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Ce qu'il faut savoir sur la manifestation à l'appel des nationalistes en Corse

Des milliers de personnes sont attendues, samedi 3 février, à Ajaccio, pour appeler le gouvernement à négocier, quelques jours avant la venue d'Emmanuel Macron.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni (à gauche) et le président nationaliste de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, le 22 janvier 2018 à Paris. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

"Demucrazia è rispettu pè u populu Corsu." Le slogan, qui signifie "Démocratie et respect pour le peuple corse", va résonner dans les rues d'Ajaccio, samedi 3 février. Une grande "manifestation populaire" est organisée à l'appel des dirigeants nationalistes de l'île, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni. Franceinfo vous résume les enjeux de ce rassemblement, trois jours avant la visite d'Emmanuel Macron sur l'île.

1Qui appelle à la manifestation en Corse ?

A l'origine de cette manifestation, on retrouve les deux hommes forts de l'île : le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, et le président nationaliste de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni. Les deux alliés ont été portés une nouvelle fois au pouvoir en décembre 2017, lors des élections territoriales. Ils espèrent mobiliser à nouveau les 65 000 électeurs de leur mouvement "Pè a Corsica" ("Pour la Corse"), qui regroupe indépendantistes et autonomistes. 

Depuis cet appel à la manifestation, plusieurs forces politiques et syndicales ont appelé au rassemblement. C'est désormais un collectif réunissant syndicats, associations et différents mouvements nationalistes qui pilote la manifestation.

A l'inverse, d'autres responsables politiques de l'île ont décliné la proposition. Parmi eux : Valérie Bozzi, présidente du groupe de droite associé au parti Les Républicains à l’Assemblée de Corse, Jean-Martin Mondoloni, le chef de file de la "droite régionaliste", ou encore le maire de Bonifacio (Corse-du-Sud) et élu d’opposition La République en marche, Jean-Charles Orsucci, relève Le Monde.

2Quel est l'objectif de ce rassemblement ?

Les nationalistes corses ne veulent pas lâcher les négociations. La manifestation vise "à convaincre le président, à travers une mobilisation populaire et pacifique, d'ouvrir un dialogue", a affirmé le président autonomiste du conseil exécutif, Gilles Simeoni.

La liste des revendications nationalistes est connue : co-officialité de la langue corse, rapprochement et amnistie des prisonniers, statut de résident et inscription de la Corse dans la Constitution. Les deux dirigeants nationalistes les ont d'ailleurs présentées la semaine dernière à Paris au Premier ministre Edouard Philippe et au président du Sénat Gérard Larcher.

"On n'est pas dans une logique de bras de fer. Mais lors de nos rencontres avec le Premier ministre, avec Gérard Collomb, Jacqueline Gourault et le président du Sénat Gérard Larcher, nous avons eu des fins de non-recevoir sur la plupart des dossiers présentés, a expliqué Gilles Simeoni aux "4 Vérités", sur France 2, vendredi. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation de blocage et de crise politique."

3Comment la date a-t-elle été choisie ?

Le samedi 3 février n'a pas été décidé au hasard. Après plusieurs semaines de négociations sans avancées, selon les nationalistes, ils ont décidé de mettre la pression sur l'Etat français à quelques jours de la visite d'Emmanuel Macron sur l'île.

Mardi 6 février, le président de la République doit se rendre en Corse avec trois membres du gouvernement – Gérard Collomb, Jacqueline Gourault et Marlène Schiappa, originaire de l’île. Une visite de deux jours, organisée à l'occasion du vingtième anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac.

Mais les défis politiques de l'île devraient bien être au menu de ce déplacement. Un "déjeuner républicain" est prévu mercredi à la préfecture de Haute-Corse, à Bastia. A cinq jours du déplacement, la présence de l’exécutif corse était encore "en cours de calage" selon l’Elysée, contacté par 20 Minutes. La manifestation de ce samedi devrait ainsi être cruciale dans les négociations à venir.

4Quelle est la position du gouvernement ?

Le gouvernement tâtonne sur le dossier corse. Après les réunions avec les responsables nationalistes de l'île, Matignon avait semblé surpris par la déception des élus nationalistes. "Il y a eu avec le Premier ministre un dialogue constructif : à l'issue de cet échange, chacun a d'ailleurs convenu que nous entrions dans une nouvelle phase politique", avait-on fait valoir dans l'entourage d'Edouard Philippe. Les élus corses n'ont pas eu, semble-t-il, la même vision des choses.

Matignon a "pris acte" de l'appel à manifester qui avait suivi ces rencontres, tout en souhaitant que le "dialogue initié" entre le gouvernement et l'exécutif local corse se "poursuive". Mais c'est la parole du chef de l'Etat qui est très attendue dans les jours à venir. En avril 2017, Emmanuel Macron avait laissé entrevoir un espoir pour les nationalistes. "S’il apparaît que le cadre actuel ne permet pas à la Corse de développer ses potentialités, alors nous pourrons envisager d’aller plus loin et de réviser la Constitution", expliquait-il à l'époque, rappelle 20 Minutes.

5Comment s'organise la manifestation ?

Les dirigeants nationalistes veulent tout faire pour éviter un flop de la manifestation. Gilles Simeoni a ainsi souligné "l'importance qu'elle soit une réussite et qu'elle se passe bien, d'éviter tout débordement qui pourrait donner des prétextes à celles et ceux qui ne veulent pas d'une logique de déblocage". Un service d'ordre a été spécialement mis en place et confié notamment au Syndicat des travailleurs corses.

Les nationalistes ont aussi activé leurs réseaux pour tenter de mobiliser largement. Sur Twitter, les soutiens s'organisent autour du hastag #Demucrazia ("Démocratie"). Les entreprises de transports "amies" ont été sollicitées pour l'événement, observe Le Monde, et les appels au covoiturage se multiplient. De quoi mobiliser largement ? Pas si sûr. "Nous sommes conscients que nous ne pourrons pas faire descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue", souffle un membre de l’état-major de Corsica Libera, le principal mouvement indépendantiste, au Monde.

Les chemins de fer corse (CFC), une société publique financée par la Collectivité, ont aussi annoncé des trains supplémentaires et "une réduction de 50% sur tous les trains Grandes Lignes" samedi, à l'occasion de la manifestation ajaccienne. Une initiative commerciale et non politique selon la société, qui a irrité au plus haut point nombre d'internautes et l'opposition politique insulaire.

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