
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Un bateau avec un chalut en Bretagne. Illustration  (MAXPPP)

"Il y a une filière qui emploie plusieurs milliers de personnes qui est au bord de l'effondrement", a alerté vendredi sur franceinfo Maël de Calan, président LR du conseil départemental du Finistère, alors que le secrétaire d'Etat à la Mer a annoncé un "plan de transition énergétique" pour adapter les navires de pêche très gourmands en carburant. Hervé Berville a confirmé la fin de l'aide de 20 centimes le 15 octobre. Dans le même temps, il a annoncé une réduction de 13 centimes par litre financée par TotalEnergies pour compenser la fin de la remise.

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Les pêcheurs, réunis depuis jeudi à Nice pour leurs assises annuelles, exigent plus d'aides publiques. Ce n'est "pas d'une revendication corporatiste", assure Maël de Calan. Il alerte sur "un vrai choix stratégique à faire pour la France". Selon lui, la compensation "n'est pas du tout à la hauteur du défi", car la filière "pourrait avoir du mal à passer l'hiver".

franceinfo : Comprenez-vous les inquiétudes des pêcheurs face à ce plan gouvernemental ?

La première chose que je voudrais dire avec beaucoup de gravité, c'est que ce n'est pas une corporation qui râle, parce qu'il faudrait quelques centimes de plus ou de moins, qui menace de faire grève. Ce n'est pas du tout de ça dont il s'agit. Si tous les élus du territoire sont extrêmement inquiets, c'est que ce qui est à l'œuvre pourrait être de même nature que ce qui s'est passé dans le nord de la France quand l'industrie textile est partie et ce qui s'est passé dans l'est de la France quand la sidérurgie est partie. Il y a une filière qui emploie plusieurs milliers de personnes - c'est près de 5 000 dans le Finistère, c'est près de 10 000 dans le sud de la Bretagne - qui est au bord de l'effondrement. Au moment où l'on parle de réindustrialiser le pays, on a une filière industrielle avec un savoir-faire très fort qui pourrait disparaître. Au moment où l'on parle de réduire notre empreinte environnementale, on s'apprête à importer encore plus de poisson de la part de pays qui n'ont aucune forme d'intérêt pour ces questions environnementales. Et puis enfin, au moment où l'on parle de restaurer notre souveraineté, on pourrait amoindrir notre souveraineté alimentaire. Il ne s'agit pas d'une revendication corporatiste, il ne s'agit pas d'un coup de gueule comme on le voit dans d'autres secteurs. Il s'agit d'un vrai choix stratégique à faire pour la France, s'agissant d'une filière qui emploie près de 10 000 personnes en Bretagne. 

Dans le plan du gouvernement, il y a un aspect environnemental qui pourrait faire baisser le prix du gazole. Est-ce positif ?

Je salue les efforts du secrétaire d'Etat à la Pêche. Je ne fais pas partie de ceux qui le critiquent. Je pense qu'il se bat bien. Mais clairement, tout ça n'est pas du tout à la hauteur du défi. Pour décarboner la flotte, encore faudrait-il qu'elle soit encore vivante dans 12 ou 18 mois. Or, la plupart des gros bateaux de pêche qui forment l'armature de notre flotte de pêche, qui apportent les gros volumes dans les criées, des poissons qui sont ensuite transformés par les usines de mareyage, qui sont ensuite vendus en France et dans toute l'Europe, ces gros bateaux sont au bout de leur trésorerie et vont disparaître.

Quelle doit-être la réponse d'urgence ?

La réponse d'urgence, c'est, à très court terme, renforcer la trésorerie des bateaux et des usines de mareyage. Cela veut dire un moratoire sur leurs prêts bancaires. Cela veut dire une aide au gazole qui est bien au-delà de ce qu'a annoncé le ministre. Cela peut vouloir dire également de travailler sur le bouclier électricité dont les mareyeurs, les criées, ne bénéficient aujourd'hui que très marginalement. Ce sont les mesures pour les semaines ou les mois qui viennent. L'enjeu, c'est de passer l'hiver. C'est assez effrayant de voir qu'une filière, qui emploie des milliers de personnes, pourrait avoir du mal à passer l'hiver. Je sais que beaucoup de gens crient au loup en général. Je sais que les crises s'enchaînent. C'est pour ça qu'on a voulu écrire au président de la République. La lettre partira en début de semaine prochaine, avec beaucoup de respect, beaucoup de gravité, parce qu'on pense que c'est un choix de nature très stratégique pour notre pays qui relève de lui. 

Vous parlez de crises qui s'enchaînent. Selon vous, les mesures ne servent qu'écoper ?

Il y a eu une politique des pêches, qui se gère maintenant essentiellement au plan européen, qui a peut-être 20 ou 30 ans de retard, qui partait d'un bon sentiment qu'il fallait préserver la ressource, puisqu'on a peut-être, il y a 20 ou 30 ans, trop pêché en France et en Europe. Et donc on se disait, on va préserver la ressource en empêchant la flotte de pêcher. Donc on a entravé le renouvellement de la flotte, on a laissé vieillir les bateaux, on a encadré les droits à pêcher. Il y a eu de vrais succès que je salue, comme élu, de restauration des espèces. Il faut savoir que les espèces sont pour la plupart d'entre elles, très largement restaurées. Mais le pendant, c'est que les bateaux qui restaient, on les a laissé mourir, on les a laissés se dégrader, de sorte qu'on a perdu en compétitivité. 

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