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À quoi va ressembler le cours de "morale laïque" ?

Le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, veut instaurer des cours de "morale laïque". FTVi vous explique comment cette dernière pourrait être mise en place à l'école.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un cours d'éducation civique avec les élèves de 6e et de 5e du collège de la Grande Bastide à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 13 mai 2002. (FREDERIC SPEICH  / LA PROVENCE / MAXPPP)

RENTREE - Inculquer aux enfants les principes et les comportements du "vivre ensemble". Pour le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, c'est l'objectif que doit avoir un cours de "morale laïque". L'idée d'enseigner "des notions de morale universelle" peut sembler séduisante, mais que signifie-t-elle exactement ?

Une mission de réflexion "devra préciser la nature de cet enseignement" prévu pour la rentrée 2013, a indiqué Vincent Peillon, dans une interview publiée par Le JDD, dimanche 2 septembre. En attendant, FTVi vous explique sous quelles formes l'enseignement de la morale pourrait faire son retour à l'école.

Un enseignement noté

"Je pose trois objectifs : qu'il y ait une cohérence depuis le primaire jusqu'à la terminale ; que cet enseignement soit évalué ; qu'il trouve un véritable espace", précise Vincent Peillon au JDDLes élèves seront donc évalués sur ce qu'ils ont retenu de leur cours de morale.

C'est une nouveauté : jusqu'ici, l'instruction civique et morale, en primaire, l'éducation civique, au collège et au lycée, sont enseignés, mais les élèves ne sont pas interrogés sur leurs connaissances. "Quand une discipline n'est pas évaluée, elle n'est pas enseignée", a souligné le ministre de l'Education nationale sur France Inter, lundi matin. Au passage, Vincent Peillon en a profité pour railler les cours d'instruction civique actuellement dispensés : "Trop mécaniques", ils n'abordent pas les questions sur le sens de l'existence, selon lui.

L'apprentissage de La Marseillaise

Vincent Peillon donne peu d'éléments concrets mais précise quelques aspects de cet enseignement. Non, nos enfants ne salueront pas le drapeau tricolore chaque matin. Ils ne se lèveront pas non plus lorsque leur enseignant entrera en classe, affirme le ministre. En revanche, ne vous étonnez pas si vous les entendez chanter La Marseillaise à tue-tête. "Apprendre notre hymne national me semble une chose évidente", souligne Vincent Peillon dans Le JDD. "Mais il ne faudra pas croire que l'apprentissage mécanique d'un hymne est suffisant dans cette éducation à la morale laïque", ajoute-t-il, sans donner davantage de précisions.

Le retour de la maxime ?

L'expression de "morale laïque", "employée au tournant du XXe siècle par Emile Durkheim dans son cours sur 'l'éducation morale'", comme le rappelle La Croix, fait directement référence à la morale telle qu'elle a existé au début de la IIIe République française. "Mais elle ne peut pas être la même aujourd'hui", souligne Jean Baubérot, fondateur de la sociologie de la laïcité et notamment auteur de La laïcité falsifiée (éditions La Découverte), contacté par FTVi.

"Les cours de morale sauce IIIe République, c'est un peu réactionnaire", prévient de son côté un professeur de lettres, interrogé par Le Figaro"Il faut trouver une nouvelle façon d'enseigner la morale. Le cours de morale laïque ne peut pas revêtir la même forme que le cours de mathématiques", estime Jean Baubérot.

Instauré en 1882, le principe de la maxime proposée chaque jour aux élèves semble donc écarté. Lors du mandat de Nicolas Sarkozy, il avait été glissé dans les programmes de l'école primaire élaborés en 2008 par les services de Xavier Darcos. Puis il a été remis au goût du jour par Luc Chatel, le précédent ministre de l'Education nationale, dans une circulaire pour la rentrée 2011, dont Le Figaro avait publié des extraits. Vincent Peillon reconnaît que cette circulaire n'a jamais vraiment été appliquée : la méthode ne convenait pas aux enseignants, comme ils l'avaient expliqué à Europe 1, il y a un an.

De la philosophie à l'école primaire ? 

"La laïcité comme fait juridique, philosophique et historique n'est pas suffisamment étudiée", regrette Vincent Peillon dans l'interview accordée au JDD. Est-ce que cela signifie l'arrivée de cours philosophiques dès l'école primaire ? Le ministère de l'Education nationale, contacté par FTVi, a jugé prématuré de répondre à cette question, lundi.

Néanmoins, la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) estime que sur ce point, Vincent Peillon se rapproche de ses propositions, formulées dans un projet éducatif. "Depuis longtemps, nous militons pour l'introduction de cours philosophiques dès la maternelle", explique à FTVi Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE. Il prône aussi la création de classes coopératives, qui permettraient aux élèves de se regrouper pour mener un projet encadré par un enseignant. "Par exemple, ils peuvent s'impliquer dans l'aménagement de la cour d'école et ainsi développer leur capacité d'argumentation dans un cadre démocratique", précise Jean-Jacques Hazan. Toutefois, "il ne faut pas trop empiéter sur le domaine de l'éducation des parents", estime dans Le Figaro Valérie Marty, présidente de la Peep, l'autre association de parents d'élèves.

Si la France décidait d'introduire de la philosophie dans ses cours de morale, elle pourrait s'inspirer de ses voisins belges. La Constitution du pays garantit à tous le droit à une éducation morale ou religieuse, et des cours dits "philosophiques" sont obligatoires dès l'enseignement primaire. Dans ces cours, "les 'professeurs de morale' enseignent une philosophie de l'individu, largement fondée sur le respect des principes fondateurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme. (...) Les questions autour de l'identité, du handicap, du racisme, de l'égalité des sexes, les droits et les devoirs de l'enfant, le respect de l'environnement, font aussi largement partie des cours de morale", explique La Croix.

Ce type de cours existe aussi dans certains "Länder" en Allemagne, ajoute Jean Baubérot. Fervent défenseur de la "morale laïque", expression qu'il s'est lui-même appropriée, il propose aussi d'instaurer des "théâtres forum". Le principe ? "Les élèves inventent collectivement un scénario qui comporte un dilemme moral, jouent la scénette, puis la classe discute du thème abordé avec un professeur", explique Jean Baubérot. Il espère pouvoir transmettre ses idées à Vincent Peillon, qui, pour l'instant, n'a pas précisé quelles personnalités seront chargées de la mission sur l'enseignement de la "morale laïque".

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